À l'ombre des oliviers

Boréas fut soufflé par l’adresse des trois premiers candidats. Il ne s’était certainement pas attendu à ce que ses chevaux réagissent aussi bien, d’autant que Björn son cheval de tête était encore en liberté. Impressionnant.
En revanche, c’était plutôt bon signe pour la suite des épreuves : il y avait toutes les chances que ses chevaux puissent y démontrer l’étendue de leurs capacités, occasionnant une potentielle hausse de la demande. Vallia pourrait se frotter les mains.

Son attention se reporta vite sur le jeune palefrenier et Sallavïn, qui n’avaient pas encore trouvé de monture. Les déboires du premier étaient pourtant peu surprenants.
- "Monsieur, je vous conseille de changer de monture, dit-il au jeune homme qui frottait la poussière de ses mains. Syfar est un peu jeune, vous aurez plus de chance avec la jument de droite. Les carottes marchent aussi très bien".

Portant le pouce et l’annulaire à sa bouche, Boréas siffla doucement, un son grave et surprenant quoiqu’étrangement doux, semblable à la roucoulade d’un ramier. Au centre du pré, broutant avec une feinte nonchalance depuis le début du manège, le cheval nommé Björn releva instantanément la tête. Il avait la robe presque jaune et sa crinière taillée en brosse nette à deux niveaux, mettait en valeur l’épaisseur de son encolure et la double couleur de son crin noir au centre, blanc sur les côtés. La ligne sombre de sa crinière continuait jusqu’à la base de sa queue, ourlant les muscles saillants de son dos robuste, séparant sa croupe massive en deux hémisphères rebondis. Aux oreilles, naseaux et genoux, la robe de miel se zébrait de gris puis virait au noir mat, comme s’il avait traversé un champ de suie. Le nez haut, les oreilles pointées si haut qu’elles se rejoignirent presque au-dessus de sa tête, Björn répondit à l’appel de Boréas par un long hennissement. L'éleveur ravala une bouffée de fierté. Björn était son meilleur étalon, son préféré depuis la naissance, huit printemps plus tôt. Le plus facétieux aussi.

Ayant vite analysé qu’aucun danger ne pressait la demande, Björn prit le temps d’avaler une dernière bouché goulue d’herbe grasse avant de rejoindre son compagnon d’un pas tranquille. À mis chemin cependant, il s’ébroua et sans crier gare, les dents en avant, les yeux révulsés, fonça à fond de train sur Boréas telle une furie. L’image fulgurante de cette masse de muscles jaune et noire soudain lancée à pleine vitesse, la face déformée par la colère, était tout bonnement impressionnante. Exagérant risiblement l’effarement, Boréas fit un bon en arrière, protégeant théâtralement son visage d’une main, tendant une énorme pomme de l’autre. L’effet ne se fit pas attendre : Björn freina des postérieurs si fort qu’ils dérapèrent sur le sol en terre tandis que ses jambes continuaient leur course, sa croupe venant toucher le sol, terminant son dérapage contrôlé en position assise juste devant l’éleveur goguenard. Quel poseur. Tandis que Björn dégustait à grand renfort de bave, la pomme offerte, Boréas lui passa le licol et lui flatta l’encolure.

Il fit un clin d’œil discret à Sallavïn en désignant le jeune cheval qui un instant plus tôt avait tenu tête au palefrenier. Björn maitrisé, les deux récalcitrants devraient être plus calmes. J’ai hâte de voir si mon pronostique sur l’entente de ces deux là est gagnant ou pas.

Le sourire de Boréas lui fut rendu avec une joie calme, mais manifeste. Apostrophée par Sallavïn, la jeune melessë fut agréable surprise par son salut bien plus loquace que tout ce que lui avait témoigné le jeune homme jusque-là. Ravie de se rendre utile, elle répondit d’une voix chantante et dans la langue qu’il avait employé pour s’adresser à elle :

- Bonjour, fier chevalier, je suis heureuse de vous voir frais et reposé, elle accompagna ses mots d’une élégante révérence et d’un sourire espiègle. J’avais quelques scrupules de vous avoir tenu éveillé si tard, hier soir, merci encore. C’est donc avec plaisir que je m’en vais me renseigner !

Elle tourna aussitôt les talons et, dès qu’elle sentit une opportunité, s’approcha du petit groupe de palefrenier, les abordant de son meilleur cyrillan :

- Bonjour, je suis Kayla Fal’San’In, barde, elle s’inclina poliment. Je ne participe pas aux épreuves de ce matin, mais je me demandais : tous les inscrits sont-ils bien présents ? J’ai noté que certaines cuillères, avait disparu du pied des lits, ce matin. Ce serait dommage que certains concurrents soient privés de leur chance par quelques maladresses... finit-elle, l’index replié sous ses lèvres, le pouce à son menton, le front plié par le souci.

Le jeune palefrenier à qui vint s’adresser Boréas le regarda avec des yeux vides. Puis il tourna la tête en direction du cheval qu’il lui indiquait, et sembla enfin comprendre. Il remercia d’une inclinaison du buste, puis s’approcha de la jument de son pas dégingandé, frottant son arrière-train endolori par sa chute précédente.

De l’autre côté de la barrière, les rires s’étaient taris. Kayla profita de ce moment pour avancer vers les deux autres palefreniers – qui eux ne quittaient pas des yeux leur camarade infortuné, ainsi que le spectacle grandiose auquel se livrait Boréas et son cheval de tête.

Lorsqu’elle s’adressa (en cyrillan) au duo, l’un sursauta, l’autre se redressa prestement, les joues en feu.
« Bon… bon… bonjouuur… Mada… Mad’moiselle », articula péniblement le deuxième.

Dans leur dos, le maître d’écurie tourna les yeux vers eux, un petit sourire amusé au coin des lèvres.

« - Moi c’est Agapios ! Dit le premier.
- Et…. Et… Et moi c’est Myron, dit l’autre dans un souffle. Euh… Euh… les inscrits ? Euh… Euhnon. Enfinoui, ce serait dommage oui… »
Myron, figé, dévisageait la jeune femme avec un air mi-subjugué mi-effrayé. Il déglutit péniblement, sa pomme d’Adam jouant au yoyo dans sa gorge. Plus téméraire, le premier – qui les avait accompagné jusqu’ici – vola à sa rescousse :
« Il manquait deux inscrits. Mais nous ne savons pas qui c’est… Et je n’ai pas osé réveiller tout le monde. En fait, je ne connais même pas le nom des personnes dans le pré… J’ai supposé qu’elles étaient sur la liste. Alors c’est difficile de savoir lesquelles manquent… et comment les trouver. »

Le maître d’écurie intervint alors (en cyrillan) : « Vous voulez la liste ? Si vous la ramenez avant les épreuves, je vous la prête. Mais soyez consciente que savoir se lever tôt faisait partie du jeu -- pour tester la motivation des participants. Entre autres. Et puis, ajouta-t-il avec un coup d’œil vers le pré, en rétablissant la justice, vous faites perdre un avantage certain à vos camarades. Êtes-vous certaine que c’est ce que vous désirez ? Si oui, je vais la laisse.
L’intendant en possède aussi une copie, mais j’aimerais autant récupérer celle-ci.

Le maître d’écurie sortit de sa poche la liste que lui avait remise Agapios un peu plus tôt. Il l’agita dans les airs devant Kayla, une expression indifférente peinte sur son visage bruni par le soleil.

Avec la réserve qu'il affichait généralement, Sallavïn pénétra dans la fosse aux poneys. Non pas qu'il détestait les animaux, loin de là... Mais il n'avait jamais vraiment appris à se faire aimer d'eux. Il savait préparer un attelage déjà docile, mais se faire aimer desdits chevaux ne lui avait jamais réellement traversé l'esprit... Positive, ils ont l'air gentils de toute façon...

Constatant que les premiers participants s'y prenaient à merveille, Sallavïn s'apprêtait à prendre exemple sur eux et se lancer lorsque Boréas siffla, provoquant la colère d'un poney ! L'animal semblait prêt à en découdre pour une raison que le jeune demi-elfe ne s'expliquait pas, bondissant vers le dresseur pour l'éloigner de la charge de l'animal. J'arriverai trop tard !

Sauver Boréas ? Pas du tout ! Le dresseur semblait leur avoir joué un petit tour, laissant son poney manger dans le creux de sa main d'un air satisfait, le gratifiant même d'un clin d'oeil. Pour rassurante qu'avait cette vision, une certaine nervosité gagna le jeune demi elfe lorsqu'il fit une légère révérence au cheval qui lui avait été discrètement désigné. Un regard sur ses oreilles pour jauger de sa réaction ne serait pas du luxe, mais il s'approcha en présentant sa paume vide, incapable de trouver les mots justes pour attendrir l'animal.

- Petit petit petit ?..

Les oreilles de Kayla frémirent en entendant la cavalcade du cheval non loin. Du coin de l’œil elle apercevait les prouesses de Boréas et elle lutta pour ne pas applaudir le dresseur et son compagnon équin : un bien beau duo d’acteur ! A la place elle accueillit les présentations, puis les informations des palefreniers d’un sourire doux, qui s’éclaira de reconnaissance lorsque le maître d’écurie lui tendit la fameuse liste. Ainsi donc, personne ne connaissait l’identité des absents et on ne pouvait pas l’aider quant aux noms de ceux déjà présents ici. Devait-elle vraiment se donner tant de mal pour des inconnus qui trainaient au lit ? Elle y gagnerait certainement plus à s’entrainer pour le soir… Mais d’un autre côté, si quelqu’un leur avait pris leurs cuillères… Elle aurait aimé qu’on en fasse autant pour elle.

Avec une légère inclinaison du buste, elle saisit finalement la feuille entre ses doigts et, toujours en cyrillan, remercia le maître d’écurie et ses palefreniers. Sur la liste, elle pouvait déjà écarter les noms de Boréas et Sallavïn, qu’elle voyait inscrit, il ne restait plus qu’à demander aux trois autres de bien vouloir se présenter. Confiante, elle choisit de commencer par l’elfe et se présenta à elle dans la langue de leur espèce, penchant lentement le buste autant pour elle que pour sa future monture :

- Bonjour, je suis Kayla Fal’San’In, barde et candidate. Je suis désolée de vous déranger mais j’aimerais connaître votre nom, prononça-t-elle en montrant la liste. Je suis inquiète de l’absence de certains candidats ce matin et j’aimerais essayer de les retrouver.

Si elle parvenait à ses fins, elle poursuivrait de même avec le jeune homme blond, puis la femme au crâne rasé, s’adressant à eux en cyfand, cette fois.

Le dénommé Syfar ne semblait pas très convaincu, ni flatté, par les premières tentatives d’approche de Sallavïn. Encore échaudé par l’affront que lui avait causé le jeune palefrenier, il observait l’elfe de loin, comme pour le jauger. Sa queue fouettait l’air, comme en signe d’impatience. Pour chaque pas que faisait Sallavïn dans sa direction, il en faisait un autre en arrière.
Toutefois, il n’avait pas l’air agressif – ses oreilles restaient droites, exprimant une certaine curiosité. À force d’insister, l’elfe parvint à se rapprocher un peu plus… Mais lorsque Syfar découvrit la paume vide, il poussa un hennissement frustré, bouscula Sallavïn d’un coup d’épaule, puis s’enfuit.
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Kayla, de son côté, avait accepté la liste. Elle attendait maintenant que les candidats franchissent la barrière dans l’autre sens afin de leur demander leur nom.
L’elfe de grande taille fut la première à rapporter son cheval. Une fois hors du pré, elle lui flatta l’encolure, puis se tourna vers Kayla à qui elle rendit son salut. Son visage exprimait une sorte d’indifférence mêlée d’ennui.

- Bonjour Kayla, dit-elle en elfique. C’est tout à fait louable de votre part… même si je ne comprends pas votre inquiétude. Pourquoi vous en mêler si vous ne participez pas aux épreuves équestres ?
« En tout cas, ajouta-t-elle en soupirant, je m’appelle Brindja. Brindja Eryn'Galen. Prenez garde, tout de même. Vous risquez de vous faire des ennemis à vous mêler ainsi de ce qui ne vous regarde pas…

Le blondinet s’approcha ensuite. Il semblait fier de lui, mais avait bien du mal à marcher droit – son cheval lui donnant des coups de museau au niveau de ses poches où il devinait la présence d’autres friandises. Tant bien que mal, ils parvinrent tout de même à sortir, et la bête reçut une carotte en récompense.

- Bonjour, fit-il en fronçant les sourcils. Vous êtes barde ? Que faites-vous ici ? N’avez-vous pas des… choses à préparer ?

La danseuse aux yeux en amande s’approcha alors, flatta elle aussi son cheval en lui murmurant quelques mots apaisants dans sa langue. Kayla lui répéta sa demande – en cyfand, ce à quoi elle répondit « Lian Trinh » en indiquant son nom sur la liste, puis : « merci pour eux. »

« Arman de Richevoie » lâcha finalement le blondinet, le regard noir. « Là », dit-il en montrant son nom sur la liste, avant de se prendre un autre coup de museau par sa future monture.

Pod ouvrit un oeil, persuadé de se retrouver dans le noir. Il n'avait pas vraiment sommeil quand il s'était endormi après tout... La lumière ambiante qui assaillit alors ses pupilles le prit au dépourvu et il les referma aussitôt, fronçant les paupières.
Son esprit naturellement focalisé sur la magie, Podness réagit instinctivement, se rendant compte que son sort de protection n'était plus actif... Comment est-ce possible ? pensa-t-il en goûtant la lueur qui filtrait à travers le filtre de ses paupières. J'ai donc dormi plus de huit heures !

Cette fois, il laissa la lumière passer le rideau de ses cils, découvrant l'intérieur de la tente. Il n'y avait plus que deux personnes... non trois ! Se dégageant de sa couverture, il s'agenouilla alors que Mercoeur s'avançait, lui expliquant la situation... Avec toute l'ironie et la condescendance qui le caractérisait. Forçant un sourire, Pod le remercia d'un signe de tête, le regardant sortir avec soulagement.

Ainsi, trois candidats ont fait défection ? Que ce coq soit lié à ce soudain revirement ne m'étonnerait qu'à moitié !

Même s'il n'était pas particulièrement doué à ce petit jeu, le gnome avait cherché à lire dans le comportement du barde un signe qui irait dans ce sens ? [Sagesse : Intuition]
Non... Rien n'avait filtré du masque composé par Mercoeur.

Les deux autres étaient restés à leur place, l'un lisant, l'autre occupé par ses prières matinales. Un prêtre d'Aster, déesse de la vie, c'est intéressant...

Bien, ma première épreuve n'est pas prévue avant plusieurs heures. Il ne doit pas être si tard après tout, vu que Mercoeur était encore là...

Le gnome rangea son grimoire dans sa sacoche, et la garda avec lui pour aller se rafraîchir à son tour. Sur la défensive, il observa et sentit l'eau, à la recherche d'une apparence ou d'une odeur suspecte... [Sagesse : Perception / Intelligence : Investigation]
Après sa toilette, il irait étudier son grimoire. Peut-être pourrait-il discuter un peu avec le prêtre. Un servant de la Joyeuse, sa divinité tutélaire, devait avoir d'intéressants sujets à partager.

Bigre, que ces animaux étaient gourmands ! Sallavïn n'avait pas eu le temps de présenter sa main qui tenait la pomme que le poney avait déjà détalé en sens inverse sans aucun respect pour sa personne..

Assistant dépité au départ de ce nouveau compagnon, le melëssa réprima un soupir contrit, les mains sur les hanches, puis trottina doucement à la suite de l'animal qui avait eu le culot de le bousculer. Il attendit qu'il s'arrête pour se repositionner devant lui et répéter l'opération précédente. Il salua à nouveau, puis approcha en montrant sa pomme, haussant une paire de sourcil pour appâter la bête.

-Alors alors ? Est-ce que ce n'est pas génial ça, une bonne pomme rien que pour toi ?

Sallavïn murmura calmement, les sens en alerte. Même si cette partie de la matinée n'était pas censée être une épreuve, il acceptait de combler ses lacunes en la matière avec patience.

L’inaltérable sérénité de son sourire répondit sans trembler aux différentes attitudes des candidats. Elle les remercia poliment, consciente que, chacun à leurs manières, avait raison. Elle se mêlait de ce qui ne la concernait pas directement et cela attirerait forcément les questions des plus neutres, la méfiance des plus inquiets et la malveillance de ceux qui cherchaient à nuire. Trois choses dont elle ne voulait pas. Mais pouvait-elle décemment laisser le champ libre à quelque intriguant sans honneur ? Son regard erra un bref instant vers la silhouette de Sallavïn face au jeune cheval qu’il tentait d’amadouer. Non, elle ne pouvait pas. Elle secoua la tête, s’inclina encore pour remercier Brindja, Lian et Arman et s’en fut en trottinant à pas vifs.

Sur le chemin, elle profita d'un endroit tranquille pour prendre le temps de s'arrêter et cocher les cinq noms d’un discret coup de plume. Elle espérait que ces petites marques ne posent pas de problème au maître d’écurie. Au pire, elle avait du papier, elle lui referait une liste toute neuve. De retour à proximité des tentes, elle se concentra à nouveau sur les deux noms restants : pouvait-elle au moins avoir une vague idée de s’il s’agissait de nom d’homme, de femme, d’humain, d’elfe ou autre ? Elle savait déjà qu’aucune cuillère n’avait disparu de sa tente, n’en restait donc que trois, deux pour les hommes dans lesquelles elle ne pouvait (voulait ?) pas rentrer et une tente de femmes. Prenant une grande inspiration, elle s’approcha des gardes :

- Bonjour, je suis Kayla Fal’San’In, barde et candidate. Je suis désolée de vous déranger pendant votre service, mais je recherche ces deux personnes, dit-elle en cyrillan tout en pointant les noms vierges de coche de sa liste. Je voudrais les avertir que leurs chevaux les attendent pour les épreuves équestres. Est-ce que vous… Pouvez m’aider ?

Elle avait beau tirer le meilleur parti de sa politesse et de son amabilité, elle sentait, diffusément, qu’elle allait finir par s’attirer plus de problème qu’elle ne pouvait en gérer.

Lors de sa deuxième tentative, Sallavïn eut beaucoup plus de succès. C’est fou ce qu’une gourmandise pouvait changer la donne ! Conjuguée à la plus gracieuse des révérences et à quelques mots prononcés calmement et avec respect, il n’en fallait pas davantage pour séduire le jeune Syfar.
Ce dernier s’approcha calmement, laissa échapper une sorte de ronflement sourd à la manière d’un chat qui ronronne, puis approcha leeeeentement sa tête de la pomme, la saisit dééééélicatement – le regard fixé sur le melessë – puis… s’enfuit d’un bond pour la manger plus loin.
Sallavïn, dépité, observait la bête en se demandant ce qu’il avait mal fait, cette fois… quand il vit Syfar revenir au petit trot vers lui, et lui renifler la main avec insistance, en le bousculant légèrement au passage. Ses oreilles étaient toujours bien droites, et plus aucune trace de défiance. Le melessë sut qu’il était temps de lui passer le licol.

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Sur la liste des participants-cavaliers, il restait deux noms inconnus de Kayla : Lúdvik Gueldan’yn et Kamal Hamadi.

En parvenant devant les chapiteaux des candidats, la melessë trouva l’endroit bien plus animé que lorsqu’elle ne l’avait quitté. Elle ne s’était pourtant pas absentée longtemps ! Et pourtant, une demi-douzaine de candidats – hommes et femmes -- s’étaient levés et rassemblaient leurs affaires hors des tentes – en silence, pour ne pas réveiller les autres. Parmi eux, elle reconnut Lillya-Caramyel.
Comme elle nota un certain nombre de bardes, Kayla s’imagina au début qu’ils souhaitaient commencer leurs préparatifs le plus tôt possible… Puis, en notant l’expression désolée des gardes, elle s’aperçut que quelque chose clochait.
Ces candidats n’étaient pas en train de se préparer aux épreuves. Ils pliaient bagage !

En tout cas, lorsqu’elle s’adressa aux gardes concernant les deux candidats manquants, ceux-ci haussèrent les épaules. Il s’agissait des mêmes gardes que tantôt, et ils ne surent pas l’aider davantage que le palefrenier qui les avait accueillis.
L’un des gardes proposa à Kayla de s’écarter des tentes afin de pouvoir parler sans réveiller tout le monde :

- Aucune idée. Pendant la nuit, on a relevé les gars postés ici. Et comme tout le monde dormait déjà, on n’a pas eu l’occasion de demander leur nom aux candidats… J’sais pas qui c’est, vos bonhommes. J’sais même pas dans quelles tentes les trouver. Et franchement, je m’en voudrais de réveiller ceux qui ont besoin de sommeil, alors que deux fainéants n’ont pas su ouvrir l’œil à temps… Cuillère ou pas, d’ailleurs. Quelle idée stupide, ce truc-là, si vous voulez mon avis ! Et puis c’est pas le seul problème. J’sais pas trop ce qui pousse ceux-là à partir, mais y’a sans doute eu du rififi hier soir… ou des magouilles pas nettes. En tout cas, ajouta-t-il en haussant les épaules à nouveau. J’peux pas non plus les forcer à rester… Et la Duchesse dort encore.

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Du côté de Podness, l’érudit n’avait toujours pas levé la tête de ses livres. Quant au prêtre, une fois sa prière achevée, il salua le gnome d'un sourire et s’apprêta à sortir prendre son petit déjeuner.

Boréas observa du coin de l’œil Kyala approcher les autres candidats, un bout de papier en main. Il comprit sans mal que la jeune femme tentait de glaner des informations. S’était-il passé quelque chose durant la soirée qu’il avait manqué? Cela expliquerait l’absence de certains candidats à l’épreuve du matin, alors que tous les lits étaient encore occupés à son levé. Les candidats manquants ne sont donc pas dû à un défaut de réveil...
Des défections alors? Si tôt alors que les épreuves n’ont pas commencé, il est vrai que cela sonne faux. Pourvu que rien de grave ne leur soit arrivé.
Bien que curieux, il reportat vite son attention sur l’action en cours dans le pré. Kyala et Podness avaient tous les deux leur journée, et Boréas ne douta pas qu’ils seraient bien efficaces à découvrir quelque manigance. Il sera toujours temps d’en discuter plus tard.

Grandement rassuré par la réussite de Sallavïn, Boréas attendit patiemment que tous les chevaux eussent été sortis du pré, avant d’y relâcher Björn. Ce dernier le regarda de travers.
- « Désolé mon gros, pas aujourd’hui. Je reviendrais te voir ce soir si je le peux. »
Souhaite-moi bonne chance pensa Boréas avec sincérité en lançant une dernière pomme destinée à la bouche aiguisée du cheval. Au lieu de cela, le fruit décrivit un arc de cercle baisé et fini sa course à quelques mètres d'un Björn interdit.
C'est mal parti.

Le destrier souffla bruyamment et après avoir lancé un hennissement vers sa horde, il reparti au petit trot vers un coin plus fourrageux de la prairie, ignorant superbement la friandise. Le soleil levant allongeait des ombres mauves dans les hautes herbes, la brise se réchauffait imperceptiblement. Seule la ligne noire sur le dos de Björn, distinguait sa croupe rebondie et sa queue touffue dans le paysage fauve.

J’espère revoir cela demain matin pensa calmement Boréas en dirigeant ses pensés sur sa prochaine épreuve : amadouer le diable des écuries de la duchesse.

Le monde autour des tentes la surprit. Elle jeta un bref coup d’œil à l’arc du soleil dans le ciel, comme pour vérifier que la matinée n’était pas si avancée que ça, mais elle savait que ce n’était pas le cas. Hésitant devant la réaction des gardes, elle fut soulagée et heureuse quand l’un d’eux prit le temps de lui expliquer la situation. Elle hocha la tête d’un air compréhensif ; elle n’avait pas non plus envie de réveiller les dormeurs et les candidats qui faisaient leurs bagages l’inquiétaient un peu plus que les retardataires, à présent. Elle pouvait toujours parler à ceux qui étaient réveillés et prêts à partir, peut-être pourrait-elle faire d’une pierre deux coups. Elle remercia l’homme qui l’avait si bien renseignée d’une courbette et d’un sourire reconnaissant, avant de filer en direction de Lilya qu’elle avait aperçu tantôt.

Le nombre important de bardes, parmi lesquels elle ne voyait d’ailleurs pas Mercoeur, l’inquiétait beaucoup. Elle repensait à la proposition de Bracassay. En avait-il fait autant avec tous ces gens ? Avaient-ils tous accepté ? Manigançait-il quelque chose avec d’autres candidats ? Elle secoua la tête : elle ne devait pas s’inquiétait de cela, juste chercher à comprendre. A pas feutrés, elle s’approcha de la jeune et aimable gnome et l’apostropha doucement en cyfand, gardant un sourire aimable, bien qu’inquiet, et sa voix aussi basse que possible :

- Bonjour Lilya, vous avez bien dormi ? Je peux vous aider avec vos affaires ?

Elle attendit quelques secondes une réponse avant de poursuivre :

- Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi tant de gens plient-ils bagages ? J’étais aux prés avec les candidats des épreuves équestres.

Aucune odeur suspecte, si ce n'est la crasse accumulée des précédents candidats. D'ailleurs, la serviette humide et l'eau trouble lui coupa soudain l'envie de faire sa toilette... Après tout, il l'avait faite la veille au soir !

L'air de rien, il revint à sa place et une fois habillé, prépara ses affaires pour la journée. Le prêtre terminait ses dévotions et s'apprêtait à sortir... pour prendre son petit-déjeuner ? Le ventre de Pod grogna au moment où leurs regards se croisèrent. Il rougit légèrement et... attrapa sa sacoche.

- Attendez ! Fit-il. Je vous suis, si ça ne vous gêne pas.
" Vous rendiez grâce à Aster n'est-ce pas ? Je suis moi-même assez proche de la déesse du renouveau.

Le mage étudierait son grimoire après son repas. Il avait trop faim !

Les cavaliers, à leur sortie du pré, firent demi-tour en direction des écuries, tenant les cinq chevaux en longe ; le sixième, Björn, trop agité pour être monté par n’importe qui, restait en arrière et les observait partir.

Le long des écuries se trouvaient des anneaux où ils purent attacher les longes. Les chevaux semblaient calmes, et ne perdaient pas une miette de ce qui se passait autour d’eux. En revanche, si quelqu’un d’autre que Boréas ou le cavalier l’ayant conduit jusqu’ici les approchait, ils couchaient les oreilles et rentraient la tête, l’air menaçant.

Agapios et Myron sortirent des paniers remplis de brosses – de différents types – et cures-pieds, et les posèrent non loin des cavaliers.

- Bon courage pour le pansage, leur souhaita alors le maître d’écuries. Hier, ils ont tenté de nous mordre et Myron a presque prit un coup de sabot… En tout cas, si vous y parvenez, commencez par l’étrille – mais pas sur la tête, ni les membres. Puis le bouchon. Puis la brosse douce. Et enfin, curez-leur les pieds, en enlevant bien tous les cailloux et la terre coincée à l’intérieur. Myron et Agapios restent ici pour vous montrer, si besoin.
« Boréas ? C’est à votre tour, maintenant…

Tandis que le maître d’écurie et l’éleveur disparaissaient vers les box, les candidats restés à l’extérieur entreprirent de panser leurs bêtes. Lian fut celle qui se débrouilla le mieux : sa douceur et sa sérénité, ses mots tranquilles et la fluidité de ses gestes avaient su séduire sa monture, qui se laissa brosser sans broncher.
Sallavïn ne se débrouillait pas trop mal non plus. Il eut un peu de mal à récupérer les sabots de Syfar dans sa main pour les lui curer – car ce dernier s’amusait toujours à peser de tout son poids sur le membre qu’on lui demander de soulever. Mais finalement, avec l’aide de Myron qui lui montra comment déséquilibrer le cheval pour parvenir à ses fins, il put achever le pansage, et passer au harnachement.
Brindja – la grande elfe – rencontra un peu plus de difficultés : si elle semblait à l’aise avec les bêtes, elle s’y connaissait beaucoup moins dans l’art du pansage. Elle commit quelques erreurs qui ne plurent pas à sa monture… Après un coup de brosse malheureux sur les oreilles, celle-ci ne voulut plus rien savoir et commença à se rebiffer chaque fois qu’elle l’approchait.
Pareil pour le jeune palefrenier boutonneux : son cheval tentait de lui assener des coups de dents chaque fois qu’il approchait la brosse de sa robe.
La palme de la catastrophe revint à Arman qui se fit carrément mordre, et cria de surprise et d’indignation. Il jeta finalement la brosse au sol et lança à la ronde : « je n’y arrive pas, cet animal est fou ! Si quelqu’un pense y arriver mieux que moi, la place est libre… »
Il se mit sur le côté, fulminant, et massant son bras endolori…

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À l’intérieur des écuries, le maître des lieux conduisit Boréas au box situé le plus au fond. Il faisait sombre à l’intérieur, et l’éleveur crut d’abord le box vide, tant la robe d’ébène de l’étalon se fondait dans les ombres. En regardant plus attentivement, il put distinguer la bête : puissante, d'une taille impressionnante, au poil très fourni et à la longue crinière frisée. La parfaite incarnation du diable.
Il somnolait dans un coin, ignorant ses visiteurs.
- Voici Hermès. Il n’a pas été monté depuis cinq ou six mois. Nous ne le sortons que pour nettoyer son box et changer son eau… Et encore, on doit s’y mettre à tous pour le maîtriser et veiller à ce qu’il ne blesse personne.
Je vous laisse faire connaissance, et je vous souhaite bon courage. Je serai dehors si vous avez besoin de moi.

Du côté des tentes, Kayla s’était rapprochée d’une Lillya toute affairée à ranger ses affaires. Aux douces paroles de la musicienne, la bouche de la gnomette se tordit un instant. Ses mains tremblèrent. Ses sourcils se resserrèrent. Son front se plissa. Elle cessa un instant ses préparatifs et tourna son regard humide vers la barde :

- Oh Kayla… N… Non… J’ai à peine fermé l’œil. Mai… Merci, je vais me débrouiller. Vous êtes gentille.

Elle s’apprêtait à reprendre son rangement, quand elle fondit soudain en larmes. Le garde le plus proche fronça les sourcils et leur fit signe de s’éloigner. Obtempérant, la gnomette entraîna la musicienne à l’écart, et lui murmura :

- Pour les autres, je ne sais pas… Mais en ce qui me concerne, je dois partir vite. Ou je mettrai ma famille en danger ! J’ai trouvé ce mot. Hier soir… Je… C’est embarrassant, mais… On me l’a glissé sous la porte des toilettes, avoua-t-elle en rougissant. Peut-être ai-je tort de me laisser intimider… Mais je ne veux pas prendre de risques. Vous comprenez ? Excusez-moi. Et bon courage. Faites attention à vous…

Lillya sortit un bout de parchemin de sa poche et le tendit à Kayla, avant de repartir vers les tentes finir ses préparatifs de départ.

Sur le mot, rédigé en cyfand d’une écriture maladroite – sans doute tracée de la main gauche – la barde déchiffra : « Nous savons d’où vous venez. Nous connaissons vos proches. Nous savons où les trouver. Renoncez à votre candidature, partez demain au petit jour, et aucun tort ne leur sera causé. Si vous persistez, considérez qu'ils appartiennent au passé. »

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Quelques heures plus tard, Podness déboucha hors de sa tente pour trouver la grande table des candidats à nouveau garnie de mets appétissants. Certains plats avaient déjà été vidés, mais il restait encore de la salade de fruits, du jus de raisin et plusieurs types de pain.
Il vit quelques guerriers – et guerrières – en arme, et d’autres candidats aux allures d’artistes et d’intellectuels installés dans les jardins en train de manger, lire, peindre ou danser. Leur nombre avait bien diminué depuis la veille, et Podness n'en compta qu'une dizaine.
Du côté des invités aussi, la plupart des gens semblaient debout, en plein grignotage. D’autres commençaient à se diriger vers la carrière, à l’est des écuries.

- Bonjour ! répondit le prêtre d’une voix douce et légère, presque féminine. En effet, je priais la déesse du printemps. Celle que vous appelez Aster. Et à qui j’ai choisi de consacrer ma vie. Je m’appelle Janis. Je viens du Septentrion. Un rude pays, loin au nord… où les printemps sont bien moins jolis qu’ici. Mais où le culte de Lif-edlish permet aux fidèles de trouver le courage d’affronter le quotidien.
« Et vous, petit monsieur ?

Le prêtre, tout en parlant, se servait – assez frugalement – en fruits et en pain.

Le cheval que Sallavïn était parvenu à rendre docile se laissa faire calmement pendant qu'il lui brossait son excédant de poils. Les montures, probablement habituées à des climats plus frais, n'avaient pas encore fini de passer une robe plus fine et le melësse fit plaisir à son nouvel ami en le brossant vigoureusement, de la croupe au poitrail. Une lutte silencieuse s'engagea au moment de curer ses sabots, mais heureusement pour tous les deux, le chevalier parvint à triompher avec un peu d'aide. Après quoi, il mena sa monture par le licol, jusqu'au lieu où se trouvaient selles, tapis, et renne, l'attachant en laissant assez de mou pour qu'il puisse continuer de brouter paisiblement.

Un cri le fit se retourner, et il assista, interdit, à la scène du cavalier mordu, avant d'abandonner un instant son sire Gourmand pour se diriger vers Mordeur -non sans avoir récupéré une nouvelle pomme qu'il fendit un deux en pressant son pouce par le centre, gorgeant de jus son gant droit.

- Je vais lui donner quelques bouts à mesure que vous le brossez. Allons, inutile d'en vouloir à un animal. Revenez, je lui occupe la bouche !

Il tendit sa main savoureuse vers Mordeur, attendant que le candidat accepte de reprendre son pansage. Et s'il refusait... Et bien il retournerait harnacher Gourmand.

Devant l’émoi de la jeune érudite, Kayla hésita puis passa doucement sa main dans son dos, tentant d’apaiser son chagrin et ses craintes par cette modeste démonstration de sollicitude. Ce qui se passait ici était inacceptable ! La colère sourde de la melessë se trouva encore accentuée devant l’écriture du parchemin. Le chagrin de Lilya était-il le fait de Bracassay ? Encore ? L’écriture maladroite le laissait croire, mais la barde trouvait étrange qu’un homme de son statut s’abaisse à barbouiller un parchemin de menaces sordides. Elle secoua la tête, navrée, avant de murmurer à la gnomette :

- Je comprends, vous n’avez pas à vous excuser, vous n’avez rien fait de mal. Vous avez raison de vous souciez de votre famille et de placer leur bien-être avant cette compétition, vous êtes courageuse et rationnelle, n’ayez honte de rien.

Kayla songea qu’elle se sentait soudainement rassurée à l’idée que sa seule famille soit si loin d’ici, inatteignable, protégée, ignorante de ces pitoyables complots de cours, de la convoitise des Bracassay et des cœurs amers. Délicatement elle plia le papier et le rangea soigneusement dans une poche de sa tenue. Ceux qui avaient fait ça ne s’en tireraient pas si facilement !

Ressortant la liste des candidatures équestres, elle prit une grande inspiration avant de retourner voir les autres candidats sur le départ. En commençant par ses collègues musiciens, elle posa à tous les mêmes questions. Connaissaient-ils ces deux personnes ? Si oui, où pouvaient-elles les trouver ? Et pourquoi partaient-ils si tôt ? Pour chacun elle tenta de se montrer à la fois peu intrusive, compréhensive et persuasive. Ce n’était pas une mince affaire : elle voulait comprendre, mais elle ne ferait pas passer sa curiosité avant l’intimité de ces gens, surtout si, comme Lilya, ils avaient été menacés.

[HRP] Charisme - Persuasion [/HRP]

Pod fit rapidement le tour des concurrents, essayant de mettre un nom sur chacun d'eux.
Si peu... se dit-il à lui même.
Petit monsieur ? Mais qu'est-ce qu'ils ont tous, ces grandes bringues, à m'appeler comme ça?
Il imita le prêtre, même s'il fut plus généreux sur les quantités.

- Heureux de vous rencontrer Janis du Septentrion. Ainsi on la nomme Lif-edlish dans votre contré ? Intéressant ! Lui repondit-il, pensif.
" Je me nomme Podness. Je viens de la Cité Franche pour ma part, compléta-t-il.

Il mordit généreusement dans un pain au lait, puis continua lorsqu'il eu terminée sa bouchée.

- Je serais curieux de savoir ce qui vous a attiré ici... demanda-t-il alors. Si cela ne vous dérange pas bien évidemment ! S'empressa-t-il d'ajouter.

Du coin de l'oeil, il surveillait les carrières, intéressé pour regarder l'épreuve d'équitation...

- Vous allez assister aux épreuves équestres ce matin ? Fit-il pour expliquer sa distraction.

Le jeune Arman scruta un instant Sallavïn, l’air méfiant. Pourquoi souhaitait-il l’aider au lieu de panser le monstre seul et récupérer tous les honneurs ? Frottant toujours son bras, le blondinet finit par baisser la tête et approcher.

- Merci…

Hélas, le fruit de cette coopération ne donna pas de meilleurs résultats… Si Mordeur ne blessa personne cette fois, il sentait la peur émaner des jeunes cavaliers, et il en profitait pour saboter leurs efforts en s’agitant dans tous les sens, et en essayant de saisir leurs vêtements entre ses dents.
De son côté, Lian Trinh – la moine danseuse – avait terminé de s’occuper de sa monture. Elle vint à leur rescousse, apaisant le cheval de mots doux susurrés dans sa langue à son oreille. Bientôt, elle fut capable de le toucher, et même de lui flatter l’encolure. Elle invita Sallavïn à présenter un bout de pomme à la bête (qui accepta) puis fit signe à Arman de reprendre le brossage pendant qu’elle continuait à parler au cheval.
À tous les trois, ils finirent tant bien que mal par s’en sortir.

Au bout d’un long moment, avec l’assistance des autres, tous les petits diables finirent par être pansés et harnachés. Ils furent alors conduits dans la carrière un peu plus loin où les obstacles étaient déjà placés pour la première compétition. D’ailleurs, le maître d’écuries faisait le tour des barres pour vérifier qu’elles étaient bien en place. Quand il eut fini, il se rapprocha des cavaliers et leur présenta le parcours.
- Il vous reste encore pas mal de temps avant la compétition de dressage. Si vous souhaitez vous entraîner sur le parcours, la piste est à vous… Le petit déjeuner sera bientôt servi près des tentes. Quand ce sera fait, n’hésitez pas à aller vous servir avant le début des épreuves : vous pourrez laisser vos montures aux palefreniers qui s’occuperont de les ramener aux écuries en attendant votre retour ou le début de la compétition.

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Kayla, avec sa douceur et son attitude compréhensive, parvint à glaner pas mal d’informations.

Pour commencer, elle put se faire une bonne idée de ce à quoi ressemblait les deux candidats manquant aux épreuves équestres (certaines personnes sur le départ avaient bavardé avec eux la veille, ou les avaient entendu prononcer leurs noms au moment d’entrer dans les tentes). Apparemment, Lúdvik Gueldan’yn était un demi-elfe aux cheveux blancs (lui donnant l’air assez âgé) et yeux verts très clair. Quant à Kamal Hamadi, il s’agirait d’un homme de grande taille aux longs cheveux bruns et à la peau olivâtre laissant penser à un ressortissant du Royaume des sables.
Les deux se trouveraient dans la même tente qu’occupaient Sallavïn et Boréas.

Concernant les raisons du départ de ces candidats, elles étaient multiples : certains avaient reçu des menaces similaires à celle reçue par Lillya (avec plus ou moins le même mode opératoire, excepté pour l’endroit où ils avaient trouvé le mot). D’autres avaient reçus de meilleures propositions, mais n’avait pas souhaité en dévoiler la source (sauf l’une des bardes qui affirmait avec prétention qu’un des Ducs de l’Empire souhaitait en faire sa muse). D’autres enfin avaient entendu bon nombre de rumeurs, et notamment qu’une malédiction pesait sur la Villa, provoquant la mort de ses occupants. Ou encore, qu’un tueur rôdait à l’intérieur de ses murs… Kayla savait-elle d’ailleurs que le frère aîné et le père du petit Timotheos avait été assassinés ?? Quelles que soient ces rumeurs, les candidats en question n’étaient plus si enthousiastes, et préféraient s’éloigner pendant qu’il en était encore temps – ils conseillèrent d’ailleurs à Kayla de faire de même.
Et puis, sans demander leur reste ni attendre le petit déjeuner, tous prirent le chemin du départ.

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Quelques deux heures plus tard, devant les tables dressées du petit déjeuner :

- Enchanté Podness, répondit le prêtre de Flore au jeune gnome. Ce qui m’a attiré ici ? Voyons… Je pense que j’étais las du rude climat du nord et des luttes incessantes entre tribus… J’ai tenté au mieux d’apporter du réconfort à ceux qui en avaient besoin, et je pense avoir réussi, à mon échelle en tout cas. J’ai aussi beaucoup appris pendant mon enseignement, mais je me sentais frustré de ne pouvoir faire davantage. C’est le prêtre supérieur qui m’a conseillé d’aller voir du pays, de m'aérer la tête et de porter le message d’espoir de la déesse hors du pays, afin de revenir plus fort et plus apte à aider nos pairs. Et me voilà, en Cyrillane, où j’espère influencer de la bonne façon la manière dont le futur Duc dirigera son duché… et potentiellement l’empire tout entier !
« Mais peut-être suis-je trop ambitieux ?
« Non, je ne participe pas aux épreuves de ce matin… Mes domaines relèvent plus de la foi, des belles lettres et des soins. Je me suis tout de même inscrit aux épreuves artistiques, car j’affectionne la poésie. En amateur, c’est vrai, mais quelle importance ? Certains y seront peut-être réceptifs…
« Et vous Podness, qu’est-ce qui vous amène ici ?

Les différentes histoires des candidats avec qui elle avait pu discuter laissèrent un désagréable mélange d'amertume, de tristesse et de crainte peser dans son coeur. Entre les menaces, les inquiétudes plus ou moins justifiées et les "promotions" Kayla se sentait mortifiée. Elle prit le temps de dire au revoir à Lillya lorsque la troupe quitta les jardins, puis, une fois seule, lâcha un énorme soupir las en s'accroupissant dans le gazon. Devait-elle prendre ses affaires et partir tant qu'elle le pouvait encore ? Au moins n'avait-elle désormais plus aucun regret quant à son refus de la veille. Très clairement, tout ce qu'elle avait entendu à propos de celui qu'elle suspectait être Bracassay en faisait un sinistre personnage et elle ne voulait pas de son argent, ni de son travail.

Elle se releva lentement, regarda autour d'elle. Un frisson la parcouru et elle tourna vite les talons en direction de la tente qu'occupaient Boréas et Sallavïn. Elle s'approcha du garde et le salua à nouveau en cyrillan, sourire aux lèvres :

- Bonjour, j'ai réussi à collecter quelques informations sur nos deux retardataires. Est-ce que vous pouvez réveiller un melessë aux cheveux blancs et aux yeux verts clairs du nom de Lúdvik Gueldan’yn, ainsi qu'un homme de belle taille aux cheveux longs et sombre et à la peau halée, ce doit être Kamal Hamadi ? Ils sont tous les deux attendus aux écuries. Si cela vous va je me chargerai de les y emmener.

Elle avait hâte de retrouver la présence calme et rassurante de Boréas. Puis si elle arrivait à ramener les deux derniers candidats ce serait au moins une bonne chose de faite. Elle pourrait être fière !