Umberlie
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Agissant sous ses draps et couverture, Podness se montra suffisamment discret pour ne pas éveiller l’attention du garde. Qui sait comment celui-ci aurait réagi s’il avait perçu et compris qu’on usait de magie à l’intérieur ? Fort heureusement, le gnome angoissé n’attira aucun soupçon sur sa personne, et s’endormit bientôt comme un bienheureux… Il dormait encore à poings fermés lorsque la relève de la garde entra à l’aube pour réveiller les éventuels cavaliers. Il devait être épuisé, car il n’ouvrit les yeux que bien plus tard, pour trouver sa tente presque vide – à l’exception de deux candidats : un homme entre deux âges aux petites lunettes rondes et cheveux hirsutes qui lisait au lit, et un jeune homme aux longs cheveux d’or et à l’air efféminé. À genoux sur sa couche, les yeux fermés et les lèvres en mouvement, celui-ci s’adonnait à la prière, imperturbable.
Alors que Podness émergeait, il vit aussi Mercœur revenant de l’aile arrière après une courte toilette. Ce dernier le salua d’un grand sourire et en s’inclinant un peu trop bas pour être sincère :
- Mon petit monsieur, je vous souhaite le bonjour. Vous avez manifestement dormi comme un loir, et je m’en réjouis pour vous. J’aimerais avoir la même qualité de sommeil.
Le barde déposa quelques affaires dans son paquetage (à trois matelas de là), puis :
- On dirait que la concurrence se fait mince, commenta-t-il avec un regard sur les autres couches. À moins qu’ils n’aient voyagé léger ? Bah… On ne va pas s’en plaindre, n’est-ce pas ? À plus tard, mon cher. Je m’en vais quérir l’inspiration à l’extérieur, où l’air est moins vicié qu’ici, ajouta-t-il avec une grimace et un léger coup d’œil vers le lecteur aux cheveux hirsutes (qui ne s’en aperçut pas).
Podness ne comprit ce qu’il voulait dire qu’une fois Mercoeur sorti : certains des lits, hier occupés, étaient non seulement vides de dormeurs, mais aussi de l’intégralité de leurs affaires. Malles, sacs, accessoires, tout avait disparu. Seuls les draps et couverture en bazar indiquaient qu’une personne y avait dormi la veille.
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Beaucoup plus tôt, Kayla, Sallavïn et Boréas ouvrirent l’œil dès qu’ils perçurent le garde – et la domestique chez les femmes – entrer dans leur tente pour réveiller les cavaliers.
Heureusement pour Sallavïn et Boréas, car tous deux purent rapidement constater que toute cuillère avait – naturellement ? – disparu pendant la nuit. L’unique cuillère présente de la tente de Kayla, en revanche, était bien toujours là. Lillya-Caramyel ouvrit l’œil également, murmura un bonjour à l’attention de la mellessë, puis referma les yeux aussitôt.
Dans la tente des hommes, ils furent trois à se lever : Boréas, Sallavïn et le blondinet de la veille, dont le réveil était visiblement difficile.
On leur laissa le temps de se préparer, puis un palefrenier les accueillit en s’inclinant – sans parler – un peu plus loin à l’extérieur. Il mit un doigt sur sa bouche pour leur indiquer de préserver le silence autant que possible, puis leur fit signe d’attendre les autres.
Le ciel, tout strié de rose et d’or, perché au-dessus des jardins endormis, offrait un spectacle radieux à tous nos lève-tôt. L’atmosphère, paisible et ouatée, contrastait fortement avec les festivités de la veille. Ils étaient les seuls debout, et n’osaient lever la voix de peur de briser le calme ambiant.
Quand les gardes et domestiques confirmèrent que tout le monde était prêt, le palefrenier sortit un parchemin de sa poche, puis compta le nombre de participants : ils étaient cinq en tout, dont Boréas, Sallavïn, le blondinet, ainsi que l’elfe de belle taille aperçue hier tard dans la nuit. L’une des femmes de la tente de Kayla participait aussi : Sallavïn reconnut la danseuse martiale de la veille.
En regardant les noms, le palefrenier fronça les sourcils, puis s’excusa deux minutes. Il montra du doigt son papier aux gardes et domestiques, qui firent tous non de la tête et haussèrent les épaules. Un peu dépité, le palefrenier revint – toujours sans perturber le silence – et fit signe à tout le monde de le suivre jusqu’aux prés.
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