Kayla Fal'San'In
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L’éblouissement de la jeune melessë ne semblait connaître de fin entre les sons, les lumières, les paysages, les odeurs aussi, le monde qui l’entourait était d’une beauté incroyable. Bien-sûr, les terres d’Ellerìna n’avaient pas à rougir de la comparaison, mais l’exotisme était un plus indéniable. Quand son attelage la laissa devant le portail, un léger frisson d’excitation parcourut son corps. Dès les premiers mots de Cyrillans, ses oreilles tintèrent. Elle le comprenait très bien et le parlait sans mal, surtout depuis qu’elle avait eu l’occasion de le pratiquer sur le bateau, à Moramiek et pendant le reste du voyage. Ce fut donc d’une voix claire, presque dénuée d’accent, qu’elle déclara :
- Bonsoir, je suis Kayla Fal’San’In d’Ellerìna, candidate.
Elle se demanda un instant si le fait de porter presque l’intégralité de ses possessions sur son dos n’était pas déjà un bon indice de l’objet de sa visite, mais n’eut guère le temps de s’y attardait. Le parc sur lequel le portail s’était ouvert était lui aussi absolument magnifique. La végétation soignée étalait ses branches, ses feuilles et ses fleurs avec grâce, dans un camaïeu de verts superbes, ponctué de quelques ouvrages sculptés, fontaines et statues, ainsi que des tentes aux couleurs plus vives. Au loin, la silhouette élégante de la demeure se rapprochait à chaque pas le long d’une mise en perspective grandiose. Le tout était bien plus rigide et orthogonal que l’architecture elfique, bien moins fondu dans la nature et le végétal, aussi, mais le paysage n’en était pas moins agréable. En marchant, Kayla pouvait sentir l’odeur de la mer et entendre le chant des vagues en contrebas, les embruns caressaient ses bras nus, rafraichissant plaisamment ses épaules. Après les heures en carriole, la sensation était bienvenue.
Une fois devant les portes de la villa, des domestiques vinrent la délester de ses affaires. Elle leur laissa son lourd paquetage, ne gardant que sa lyre et quelques outils dans ses poches, non sans une certaine appréhension. Une seule fille de maison resta pour les inviter à la suivre : elle et quatre autres voyageurs. Il y avait deux gnomes, un homme et une femme, un humain qui semblait être un barde, comme elle, et finalement, un jeune blond qu’elle prit d’abord pour un autre être humain, avant de noter la pointe de ses oreilles dépassant de ses cheveux. Curieusement, et même si l’autre musicien ne semblait guère avenant, elle se sentit rassurée de voir quelqu’un partageant son métier et un autre sa nature hybride. Depuis qu’elle était partie d’Ellerìna, elle n’avait pas eu l’occasion de croiser d’autres elfes et la vue de ces hélix allongées la réconfortait un peu. Autre élément tranquillisant à ses yeux : dans leur petit groupe, la jeunesse prévalait et elle se sentait moins idiote de se proposer d’enseigner malgré son âge peu avancé.
C’est donc avec un sourire radieux que Kayla suivit leur guide dans un vaste vestibule sublimement décoré, avant de s’engager dans un couloir. Les yeux brillants, la jeune femme regardait tout autour d’elle avec enthousiasme. Elle n’avait jamais rien vu de tel : la richesse des décors, des matières, la superbe des meubles, tout scintillait dans la lumière chaude des fenêtres, auréolé de splendeur. Emportée dans les délices de sa contemplation, elle fut totalement prise au dépourvu face au spectacle de la cours : du monde, beaucoup de monde. Cet espace contenait probablement autant d’érudits, de bardes et de maîtres d’arme que de marins sur le bateau qui l’avait amenée ici. Il y avait de tout : des hommes et des femmes, de toutes les espèces, de toutes les origines et de tous les âges. Kayla déglutit quand la domestique les abandonna avec leurs collègues (rivaux ?), observant nerveusement autour d’elle. Le sentiment d’émerveillement qui l’habitait jusqu’alors avait disparu, remplacé par une lourde appréhension. Comment pouvait-elle espérer concurrencer des individus qui pouvaient avoir jusqu’à 10 fois son expérience ?
Légèrement tremblante, elle s’assit au pied d’un grand pot dans lequel poussait un arbre à l’odeur entêtante. Elle inspira profondément, puis expira un long soupir en caressant du bout des doigts les gravures de sa lyre. Personne dans la salle ne semblait prêt à bavarder, pourtant elle n’aurait pas été contre l’échange de quelques paroles agréables. Elle se retourna vers les 4 compagnons avec lesquels elle était venue. Elle pouvait au moins tenter de faire connaissance, être polie. Peut-être n’était-elle pas la seule à avoir besoin de partager quelques mots. D’une petite voix douce, elle demanda, en cyrillan :
- Veuillez m’excuser, je n’ai pas pris le temps de me présenter avant, je suis Kayla. J’espère pouvoir me montrer utile ici, mais c’est la première fois que je voyage si loin d’Ellerìna. Je peux vous demander d’où est-ce que vous venez ?
Elle se releva un peu précipitamment et inclina le buste très légèrement, hésitante. Elle se tourna vers les gnomes et le melessë, prononçant en elfique :
- Je parle aussi l’elfique, si c’est plus confortable, puis en gnome, et le gnome, même s'il est un peu rouillé.
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