À l'ombre des oliviers

Après un petit détour par les tentes où elle avait récupéré sa viole et quelques accessoires, Kayla était retournée auprès de Boréas avec son sac. Ils avaient peut-être le temps de convaincre Hermès de se montrer plus docile, peut-être pas pour une joute, mais juste pour tolérer le poids du dresseur sur son dos. Ensemble, ils se rendirent aux écuries. Sur le chemin, Kayla fredonnait sa chanson, comme en trance, tout entière absorbée dans une réflexion qu’elle ne partageait pas ou, en tout cas, pas encore. Elle avait composé les paroles en Cyrillan, mais parmi toutes les langues qu’elle maitrisait, il y en avait une qui lui semblait peut-être plus adaptée pour l’ouïe délicat d’un animal comme un cheval.

Et quel animal c’était ! Naïvement, et peut-être parce qu’elle en avait vu de semblable toute la matinée, Kayla s’était attendue à ce que l’étalon du duc soit d’un format comparable à ceux de Boréas, en plus racés, peut-être. Mais rien ne l’avait préparée à faire face à ce monstre noir et ombrageux, à ses yeux perçant d’intelligence et de méfiance qui semblait la fixer dans la pénombre des écuries. Levant le visage pour contempler son auditoire, le sommet de son crâne dépassant à peine le garrot musculeux, la melessë déglutit et jeta un regard inquiet à l’humain auprès d’elle, retrouvant dans le calme de son compagnon un support pour sa propre sérénité.

Sans un mot, elle expira, cherchant les premières notes du bout de la voix. Sortant une vieille flûte de Pan de sa tunique, elle commença à jouer sa partition. Aigüe et limpide, la mélodie coulait, sonnait sans force sous le souffle solitaire que modulait les lèvres closes de la jeune femme. Les paupières baissées, les oreilles frémissantes, toute concentrée sur le son de sa musique, elle la laissa lentement s’élever, puis s’éteindre, avant de jauger de l’effet qu’elle avait eu sur l’animal. Elle avait songé que commencer par la voix et les paroles ne serait finalement pas indiqué, si l’animal se défiait des créatures à deux pattes. Peut-être que le son de la flute de Pan lui conviendrait mieux.

Sallavïn était entré dans la lice modestement, suivant l'ensemble des participants en essayant de se concentrer sur l'épreuve, le regard fixé sur ses bottes qui s'enfonçaient légèrement dans la terre battue. Il avait l'impression de pouvoir entendre son cœur tambouriner dans ses oreilles, lentement, puissamment.

La joute, voilà une épreuve facile à truquer ! Sa mère en parlait comme d'un divertissement avilissant : affrontement scénarisés, noms de scènes, effets grandioses...A part en forçant les combattants à porter uniquement des sous-vêtements et des masques colorés, on ne peut pas faire pire ! L'équipement, surtout, était facile à modifier : les lances pouvaient être taillées pour éclater, tout comme les cibles qu'elles visaient, sans parler des modifications de dernières minutes sur la sellerie...

Sorti de ses pensées en entendant que son nom était annoncé en premier, il croisa le regard de celle qui l'avait défait lors du premier combat et s'approcha d'elle pour lui tendre main et avant-bras afin de la saluer dignement :

-J'ai donc une chance de prendre ma revanche ! Soyez sans pitié !

Il la gratifia d'un sourire, manifestement heureux de ce coup du destin. Puis, s'approchant du réservoir à écus, il en attrapa un repeint de vert, jaune et rouge pour l'occasion. Sa forme de larme protégerait son flanc et sa cuisse efficacement et son poids était agréable. Il poussa un soupir, puis le frappa du poing pour en éprouver la solidité.

Forgeron tout-puissant, prête moi la force de ton bras et fais régner la justice sur cette épreuve, afin que nul ne subisse une injuste blessure.

Puis, maladroitement, en cyfand, Sallavïn demanda à l'un des assistants :

-Pouvez vous me prêter un heaume si une lance devait riper ?

Du côté de la carrière, les participants s’apprêtaient pour la prochaine épreuve. Méfiant, Sallavïn choisit sa lance et son écu, et voulut tester de son poing la solidité de ce dernier. Si la frappe restait timide, le bouclier de bois ne présenta aucun signe de faiblesse.

La Paladine semblait tout aussi ravie de se retrouver avec son précédent partenaire de combat. Affichant un sourire défiant, elle accepta et serra la main de son futur adversaire avec énergie.

- Comptez sur moi. Je n’ai pas l’intention de vous laisser gagner. Bonne chance, Sallavïn.

Lorsque le melessë s’adressa à l’un des assistants, celui-ci lui répondit, surpris :

- Oh… Vous n’en avez pas ? mm… En effet, ce serait peut-être un peu dangereux sans un minimum de protection. Je vais demander à la garde d’en faire porter quelques-uns… Vous n’êtes peut-être pas le seul dans ce cas.

L’assistant partit au trot s’adresser à l’un des gardes chargés de veiller sur la foule, qui s’adressa à son tour à un supérieur, qui renvoya l’ordre de se rendre au fort attenant aux murailles pour quérir quelques heaumes. Il faudrait donc attendre leur retour avant de débuter le tournoi. De toute façon, il manquait toujours deux candidats à l’appel… et les invités n’étaient pas encore tous arrivés et en place.

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Podness n’en croyait pas ses yeux… Que se passait-il dans cette cabine ? Tout cela était bien intrigant.
Bien décidé à poursuivre son enquête, le Gnome s’assura d’être seul avant d’agir… et tandis qu’il s’apprêtait à quitter son abri, un bruissement de feuilles, non loin de lui, attira son attention.
Levant la tête, il fouilla les arbres alentours… et distingua une silhouette à travers les branchages d’un olivier ! Plissant les yeux, il reconnut la grande elfe. Brindja. Qui semblait elle aussi jouer aux espions.
D’ailleurs, elle ne semblait pas spécialement se cacher de lui, et tentait même de capter son regard. Lorsqu’elle y parvint, la jeune femme fronça les sourcils et effectua de grands gestes pour lui intimer de rester bien à l’abri de l’arrière-train rocailleux de la statue.
Allait-il lui obéir ? Ou continuer dans sa lancée, au risque d’alerter les occupants de la cabine ?

Qu'est-ce que... ? Mais c'est Brindja !

Podness stoppa net, comprenant aussitôt que l'elfe jouait au même jeu que lui. Apparemment, elle en savait plus et lui intimait de rester cacher...

Hum, jouons la prudence. Qui sait ce dont cet humain est capable !

Pod fit un geste à Brindja pour lui signifier son assentiment puis se remit en position, s'assurant qu'il ne pourrait pas être vu lorsqu'on sortirait de la cabine.

Qui est avec lui bon sang !? Je l'ai vu rentrer... Il était grand ? Petit ? Homme ? Femme ?

Pod surveillait la sortie tout en tendant l'oreille autant que possible. Il ne pu s'empêcher de jeter quelques coups d'oeil à l'elfe...

A-t-elle décidé d'enquêter seule comme nous, après avoir subit des pressions ? Ou est-elle envoyée par la duchesse ?
Une autre faction ?

Les possibilités étaient trop larges pour qu'il puisse se prononcer. Il devait juste rester prudent et profiter de l'aubaine pour le moment !

Ils n'y a pas un passage secret qui mène ailleurs quand même... pensa-t-il.

Hélas pour Boréas, la mélodie de Kayla n’eut pas grand effet sur le géant noir. Celui-ci piaffait et couchait les oreilles à l’approche de qui que ce soit. La musicienne, déçue, finit par se faire une raison. Voyant qu’elle rendait l’animal nerveux, elle s’écarta, laissant la place à Boréas.

L'éleveur remercia la jeune femme, puis s’assit près de la bête comme il l’avait fait avant le déjeuner. D’abord assez loin, en lui parlant de temps en temps. Puis en se rapprochant petit à petit. S'il ne put s’approcher trop près, il parvint tout de même à retrouver une certaine quiétude chez l’animal qui semblait accepter peu à peu sa présence.

Bientôt, l'intendant vint le voir, accompagné du maître d'écuries :

- La Duchesse suggère qu'on vous laisse participer aux épreuves, sur le dos d'un de vos chevaux... Celui que vous souhaitez. Le fait qu'il s'agisse de vos bêtes sera naturellement pris en compte. Mais elle aimerait tout de même avoir l'occasion de voir ce que vous valez sur une selle. Je la trouve bien trop clémente... Mais je ne peux discuter ses ordres. Qu'en dites-vous ?

- Hermès n'a pas l'air de bien meilleure humeur, commenta le maître d'écuries. Je pense que vous devriez accepter.

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Côté toilettes, Podness avait choisi d’obtempérer et de rester caché derrière la statue de lion. En se retournant de temps à autre, il put remarquer à travers les feuillages le regard perçant de l’elfe, braqué sur la cabine.
Au bout de quelques instants (pas plus de cinq minutes), la porte s’ouvrit enfin… d’abord, de quelques centimètres. Puis juste assez pour laisser passer la silhouette qui en sortit.
Ce n’était pas la même que celle qui était entrée. Podness connaissait cette personne. Il s’agissait d’un candidat. Le blondinet appelé Arman… qu’il avait déjà vu dans la zone la veille au soir (ainsi que l’elfe, d’ailleurs) !

Si Podness se retournait à cet instant, il pourrait distinguer le geste de Brindja lui intimant de ne pas bouger jusqu’à la disparition complète du candidat (qui se hâtait de rejoindre le lieu des épreuves).
Le notable prit son temps pour sortir à son tour, après avoir bien vérifié qu’aucun témoin ne se trouvait dans la zone. Podness et Brindja pouvaient se sentir fiers de leur camouflage, car il n’y vit que du feu. Une fois dehors, il se dirigea à son tour vers la carrière, rejoignant le flot des retardataires.
L’elfe attendit qu’il fut à bonne distance pour se décider enfin à sauter à bas de son arbre.

Avec l’agitation ambiante et malgré la douce mélodie concoctée par Kayla, Boréas dut se faire une raison : Hermès nécessiterait bien plus que quelques éparses minutes dérobées, bien que chacune d’entre elles compte. Sa fierté en prenait un coup. Cependant son expérience ne le trompait pas. Il lui faudrait mieux connaître le destrier avant d’espérer pouvoir le comprendre.

- Merci mille fois pour votre aide Kayla, c’était absolument délicieux. Malheureusement je doit m’avouer vaincu pour le moment. J’y reviendrait peut-être plus tard dans la journée. Mes chevaux vont de nouveau entrer en scène et je souhaite m’assurer que tout ira pour le mieux. J’espère cependant que la réaction de la duchesse ce midi ne vous a pas trop chagriné. J’imagine que cet évènement exceptionnel doit être une grande source d’angoisse pour elle et son entourage. D’ailleurs, je n’ai point vu Podness depuis l’incident. Je pensais qu’il aurait aimé écouter votre balade, curieux et enthousiaste qu’il est?

Laissant la demi-elfe repartir vers les tribunes, il avisa Hermès toujours aussi déterminé à haïr le monde entier. Quelle solitude cachait cette ire? Qu’avait partagé l’étalon avec son maître pour ne souhaiter aucune nouvelle rencontre ? Une fois retourné à la pénombre rassurante de son box avec l’aide bienvenue des palefreniers, il glissa de nouveau une pomme au pieds de l'animal.

Aux mots de l’intendant, Boréas réfléchit. À ceux du maître d’écurie, il accepta. S’il n’avait pas d’opinion concernant le premier qui protégeait visiblement au mieux les intérêts de la duchesse, il appréciait le deuxième pour sa justesse et son impartialité au service de ses protégés. Entre gens de chevaux, la confiance ne s’achète pas.

- Cette générosité de la part de la Duchesse m’honore. J’ai conscience de la chance que vous m’offrez. Merci. Puisque j’ai le choix, laissez-moi aller chercher Björn.

Pod rejoignit rapidement Brindja, s'arrêtant à quelques pas néanmoins. Il lui sourit. De ce sourire espiègle dont il avait le secret. Non pas un sourire moqueur... simplement de ceux dont on se vêtit pour mieux profiter de la vie.
Puis, il lui parla en elfique...

- Vous êtes bien Brindja n'est-ce pas ?
" Moi c'est Podness. Podness Ragnyss.

Il inclina respectueusement la tête, puis poursuivit.

- Si je ne me trompe pas... vous avez prévu de participer à l'épreuve qui s'annonce... Peut-être pourrions-nous discuter en nous dirigeant vers la carrière ?

Il indiqua la direction en l'invitant à l'accompagner.

- Je parle le Sylvestre si vous voulez. Nous serrions plus discrets encore si vous maîtrisez le language des arbres et du vent...
" Par contre, je serais triste si nous n'évoquions pas notre goût commun pour le jeu de cache-cache...

Il ponctua sa remarque d'un air affligé des plus convainquant.

Les oreilles de l’équidé indiquaient clairement son avis sur les talents musicaux de la barde : pas à son gout. La jeune femme lança un petit sourire déçu et désolé à Boréas. Au moins une personne dans l’assistance avait su apprécier sa petite représentation. Elle répondit à ses paroles d’une petite voix peinée, un peu nerveuse, peut-être :

- Merci… J’avoue que je n’ai pas fait attention aux allers-et-venus de tout le monde, cette après-midi. Je pense à la représentation de ce soir et je suis toujours distraite avant d’entrer en scène.

Kayla aurait aimé avoir le temps d’essayer autre chose avec Hermès, mais déjà, l’intendant et le maître d’écurie venaient chercher le cavalier pour l’amener à la carrière. Elle salua son compagnon d’un petit geste de la main, avant de récupérer ses affaires, pour partir s’installer au pied de ce qu’elle avait désormais envie d’appeler « son » arbre. Une fois sous ses branches, elle vérifia succinctement qu’elle disposait d’un minimum de calme et d’intimité avant d’y déposer soigneusement son équipement. Elle ne craignait pas vraiment que quelqu’un l’espionne ; si un autre candidat voulait lui voler ses idées, qu’il fasse donc, ils verraient bien ensemble comment l’originalité peut prévaloir. Mais la jeune melessë n’aimait tout simplement pas trop être observée pendant ses premières répétitions. Même son grand-père, malgré toute l’affection et la confiance qu’elle lui portait, n’avait eu que peu d’occasion d’assister à ces moments, qu’elle gardait jalousement pour elle. Boréas et Hermès ne le savaient pas, mais elle leur avait fait une fleur rare et particulièrement précieuse à ses yeux, en leur révélant une partition inachevée.

Délicatement, tout en commençant à fredonner sa chanson, elle disposa ses différents parchemins autour d’elle. Elle les fixa au sol avec des pierres ou d’autres objets pour qu’ils ne s’envolent pas et contempla finalement son installation d’un œil critique : elle était prête. Elle sortit à nouveau sa flute de Pan et recommença à jouer. La musique s’éleva haut dans les branches, plana un instant entre les feuilles, puis s’éteignit lentement. Kayla resta un instant immobile, le regard vague, avant d’aller corriger plusieurs notes sur ses parchemins. Elle se redressa et reprit la mélodie, sans instrument cette fois, juste à la voix. Puis ce fut la viole qui accompagna son chant et enfin la lyre. Quand elle eut fini son premier essai, elle passa de longues minutes à noircir davantage ses papiers, avant de reprendre depuis le début. Devait-elle vraiment faire intervenir chaque instrument ? Elle voulait profiter de l’occasion pour montrer l’étendu de son art à la duchesse, mais était-ce bien indiqué de complexifier autant une performance qui se voulait plus sobre ? Mais elle aimait bien l’ajout mélancolique et naïf de la flute.

Toute prise dans ces questions, elle continuerait probablement ses essais jusqu’à ce qu’on vienne l’interrompre. Entre temps, elle mettrait à l’épreuve de sa critique la mélodie, les paroles, les sorts qu’elle voulait utiliser pour souligner sa performance et peut-être une chorégraphie si elle avait le temps. Oh, il faudrait aussi qu’elle aille voir la scène pour prendre la mesure du lieu, situer le public, la place de la famille ducale, l’espace qu’elle aurait pour se produire, la façon qu'avait sa voix de sonner. Elle irait probablement avant la fin des épreuves, afin de profiter du calme et de pouvoir prendre tranquillement ses marques.

Sautant à bas de son arbre, Brindja fut rapidement rejoint par Podness, qui accourait à petites foulées. Lorsqu’elle se redressa, le gnome se sentit minuscule à ses côtés. Elle s’épousseta, ôta les quelques feuilles prises dans ses cheveux, puis toisa son interlocuteur depuis ses 1,78 mètres.

- Bonjour Podness, répondit-elle en elfique. Oui, je me souviens de toi… Il me semble t’avoir vu traîner avec le nigaud qui s’est donné en spectacle, tout à l’heure. J’espère que tu possèdes un peu plus de jugeote que ton ami. Ses accusations publiques ont bien failli lui coûter sa participation. Et je crains qu’il ne se soit fait quelques ennemis au passage…

Sa voix, chaude et grave, contrastait avec ses traits fins. Contrairement à Podness, elle ne souriait pas. Elle l’avait naturellement tutoyé, sans même lui demander la permission.

- Je m’appelle Brindja, en effet. Tu as sans doute entendu mon nom pendant les épreuves. Et tu as raison, je ne devrais pas traîner ici plus longtemps… Dépêchons-nous, tu veux bien ?

Tous deux prirent la direction de la carrière et marchèrent d’un bon pas. Si Brindja essayait de se freiner au maximum, Podness eut tout de même du mal à suivre le rythme. Ils n’avaient clairement pas la même longueur de jambe…

Brindja sourit enfin lorsque Podness évoqua les parties de cache-cache. Elle lui répondit en sylvestre directement :

- C’est une chance que tu ne te sois pas approché d’avantage… S’ils t’avaient entendu, ou pire, s’ils t’avaient vu… Je n’aurais pas donné cher de ta participation. Ou même de ta vie. Sois prudent, je ne sais pas trop jusqu’où ils sont prêts à aller.
Quant à moi, j’ai commencé à voir et à entendre des choses étranges depuis hier soir. Et j’ai commencé à fouiner discrètement, et à faire des rapports à la Duchesse quand j’en avais l’occasion. Parfois de manière indirecte… Et toi ? Qu’est-ce que tu faisais caché derrière ce rocher ?

Dieux qu'elle est... impressionnante ! pensa Pod lorsqu'elle fut devant lui.

Brindja lui répondit, ce qui était déjà un bon point. Il ne se formalisa pas d'être ainsi tutoyé. En effet, en tant que gnome, il avait l'habitude d'être traité tel un enfant des grandes gens !
Il suivit l'elfe et écouta attentivement ce qu'elle avait à lui dire. Finalement, il ne pu s'empêcher de réagir à ses remarques.

- Vous parliez de Sallavïn j'imagine. Ne le jugez pas trop sévèrement. Je ne le connaît pas depuis longtemps, mais... j'ai pu constater à quel point il est intrinsèquement allergique à la fourberie et au mensonge. Quand à ses ennemis... Je ne serais pas étonné qu'il l'ai fait exprès...
" Afin de focaliser l'attention sur lui voyez-vous ?
" D'ailleurs, c'est grâce à lui que j'ai repéré le comportement suspect de l'envoyé du duché de Karkavec... Ce qui m'a amené jusqu'ici !

Il fit une pause, jaugeant de la distance qui les séparaient encore de la carrière et du temps qu'il leur restait pour discuter ainsi... Trop peu à son goût.

- Vous avez dit en référer à la duchesse... Vous êtes déjà à son service ?
" Puis-je savoir le moyen discret que vous avez trouvé pour lui parler ?

Podness la laissa répondre, puis partit sur un autre sujet. Devenu pressant maintenant !

- Le concurrent avec notre homme... quel est son nom déjà ? Il a participé aux épreuves ce matin n'est-ce pas ?
" Et sûrement à celles qui vont commencer ! J'aimerais vous accompagner... Pour surveiller les coulisses, au cas où il essayerait un coup fourré pour éliminer un concurrent ?

Tout en marchant, l'elfe répondit aux questions du gnome-espion :

- Oui… Je parlais de Sallavïn. Oh, je suis sûre qu’il avait ses raisons ! Je dis seulement qu’il joue avec le feu. Insulter de cette façon la noblesse n’est pas forcément la meilleure idée du monde. En tout cas… Cet envoyé est louche, en effet. Mais je découvre seulement maintenant son lien avec Arman… que j’ai à l’œil depuis hier, et qui les enchaîne. Bien joué, le coup des toilettes… S’ils étaient surpris ainsi, ils pouvaient toujours prétendre à autre chose.

Brindja jeta un œil en biais à Podness, cherchant sur son visage un indice permettant de comprendre s’il avait saisi l’allusion.

- Au service de la Duchesse ? Non… Pas plus que ton ami Sallavïn. Je suis juste plus discrète… Les petits mots glissés aux domestiques fonctionnent bien, en général. Il y a toujours le risque de tomber sur un serviteur corrompu… Mais jusque-là, tout s’est bien passé. À priori…

L’étrange duo passa non loin de l’arbre où se tenait Kayla. Quoiqu’absorbée par ses préparatifs, la jeune artiste leva les yeux au bon moment et les aperçut tous deux, se dirigeant d’un bon pas vers la carrière. Si elle les reconnaissait sans mal, ils étaient trop loin pour entendre leur conversation.

- Tu veux dire, Arman ? Oui, il participait aux épreuves ce matin. L’histoire des cuillères, je suis quasiment sûre que c’était lui… Ce n’est arrivé que dans sa tente, n’est-ce pas ?
Rien ne t'empêche de le garder à l’œil… ainsi que l’envoyé ducal. Je ne sais pas ce qu’ils mijotent ces deux-là, mais ce ne serait pas une mauvaise idée. Surtout après les charivaris de ton ami ! ajouta-t-elle avec un sourire moqueur. Autant inscrire « victime » sur son front…

La carrière était déjà en vue. Ils y arriveraient dans quelques foulées.
Sur place, les heaumes avaient été apportés. Chacun avait choisi sa lance et son bouclier. La foule était en place. On n’attendait que Brindja, et Boréas parti chercher sa monture au pré, un peu plus loin.

Après un temps de préparatifs légèrement plus long que prévu, les candidats étaient fin prêts ! Leurs chevaux, un peu ramollis par le soleil de ce début d’après-midis, semblaient même s’être assagis. Björn était maintenant parmi eux, pansé à la va-vite par son éleveur Boréas.

L’intendant annonça bientôt d’une voix forte l’entrée des premiers candidats : "sieur Sallavïn Tamrel et dame Frantziska Kassianov !"
Il rappela aussi la règle du jeu : le but n’est pas de renverser son adversaire, encore moins de le blesser, mais de briser le plus de lances possibles contre son bouclier.

Avec l’aide de Boréas, Sallavïn et Frantziska se mirent en selle et se positionnèrent d’un bout à l’autre de la carrière, face à face, la lice en bois à leur gauche. Ils baissèrent leur heaume… Positionnèrent leur lance en position horizontale… Et au signal de l’intendant, enfoncèrent leurs talons dans les flancs de leurs montures !
Hélas, Syfar ne se montra pas du tout coopératif… À vrai dire, il semblait davantage en mode sieste, au plus grand désarroi du melessë ! Ce dernier ne put le convaincre de partir au galop, ni même au trot… Mais au moins il avançait ! Au pas… En direction de son adversaire, qui pour sa part, s’avançait au grand trot dans sa direction, et n’eut aucun mal à toucher son bouclier et à briser sa lance dessus. Face à l’assaut, Sallavïn préféra lever son bouclier en défense plutôt que de tenter une attaque.

Deuxième round… Les deux assaillants se repositionnèrent. Sallavïn se retint de hurler après son cheval : celui-ci refusait toujours d’accélérer ! Se croyait-il en balade ? Encore une fois, Frantziska le croisa au trot, visa le bouclier… mais sa lance ripa dans le vide sans se briser.

Dernier round. Tout énervé, suant et bien conscient qu’il ne lui restait plus qu’une seule chance, Sallavïn se tint prêt, essayant de communiquer sa détermination à sa monture. Et là, miracle ! Syfar se réveilla enfin, et fila directement au galop dès lors qu’il sentit les talons de Sallavïn effleurer les siens. Il semblait en feu ! Contrairement au cheval de Frantziska, tout intimidé, qui freina et rua en voyant ce qui approchait… Lorsqu’ils se croisèrent, Sallavïn visa… toucha. Brisa sa lance d’un coup sec, quasiment à sa base. La jeune Paladine ne parvint à maintenir son équilibre plus longtemps, et s’écroula sur le sable de la carrière, manquant de se faire piétiner par sa monture affolée.
Elle gisait maintenant à terre. Et n’avait pas l’air bien du tout… Déjà, deux prêtres s'avançaient dans sa direction.

Enfilant un heaume à masque facial mobile, Sallavïn baissa le masque sur son visage, découvrant un champ de vision réduit. Une vision éprouvante pour certains à laquelle il avait finalement réussi à s'habituer après des années d'entraînement. L'odeur du métal et de l'huile avec laquelle il avait été traité lui prenait entièrement le nez et le vacarme des tribune se fit plus diffus. Il était temps.

Si la lance pesait lourd, il avait trouvé sans mal une position pour la caler contre son flanc, la hampe soutenue par un repli de sa ceinture. Allez Gourmand... Après ça, on mangera pour de bon... Il enfonça les talons dans les flancs de sa monture... Et rien. Il croisa son adversaire du tournois, qui brisa sans difficulté sa lance sur lui, choc qu'il accusa du mieux possible, au fond de ses étriers. En pivotant, Sallavïn était presque en train de geindre, son sang froid perdu depuis belle lurette :

-Non, non non ! Ne me fais pas ça ! Fonce ! Montre leur !

Et rien. Syfar continuait comme si de rien n'était, malgré les hurlements du public et le fracas de la monture qui lui courait dessus. Est-ce qu'il avait subi un maléfice ?

Forgeron, aide nous...

Une prière qu'allait regretter le jeune chevalier. Le troisième assaut fut d'une bien plus grande violence que les deux autres et sa rivale du jour ne supporta pas le choc de la lance contre son écu. Sallavïn ne la vit pas tomber en la dépassant, son champ de vision trop réduit par son heaume et ce n'est que lorsqu'il fit pivoter Gourmand qu'il mesurer l'ampleur des dégâts. Sautant de sa monture, il s'élança dans la carrière pour l'assister, s'agenouillant à côté d'elle en se mordant les joues, murmurant une prière à son dieu pour soulager la douleur de la dame.

-Ca va aller, tout va bien aller...

hrp : imposition des mains : 5pv si nécessaire

Recroquevillée dans le sable de la carrière, Frantziska gémissait de douleur en se tenant la cheville. Elle présentait aussi plusieurs ecchymoses violacées sur ses bras nus. Quant à sa monture, elle s’était réfugiée dans un coin de la carrière pour n’en plus bouger.
Dès qu’il aperçut sa rivale à terre, Sallavïn s’élança et fut auprès d’elle avant les prêtres. Plaçant ses mains au niveau de sa cheville et de ses bras, le Paladin parvint à la soulager, puis l’aida à se relever. La jeune femme toussa un peu, puis tenta de débarrasser sa chevelure du sable qui s’y était mêlé.

- Merci Sallavïn… Vous n’y êtes pas allé de main morte tout à l’heure ! Je ne m’y attendais pas.

Les deux prêtres furent bientôt à leurs côtés, aidèrent Frantziska à marcher jusqu’à la sortie de la carrière, même si ne donnait plus l’impression d’en avoir réellement besoin. Elle se laissa néanmoins assister sans faire d’histoires. L’intendant s’avança, puis on compara la longueur des deux lances brisées :

- Victoire pour le sieur SALLAVÏN TAMREL !

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Une fois la monture de la Paladine récupérée, on annonça la prochaine rencontre :

- Sieur Boréas Dùnedor et Sieur Khamal Hamadi !

Les candidats en question se positionnèrent, puis s’élancèrent bientôt l’un contre l’autre. Si l’éleveur se sentait parfaitement à l’aise sur le dos de Björn, Khamal ne se débrouillait pas si mal non plus, sauf pour la dernière manche où il ne parvint pas à lancer sa monture au galop. En revanche, l’adversaire de Boréas s’avéra un bien meilleur jouteur : il réussit à toucher les deux premières fois le bouclier de Boréas, brisant sa lance à chaque fois. Il n’échoua qu’à la dernière manche. Boréas, quant à lui, ne parvint pas à atteindre son rival, qui esquiva avec adresse chacune de ses tentatives.

- Victoire pour Sieur KHAMAL HAMADI !

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La prochaine rencontre, celle de Brindja et Arman, se solda par la victoire de ce dernier. Si la grande elfe parvint à le toucher une fois et à briser sa lance, Arman réussit à tous les coups ! Lui qui tenait à peine sur son cheval aux épreuves du matin, il parvint cette fois à garder son assiette. La dernière manche, en particulier, fut spectaculaire.

- Victoire pour Sieur ARMAN DE RICHEVOIE !

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Ce fut au tour des gagnants de jouter ensemble. On appela donc Sallavïn et Khamal à rejoindre la piste. Et ce fut… une réelle catastrophe. Était-ce la faute au soleil qui, à son zénith, rendait les chevaux fainéants ? En tout cas, ni l’un ni l’autre ne parvinrent à leur faire entendre raison.
Pendant la première manche, leurs montures firent de violents écarts, se détournant de la piste et refusant d’obéir. À la deuxième, heureusement, Sallavïn parvint à briser sa lance contre le boucler de Khamal, et même à esquiver l’attaque de ce dernier !
Pour la dernière manche, Syfar fit une telle embardée à l’approche de son rival que ce dernier échoua à le toucher.

- Victoire pour le sieur SALLAVÏN TAMREL !

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Enfin, la finale ! Sallavïn n’eut pas le temps de souffler qu’il dut se remettre en piste, contre son prochain adversaire : Arman.
Cette fois, à part la dernière manche, le melessë parvint à mener Syfar sans trop de mal. À la deuxième manche en particulier, celui-ci lui obéit au doigt et à l’œil ! Quant à Arman, il semblait maintenant aussi à l’aise que Boréas sur le dos de sa monture.
Sallavïn parvint à briser sa lance lors de la première manche, et à esquiver celle d’Arman. Pour la deuxième, aucun des deux ne parvint à toucher. Et pour la dernière manche, Syfar donnant à nouveau du fil à retordre à Sallavïn, il ne parvint ni à attaquer, ni à bien esquiver la lance d’Arman qui vint se briser contre son écu.

A la fin, la victoire était toujours incertaine. Il fallut l’intervention de l’Intendant, qui vint comparer la longueur de chacune des lances brisées : celle de Sallavïn était légèrement plus courte.

- Victoire pour le sieur SALLAVÏN TAMREL !

Depuis la foule s’éleva une ovation, saluant le champion de la joute équestre. L’intendant le félicita. Le melessë remarqua aussi avec quel enthousiasme on l’applaudissait du côté de la famille ducale.

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- S’il vous plait, un peu d’attention ! réclama l’intendant d’une voix forte lorsque les applaudissements se furent calmés. Je vais vous demander un peu de patience le temps que nous puissions préparer la carrière à l’épreuve de tir à l’arc. Vous avez le temps d’aller vous servir à boire et de revenir, si vous le souhaitez ! Merci beaucoup, et à tout à l’heure.

Le temps de ce début d'après-midi était doux. À l'ombre du feuillage, concentrée sur ses compositions, Kayla se sentait merveilleusement bien. Sa tranquillité était telle qu'elle en oublierait presque les complots et les secrets qui infusaient les lieux. Tant qu'elle avait le nez dans ses partitions, en tout cas, elle n'y pensait pas et en profiter avec une joie qui se lisait sans mal sur son visage.

Peu après son installation, elle put observer en s'étirant Podness qui passait avec la gagnante du tournoi. Brindja, si elle se rappelait bien. Elle essaya de les saluer d'un enthousiaste mouvement du bras, mais ils ne répondirent pas. Sans doute ne l'avaient-ils pas vu. C'était un duo atypique, tout de même et un spectacle plutôt charmant que de voir le gnome érudit trottant vivement auprès de la grande guerrière elfe qui contenait difficilement ses enjambées. Kayla ne se posa pas davantage de question, si jamais elle avait la tête à cela, elle pourrait toujours demander à Podness ce qu'il faisait avec Brindja.

La melessë lâcha un petit baillement en s'étirant à nouveau, avant de replonger avec enthousiasme dans sa musique. Elle avançait bien, d'ici une heure ou deux, elle irait voir la scène prévue pour les représentations. Si elle le pouvait, il faudrait aussi qu'elle demande à un domestique si elle pouvait prélever quelques pétales de fleurs fraîches ou au moins des feuilles sur la végétation du vaste jardin, pour son petit numéro.

Björn répondit avec enthousiasme à l’appel de Boréas en déboulant tel un éclair du fond du pré. En moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, l’inséparable duo était prêt pour les joutes, fringants et fougueux. Comme à chaque déboire de sa vie, Boréas oubliait toute contrition une fois les deux pieds calés dans des étriers.
L’air du paradis est celui qui souffle entre les oreilles d’un cheval

Il avait pris soin d’ajouter plusieurs sangles et boucles d’accroche à son harnachement. Boréas escomptait en faire usage lors des joutes afin de montrer son adresse au public, espérant regagner ainsi un soupçon d’approbation de la part de la famille ducale. Le jeune duc était-il sensible à la cascade équestre?

Il regarda la première joute avec appréhension, encourageant mentalement ses chevaux, les fesses calées au fond de sa selle comme dans le fauteuil le plus luxueux de la terre.
À la chute de Frantziska, Björn et lui réagirent instantanément, et il rattrapa sans effort le cheval échappé d’un simple sifflement. Il pesta intérieurement : ses montures étaient dressées pour rétablir l’équilibre de leurs cavaliers en toutes circonstances, évitant les chutes ou accidents mortels.
Malheureusement, si ses protégées avaient bien reçu les bases d’entrainement aux joutes, le lien avec leurs cavaliers respectifs était bien trop ténu pour faire étal de leur savoir-faire. Boréas fut manifestement le seul qui remarqua la vitesse à laquelle le cheval s’écarta de la cavalière afin d’éviter tout piétinement.
Quel dommage.

Une fois les blessures soignées et la piste dégagée, Boréas entra en lice. Il salua la famille ducale, et Björn fit la révérence en suivant le geste de son maître, arquant avec élégance sa crinière telle une hure bicolore. Il lui sembla entendre des encouragements dans la foule. Puis son regard croisa celui de Khamal, lui rendant son salut.
Il noua les rênes à l’encolure de Björn qui piaffait d’impatience, ses jambes devraient lui suffire. La foule avait-elle remarquée que le filet de son cheval ne comportait de toute façon pas de mors?

Les joutes n’avaient jamais été le point fort de Boréas. Il n’avait jamais apprécié les démonstrations de force, et le guerrier qui lui faisait face possédait une fougue qui lui faisait défaut. Il se concentra surtout afin de rester en selle à chaque croisée de lance, encaissant souplement les chocs. Concentré aussi, Björn raccourcissait imperceptiblement sa foulée avant chaque impact afin d’adoucir au mieux la brutalité de la lance sur le bouclier de son cavalier.

À la troisième passe, Boréas devina le manque d’entrain de la monture de son adversaire, malgré une entente déjà appréciable.
C’est à nous.
Il changea discrètement de position sur sa selle et passa le pied gauche dans une boucle près de la sous-ventrière. Björn piaffa, se cabra en boxant l’air de ses sabots et se lança au galop, les oreilles pointées vers le bout de la piste, sous les encouragements de la foule.
Il allait se passer quelque chose.

Arrivée au point de rencontre, et malgré le manque flagrant de vitesse de son adversaire, Boréas fut désarçonné et tomba à la renverse! Un pied coincé dans l’étrier, le dos collé au flancs poussiéreux d’un Björn lancé à toute allure, les mains de l’éleveur vinrent toucher la poussière de la carrière. Cependant que le cheval jaune ne ralentissait pas, la foule horrifiée pour observer sur le visage du cavalier renversé... un sourire radieux. Boréas se redressa avec une adresse déconcertante en fin de piste, où Björn fit un volte-face quasi-instantané sur les postérieurs, pour repartir à fond de train dans l’autre sens sous l’acclamation du public. Boréas enchaina les cascades sur la ligne droite, avant d’effectuer un arc de cercle vers les tribunes. Le destrier servit à la foule son freinage glissé dans une gerbe de sable et finit par un hennissement retentissant tandis que Boréas décernait une nouvelle courbette en direction de la tribune d’honneur.
Ils voulaient du spectacle, j’espère qu’ils l’auront apprécié.
Avait-il réussi à produire ne serait-ce qu'une émotion sur le visage du jeune Duc ? Il rejoignit doucement les bords de la carrière et se reposa dans le fond de sa selle jusqu'à la fin des épreuves.

Le reste des joutes se passa sans heurt majeur, bien que nul cheval n’y brilla de bonne volonté. Les cavaliers en revanche, étaient véritablement à féliciter.
-« Toutes mes félicitations Sallavïn, je crois que Syfar vous apprécie beaucoup. Certains cavaliers mettent plusieurs jours à acquérir la confiance que vous avez obtenue. C’est une bien belle victoire! »

Il flatta l’encolure couverte de sueur de son cheval avant d’aller présenter son respect à Khamal, si jamais celui-ci semblait dans de bonnes dispositions.
- « Vous m’impressionnez. Votre aisance avec ce destrier depuis ce matin, quoi que vous puissiez en penser, est véritablement louable. Avez-vous déjà eu affaire à un de mes chevaux par le passé? »

À la fin du duel entre Khamal et Boréas, ce dernier avait pris le temps de féliciter son adversaire. Ce dernier sembla surpris, mais accepta volontiers le compliment.

- Vous plaisantez ? lui dit-il avec son fort accent du sud. Je n’ai même pas réussi à le faire décoller à la dernière manche. En revanche, vos cascades ont subjugué tout le monde. Moi y compris. Non, je n’avais pas connaissance de ces petits chevaux avant ce tournoi. Dans le Royaumes des Sables, d’où je viens, il y a beaucoup d’élevages, mais pas de cette espèce. Les nôtres sont bien plus hauts sur pattes. Là-bas, on nait quasiment avec un cheval entre les cuisses. Ou un dromadaire ! Ça dépend de la région… En tout cas, je pense que ça explique une partie des résultats d’aujourd’hui.

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Après une courte pause, la carrière était prête à accueillir la dernière compétition physique du jour. Quelques cibles de bois, aux cercles concentriques colorés, s’alignaient sur l’un des côtés (celui où aucun spectateur ne se tenait derrière !) À une cinquantaine de mètres de là, une ligne était tracée dans le sable. Enfin, plusieurs arcs longs furent disposés contre les barrières, côté intérieur.

L’intendant annonça les règles, simples : chacun avait droit à trois lancés. Chaque cercle coloré correspondait à un certain nombre de points. Celui qui finissait avec le plus de points remportait la victoire.

Les candidats étaient au nombre de sept : Frantziska, Lúdvik, Khamal, Sallavïn, Arman, Brindja et Lian. Chacun à leur tour, ils décochèrent une flèche. Des témoins venaient récupérer la flèche et annonçaient la couleur, ainsi que le nombre de points correspondants. Puis le candidat laissait son tour au suivant. Une fois que tous furent passés une fois, on procéda à deux autres séries avant d’annoncer les résultats finaux :

- Brindja : 47
- Arman : 46
- Lúdvik : 43
- Frantziska : 41
- Khamal : 41
- Sallavïn : 38
- Lian : 36

Pour la deuxième fois de la journée, on acclama le triomphe de la grande elfe, qui l’avait emporté de justesse sur le blondinet. L’intendant leur demanda de se serrer la main, ce qu’Arman fit visiblement de mauvaise grâce. Il ne prenait même pas la peine de cacher sa frustration.

L’après-midi toucha maintenant à sa fin, et l’on invita tout le monde a rejoindre les jardins où quelques rafraichissements les attendait. Le dîner ne tarderait pas à être servi, et avec lui débuteraient les représentations artistiques ! Kayla pourrait entrer en scène bientôt, ainsi que Mercoeur, et peut-être même Podness, s’il avait pris le temps de gribouiller quelques croquis depuis le matin.

• Hum... Arman... je ne l'aime pas celui là ! murmura Pod, en réponse aux révélations de Brindja.
  
  Il sourit, sans plus, à l'allusion graveleuse de l'elfe, trop préoccupé par ses réflexions. Mais il nota dans un coin de la tête la méthode de communication toute simple que Brindja utilisait.
  
  Il faudra que j'explique çà à Sallavïn
  
  Pod ne vit pas tout de suite Kayla, lorsqu'ils passèrent non loin. Et lorsqu'il se tourna vers elle, la jeune barde était de nouveau plongée dans son travail. Il reviendrait la voir après... Vu comment elle semblait absorbée, elle avait de bonnes chances d'être encore là après les joutes !
  
  Ils arrivèrent ainsi peu de temps après et Brindja alla se préparer. Elle ne serait pas la première à passer apparemment, mais elle devait se mettre en condition.
  Le gnome en profita pour se faire oublier. Pas trop compliqué quand on mesure la taille d'un enfant et qu'on sait se placer aux bons endroits au bon moment. Pod pu ainsi surveiller sans être vu pendant les préparatifs des candidats... Mais il ne décela rien de particulier.
  Un peu déçu, il rejoignit les gradins, s'attachant à trouver une place proche de l'envoyé de Karkavec. Il s'installa deux rangs derrière lui. Une nouvelle fois, il en fut pour ses frais. Si les encouragements de l'homme furent francs et appuyés pour Arman et véhéments pour Sallavïn, il n'y eut aucune interaction suspecte ou regard mauvais à la famille ducale...
  
  Difficile à croire que ces deux là complotent ! Ils jouent bien leur rôle...
  
  Surprit et inspiré par les incroyables acrobaties de Boréas, Podness se souvint de sa participation prochaine aux épreuves... Il sortit alors son carnet à dessins et jaugea d'un oeil critique les croquis qu'il avait fait plus tôt.
  
  Une bonne couverture... pensa-t-il en prenant son fusain.
  
  Quoi de plus naturel pour un artiste concentré sur son oeuvre, que de fixer les gens autour de lui. Les épreuves étaient un support très intéressant... Et prit au jeu, il ne vit pas le temps passer, ses dessins s'enchaînant sur les pages, alors qu'il surveillait toujours d'un oeil critique ses suspects.
  Ce n'est que lorsque la dernière volée de flèches fut tirée qu'il prit conscience de l'heure...
  Pliant ses affaires et quittant le spectacle prématurément, ce qui lui permettrait d'éviter la cohue, il se dirigea vers l'arbre de Kayla.
  
  Sera-t-elle encore là ? Au moins, de là-bas, je verrais passer Sallavïn. Il faut que je lui parle...

Boréas répondi à Khamal avec une sincère admiration.
-« Merci pour le compliment, mais il revient à part égale à Björn, qui balance son centre de gravité afin de m’éviter les chutes, même feintes. » Boréas esquissa un sourire timide. « Je me devait de défendre ma cause vous comprenez... »
-« Il me semble avoir déjà croisé un ou deux de ces chevaux des sables. Des bêtes d’une élégance et d’une fougue rare en effet. Je comprends mieux d’où émane votre talent, et votre fierté. Je suis ravi d’avoir pu discuter avec vous. J’espère en avoir à nouveau l’occasion ce soir si cela vous fait plaisir. Maintenant si vous le permettez, je m’en vais rendre la liberté à mes diablotins. Je vous souhaite le meilleurs pour les épreuves à l’arc!»

Remontant sur Björn, l’éleveur siffla entre ses doigts et ramena sa horde aux écuries avec l’aide des palefreniers. Il fit un détour par les tentes, en espérant pouvoir faire un brin de toilette et manger un morceau, avant de se rendre au box d’Hermès. Croiserait-il le visage ami de Kayla ou quel autre maniganceur ?

Après cette victoire mitigée, Sallavïn regagna sa place en flattant le croupion de Gourmand. Faire tomber son adversaire était contre les règles et il n'arrivait pas à profiter d'une victoire formée sur un tel manquement aux instructions données... Gardant le masque de son heaume sur son visage, le sang-mêlé s'assit et écouta la clameur des autres joutes sans y prêter trop d'attention, préférant souvent garder les yeux clos pour conserver son calme et ne pas subir l'influence des autres performances. C'est à peine s'il saisit les acrobaties de Boréas, curieux de voir le dresseur sur sa propre monture, et encouragé par les cris de la foule.

Une attitude qui le mena jusqu'en finale ! Garder son calme devenait de plus en plus difficile et le soleil commençait à frapper impitoyablement son couvre-chef lorsqu'il quittait l'ombre de l'arène. Son visage ruisselait lorsqu'il livra son dernier assaut et sa victoire eut le goût du fer et du sel, quand il leva la hampe de sa lance vers le ciel, à peine visible à travers les fentes du casques. J'ai gagné ! J'ai gagné ! Merci...

Tout en priant son dieu entièrement, il laissa Syfar caracoler fièrement avant de regagner son abreuvoir et se débarrassa de l'encombrante pièce d'armure sur sa tête, essuyant son visage avant de répondre aux mains tendues, affichant un grand sourire en saluant les concurrents, et ne trouvant rien de mieux à répondre aux louanges que des "merci ! " maladroits mais sincères. A Boréas seul, il répondit que Gourmand avait un caractère admirable.

Il but sans doute autant d'eau que sa monture pendant la pause et laissa son bouclier contre le banc, se dirigeant vers la dernière épreuve avec un reste de sourire aux lèvres. Il doutait pouvoir gagner cette fois, n'ayant jamais manifesté la moindre habileté avec un arc. Néanmoins, il envoya ses flèches avec force, bandant l'arc au maximum à chaque tir, comme pour achever de tirer sur ses muscles endoloris, les dorsaux et épaules en feu.

Sans rancune, il félicita la victoire de Brindja. Il avait fait de son mieux et il était fatigué par toutes ces émotions. Avant d'aller profiter des rafraichissements, il y avait fort à parier qu'il adopterait la tenue qu'il avait passée la veille, ôtant sa maille et son épée après une courte toilette.