Kayla Fal'San'In
|
Face au paladin, Kayla de contenta de répondre :
- Timotheos, il a disparu !
En d’autres circonstances elle aurait pu s’émouvoir d’apercevoir ainsi le jeune homme aussi petitement vêtu, les cheveux et la peau encore toute humide de ses ablutions matinales, mais Kayla ne songeait à rien d’autre qu’à l’enfant. Elle ne se formalisa pas davantage de la sécheresse du ton du melessë. Une fois son message transmis et l’assurance qu’il avait compris elle repartit en courant.
- Je vais chercher Brindja et Lyvin ! cria-t-elle en quittant la pièce.
Déboulant à l’extérieur de la villa, elle sauta en bas des marches courant comme une dératée en hurlant à plein poumon les prénoms des deux elfes. Bien qu’essoufflée, Kayla ne ménagea pas sa voix, ni ses jambes, courant d’un bout à l’autre du jardin, s’arrêtant à peine pour crier plus fort son appel désespéré. Elle finit par les trouver derrière le bâtiment, du côté de la mer, non loin l’un de l’autre. Hors d’haleine, les deux mains appuyées sur ses genoux, sa veste ouverte sur sa robe légère, elle parvint à leur tenir le même discours qu’au paladin. Si elle ne parvint pas à suivre l’allure de Brindja, elle la suivit néanmoins jusqu’à la villa et retrouva Podness à l’étage, dans la chambre de Timotheos.
La partition qu’elle avait confié au jeune duc était toujours dans un tiroir, rangée, contrairement à tout le reste de la chambre. Maintenant qu’elle avait fait ce qui lui semblait le plus évident, la musicienne se sentait désemparée. Autour d’elle, le chao régnait. La famille ducale était désespérée, Irène, pourtant si forte et inflexible, en pleurs, les domestiques et les gardes en panique et elle… Elle n’arrivait pas à se défaire du seul sentiment de perte qui la hantait depuis son réveil. Mais elle n’avait rien perdu, elle, elle connaissait à peine Timotheos Bracque-Croiset. Pourquoi, alors, cette sensation si nette et perçante, si intime ?
Elle redescendit finalement dans sa chambre et se concentra sur son instinct. Assise sur son lit, les yeux clos, elle repoussa les échos des voix qui s’interpelaient dans tout le domaine et se focalisa sur son seul ressenti. Eteignant une à une ses pensées, sa peur, les bruits autour d’elle, elle ralentit sa respiration et les battements de son cœur à peine remis de sa course folle. Elle ne laissa qu’une chose pour la guider dans l’obscurité de son esprit : le désespoir de cette séparation soudaine. Tel qu’elle le percevait, on venait de lui arracher la seule chose vers laquelle elle avait tendu durant toutes ses années, remplaçant la plénitude récente par une impression familière, triste et nerveuse. Le sentiment immuable qui l’avait attirée ici et qui, pour la première fois, avait changé de cap, de l’Est vers le Sud.
Un bruit à sa porte lui fit rouvrir les yeux : Irène convoquait les tuteurs. Bien, elle était prête.
Réunies avec ses collègues face à la mère éplorée, Kayla affichait une sérénité bien différente de celle à laquelle elle avait habitué chaque personne dans la pièce. Son sourire avait disparu, laissant place au brasier froid d’une résolution comme gravée dans le bleu de ses yeux. A la conclusion d’Irène la voix de la melessë s’éleva dans la salle, sans hésitation, incroyablement calme compte tenu de la situation, mais vibrante de détermination :
- Ma dame, vous m’avez dit de vous tenir au courant de mes « visions », or j’en ai eu 3 depuis la dernière fois que nous nous sommes parlées. Et je crois que toutes ont un rapport avec la situation présente.
« La première m’a amenée à un livre sur les langues anciennes de votre bibliothèque, la seconde était semblable à celle dont nous avons parlé hier et a eu lieu quand j’ai croisé Timotheos pour la dernière fois, hier soir. La dernière, enfin… C’était un cauchemar.
Elle inspira et expira lentement, collectant ses souvenirs pour retranscrire au mieux la vision onirique.
- Dans ce cauchemar on m’arrachait tout ce que j’avais de plus précieux, mon cœur, ma voix, ceux que j’aime, et une voix répétait sans cesse ces mots de radichân, une langue ancienne de la région : "Doj'di zapoz'naj'mé".
« Au réveil, j’étais transie de peur et je craignais plus que tout d’avoir perdu… Mon destin, ce qui m’appelle depuis tant d’années et que je crois, à présent, être Timotheos.
La barde prit le temps de poser ses yeux sur chaque personne présente, mesurant ses chances de les convaincre de la suite. Elles étaient faibles. Qui croirait une jeune folle sur la seule foi d’une intuition mystique ? Pas grand monde. Son regard revint vers celui d’Irène, inflexible, ses mains repliées en poing le long de son torse.
- Pour la première fois depuis plus de cinq longues années, ce sentiment a disparu quand j’ai rencontré votre fils, dame Irène, et pour la première fois depuis cinq ans, il a changé son cap. Ce qui m’appelait incessamment à l’Est me réclame à présent au Sud. Et cela s’éloigne, lentement, mais surement, je le sais, je le sens, à chaque seconde où je vous parle.
Elle reprit son souffle, lentement, puis poursuivit.
- Je sais que je vous demande de croire des choses qui n’ont aucun sens pour quiconque d’autre que moi. Pourtant, je suis là. J’ai quitté ma terre, traversé l’océan pour rencontrer votre enfant sur la base de voix qui n’avaient aucun sens. Sur un instinct qui ne rimait à rien, je suis ici, à un endroit où je n’ai rien à faire, rien à dire, si ce n’est retrouver votre fils.
« J’ai traversé les vagues des mers Lomëar et Lanabahr pour être ici. J’ai quitté tout ce que j’avais pour être de cet instant. J’ai suivi mes voix et rien ne m’empêchera de traverser ce continent pour les suivre encore, vers Timotheos, vers votre enfant.
Elle s’approcha d’Irène, posant un genou à terre pour saisir de ses yeux les iris de la duchesse. Dans sa voix frémissait une certitude que ses mots rendaient presque palpables.
- Tant que je sentirai son cœur battre je le chercherai. Si je suis folle, alors que ma folie guide mes pas. Si j’ai raison, alors que ma raison me ramène à lui. Je n’ai rien d’autre. Je ne veux rien d’autre.
[HRP : jet en persuasion]
Console R.P.
Lancé de 1d20+6 ~ [6] : 12
|