Elindine d'Enumasam
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Retranscription depuis une discussion privée sur Discord avec Nezami
Quand les yeux de la serveuse croisèrent ceux de la rousse, elle se contenta d'un sourire tranquille et d'un hochement de tête, pour l'encourager à poursuivre. Certes, tout le monde leur disait que c'était dangereux, mais personne ne leur disait vraiment pourquoi, jusqu'ici, ce qui ne les aidait pas à se préparer. Il faudrait définitivement qu'ils reviennent parler à cette Renarde. Mais comme les marins, elle ne sortait des bois que plus tard dans la journée. Elindine poussa un peu plus loin les questions de Cymbeline :
- Merci, nous lui parlerons quand elle sera levée. Connaissez-vous d'autres personnes ou des établissements, en ville, qui pourraient augmenter nos chances de mener à bien une potentielle expédition ?
Ses yeux dérivèrent un instant vers l'homme à la paperasse, puis revinrent à nouveau sur leur interlocutrice.
La serveuse fronça les sourcils d'une manière de dire "non mais qu'est-ce qu'ils ont avec cette forêt ceux-là ?" mais elle se garda de faire plus de commentaires à part :
- Si vous voulez qu'on vous parle de la forêt, vous feriez bien d'aller faire un tour dans les faubourgs de la ville et discuter avec les mineurs et les sapeurs nains. Ils vous en raconteront sans doute des belles, les filles... Vu que vous avez envie d'avoir des sensations. Faut Sortir des murailles. Pour ça, vous avez qu'à traverser le grand fortin, à l'ouest. Il est ouvert en journée mais la nuit, tout ferme. Alors ne trainez pas trop tard dans les fourrés, mes jolies.
Un discours aussi vert dans la petite bouche en cœur de la serveuse (qui devait avoir quoi ? 16 ans ?), avait de quoi déstabiliser un peu.
Quelque part, Elindine avait envie d'ébouriffer cette frimousse juvénile qui avait dû en voir de belle, en travaillant ici. Mais ce n'était pas le moment. A la place elle jeta un regard à Cymbeline : elles ne devaient plus trainer, les faubourgs étaient aussi le lieu où se rendre pour parler à la cheffe de clan. Elles demandèrent néanmoins qui était l'homme assis seul à la table, un peu plus loin.
- Ah ? Lui, fit la jeune fille avec une sorte de dédain. c'est "Monsieur Papier". C'est comme ça qu'on l'appelle. Je ne connais pas son nom mais il traine ici depuis plusieurs semaines. Il est arrivé avant les "évènements" et passe son temps dans ses notes à parler tout seul. Les gens qui passent tant de temps à lire, c'est pas normal, non ? Vous êtes d'accord ?
Une chose frappa Elindine. Il etait étonnant de voir comment les gens de cette ville, pour la plupart, semblaient refouler la gravité de leur situation pour se réfugier dans leurs habitudes. Il en allait de même de la serveuse ou de toute l'assemblée réunie hier soir à boire en attendant l'irréparable... Qu'en était-il de cet étrange "Monsieur Papier" ? Se réfugierait-il dans ses habitudes ou bien saisissait-il la situation funeste qui les guettait ?
- Je pense que vous lui avez donné un nom fort à propos... répondit simplement Elindine.
Des gens qui passaient leur vie dans la paperasse, elle en avait côtoyé plus que ce qu'elle aurait voulu. Sa famille en était presque intégralement composée et elle savait qu'il y avait deux grandes catégories de "Monsieur Papier" : ceux qui valaient la peine qu'on s'intéresse à eux, peu importe l'ennui, et ceux qui la faisaient fuir.
- Merci pour les informations, conclut-elle en payant leur petit déjeuner tout en y joignant un pourboire très convenable pour la demoiselle, avant d'aller s'asseoir en face de l'étranger avec toute l'assurance d'un gros chat s'invitant à la table d'un écureuil.
« Bonjour, je suis Elindine d'Enumasam et vous êtes ?
L'homme n'accorda d'abord aucune importance à son arrivée, ce qui la déstabilisa un peu compte tenu de son effet théâtral. Lorsqu'il envisagea l'idée qu'il n'était pas seul, il tressaillit et poussa un petit cri aigu :
- Mais... Mais qui êtes-vous dites donc ? Je travaille moi. Mon dieu ... je ... je travaille. Vous ne vous rendez pas compte ! C'est... c'est une course contre la montre !
Et comme pour illustrer son propos, il tira sa montre à gousset pour regarder l'heure. C'était un homme fin voire grêle dans un vêtement peu soigné mais de qualité. Derrière sa petite barbichette noire, ses lunettes rondes et sous son crâne dégarni, on n'aurait su si cet homme était complètement captivé par une activité supérieure ou s'il avait simplement perdu l'esprit
Elindine haussa un sourcil, considéra l'homme en face d'elle puis Cymbeline, avant de revenir sur "Monsieur Papier". Elle exposa leur situation tranquillement, comme si elle voulait autoriser son interlocuteur à se concentrer sur deux choses à la fois :
- Nous sommes également dans une course contre la montre cette ville se meurt et nous voulons aider. C'est sur ça que vous travaillez ?
- Hein ? Cette ville ? Oui... mais cette ville n'est rien. C'est secondaire. Arh... Vous ne comprenez pas. Ces recherches sont de première importance. Je suis un Grand Lettré, Madame. Mesdames. Les découvertes que j'ai faites sont révolutionnaires... oui... révolutionnaires ! Il y aurait des passages entre les ordres de réalités, VOUS ENTENDEZ ???
Le brave homme était visiblement très perturbé par l'intervention des filles et d'être dérangé dans ses grandes recherches.
Sans s'effaroucher, Elindine jeta un oeil aux alentours pour voir les réactions autour d'eux. "Monsieur Papier" avaire l'air fort agité et elle n'était pas sûre d'avoir les connaissances pour le suivre. Fëanor et Nedru auraient été de meilleurs interlocuteurs pour celui-là. Elle pinça les lèvres, avant de répondre :
- Je comprends, nous avons survécu à un poisson monstrueux, capable de tordre la volonté des hommes. Je... Ne sais pas si ça pourrait avoir un rapport avec vos travaux.
- Tordre la volonté des hommes ? Comme on tordrait l'espace et le temps ? Par les dieux ! Vous êtes peut-être de précieux objets d'étude... A moins que vous ne soyez corrompus vous aussi !
Disant cela, il les fixa à travers ses verres loupes d'un regard dur et froid, comme s'il cherchait à songer leur esprit.
- Les portails... se mit-il à chuchoter... Les portails ... mais où sont-ils ?
Et il se mit à fouiller dans ses papiers.
A cet instant, la rousse soupira et se leva sans plus attendre. Ni elle, ni Cymbeline n’avaient de temps à perdre avec cet homme visiblement très perturbé. Peut-être que le prêtre saurait en faire quelque chose, s’il y avait quelque chose à en faire, mais Elindine n’avait vraiment aucune envie de s’attarder avec lui. Une nouvelle catégorie s’ajouterait dorénavant parmi les gens de la paperasse : les intéressants, les ennuyeux et les fous. Elle haussa les épaules et retourna auprès de la serveuse :
- Je comprends mieux ce que vous vouliez dire… Nous n’allons pas vous déranger plus longtemps, pouvez-vous nous indiquer le chemin vers les faubourgs ? demanda-t-elle avec un fin sourire.
Et si tôt qu’elles auraient leurs informations, Elindine remercierait l’employée d’une jolie petite courbette de souple, avant de s’enfuir vers des informations plus probantes, espéraient-elles.
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