Elindine d'Enumasam
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Les battements de son cœur résonnaient, sourds, durs dans le creux de son oreille. Les secondes semblaient des heures, inexorables et lentes, passées dans le ronflement menaçant dans le dos du navire. Peut-être était-ce le sel, le vent ou des larmes de terreur, mais ses yeux lui piquaient et tout son corps bouillonnait d’un feu corrosif qui rongeait lentement ses nerfs. Sand dans ses bras, ses affaires dans son dos, Elindine échangea un regard avec Gerald et ils sautèrent ensemble. Elle avait pris garde à bien viser les parties les moins détruites de la panne, en vain. Son pied glissa, ou se prit dans les débris, dans la panique, impossible de savoir et la rousse sentit la morsure glacée de l’eau happer ses mollets comme des mains étranglant son cou. Un réflexe, motivé par la peur, la sauva : elle saisit la panne et se propulsa à la force des bras sur un terrain plus solide.
Galvanisée par la terreur et le tambour cardiaque qui pulsait dans sa tempe, elle profita de son élan pour prolonger l’impulsion en une course. Gauche, droite, garder l’équilibre, souple sur les appuis, alerte, elle se méfiait désormais du terrain plat qui pouvait la trahir à tout moment. Courbant le dos, elle saisit M. Sand par les jambes, elle le souleva, replaçant le buste et ses épaules dans l’axe de Gerald qui se relevait devant elle, utilisant le poids sur ses épaules pour balancer sa course.
Elle entendit la supplique de Cymbeline, mais même sans prêter attention à Gerald elle savait que le gamin ne lâcherait pas le blessé, jamais. Elle avait vu qu’il aurait préféré affronter le sorcier à mains nus que d’abandonner son Bosco. Plutôt mourir avec son supérieur que de survivre avec les voyageurs. Elindine n’y songea pas, toute occupée qu’elle était à avancer le plus vite possible vers la terre ferme, vers la sureté, mais sous d’autres hospices, elle aurait probablement admiré tant de dévotion. Elle n’en aurait probablement pas autant si les choses se gâtaient encore, mais, pour le moment la jeune femme ne pensait à rien. Elle ne pensait à rien d’autre qu’au bout du quai, à sa course, à toutes ces fois où elle avait couru, sur les toits de la Cité Franche, dans les ruelles sombres, dans les couloirs de la maison familiale, seule, avec Phina, avec sa soeur ; à toutes ces fois qui l’avaient inexorablement menée à ce terme
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