Nouveau monde ou paradis perdu ?

Fouillant dans sa mémoire, Cymbeline réalisa que sa comparse disait juste : elle n’avait jamais rendu la longue-vue. Mais où l’avait-elle laissée ?

- Les cuisines ! Oui, c’est là que je l’ai laissée… J’irai la chercher juste après.

Puis elle lança son sortilège, sans résultat. Vexée, elle fusilla du regard les occupants de la chaloupe – ce qui ne les impressionna pas davantage, mais lui permit de distinguer le tricorne du chef de bord. Et alors, toute sa belle théorie s’effondra.

- Le capitaine… ! Je ne comprends plus rien… Gerald, vous aviez raison : ce ne sont que des scélérats, pour nous abandonner ainsi au danger ! Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot…

Puis, à la question d’Elinindine, elle répondit (d’une voix assez forte pour que les marins l’entendent) :

- La coque est fendue au niveau de la cale. Une ou plusieurs voies d’eau se sont ouvertes. Je ne sais pas si on peut réparer les dégâts…

Mr Sands et le dvaerg échangèrent un “long” regard. Einarr crut discerner de la colère et la peur de mourir. “Considérant la plaie qu'il a je comprends son énervement. Mais qu'a t'il bien pu se passer ? Il faut l'aider et en savoir plus sur ce qui s'est passé.” se dit le nain.

Alors qu'il s'apprêtait à se diriger vers le pauvre bougre, Einarr entendit les injonctions d'Elindine et presque en même temps la réponse de la Halfeline ce qui le stoppa nette dans sa course. Il répliquât donc à tout ce beau monde :

“Cym’, y a l’Sands qu’q b’soin d’une infirmière. V’int donc aider. ’parait qu’t’es douée.” dit t'il d'une voix forte en direction de la désignée-soigneuse.

Il se tourna ensuite vers la jolie rousse et dit: “Eli’ j’m’en vais voir les dégâts. R’joins moi quand t’as fini. Et d’mande à ton homme s’qu’y fait, s’pas l’temps d’faire d’la lecture.”

Il hurle ensuite : “Z’avez entendu l’p’tite ! J’descend dans la cale r’parer c’que j’peux ! J'ai b’soin d’une paire d’bras ! Les aut’ faut l’ver l’ancr’ et ’ssayer d’partir. ’va pas s’laisser caner com’ ça.”

Sur ces bonnes paroles, il tourna les talons et rebroussa chemin vers les profondeurs du bateau bien décidé à essayer de mettre à profit ses années de chantier pour permettre au bateau de survivre le temps de rejoindre, peu importe dans quel état, la terre ferme.

Personne, évidemment.

Pénétrant dans la petite pièce baignée de rais de lumière curieusement apaisants, Nedru passa son regard de gauche à droite un instant avant de s'installer devant le bureau. Ouvrant les tiroirs qu'il pouvait, tentant d'ouvrir le coffre, il chercherait des notes capables de l'informer sur la situation qu'ils vivaient ainsi que l'éventuelle présence d'objets de valeurs.

Si l'homme mystère dans la pièce d'à côté se permettait de rassembler son fourbi, sans doute pouvait-il lui aussi cesser de prêter attention aux cris qu'il entendait sur le pont l'espace d'un instant pour prendre le temps de rassembler les pièces du puzzle.

(investigation)

Ses yeux allèrent d’Einarr au nouveau blessé, puis du blessé à Cymbeline et de l’halfeline à la porte où s’était glissé Nedru. A la réflexion du dvaerg, elle songea que, de toute façon, son époux était certainement plus utile là où il était. Elle l’imaginait mal jouant les infirmiers ou l’aidant à transporter de quoi les sortir de là. Peut-être trouverait-il des choses importantes dans les affaires du capitaine ? Elle ne voyait pas quoi, mais elle irait le tirer de là si vraiment elle n’avait plus d’autre choix, en attendant, elle avait à faire.

- Cymbeline ! Je retourne chercher la longue vue et le matériel de soin à la cuisine, occupez-vous de Sands.

Elle s’épargna les protocoles de politesse, le temps jouait contre eux. Elle pointa les trois marins encore avec eux du doigt :

- L’un de vous va avec Einarr, les deux autres tentent de nous faire bouger vers le port ou d’attirer l’attention de qui que ce soit pouvant nous aider. Vite !

Son ton ne laissait pas la place à la répartie. Elle comprenait qu’ils soient sidérés de se voir ainsi abandonné, mais elle ne laisserait pas leurs états d’âme compromettre sa survie. Aussitôt les consignes données, elle disparut sous le pont : direction le dortoir pour récupérer son sac, son arc et ses flèches, puis la cuisine à la recherche de la longue vue et du nécessaire de soin.

"Ya l’Sands" ? Robert Sands ? Il est à bord ?

- Compris, lança-t-elle à ses compagnons. Eli, je ne dis pas non à un peu d'aide, quand vous aurez terminé en bas, ajouta-t-elle avec ses mains jointes en prière.

Après un hochement de tête encourageant à Gerald, la musicienne trottina jusqu'à l’endroit indiqué par Einarr. C’est là, derrière un tas de cordage, qu'elle trouva le maître d’équipage en fâcheux état. Elle porta ses mains à sa bouche devant l’horreur du spectacle, puis se précipita à ses côtés et s’agenouilla près de lui.

- Monsieur Sands ! Que… Pourquoi ? Non, vous ne devriez pas essayer de vous lever…
Je vous en prie, expliquez-moi ce qui s’est passé. Brièvement. Et surtout, ce que je peux faire pour vous aider. Vous… Je… n’y connais pas grand-chose en premiers soins, mais je suis à vos ordres. Faut-il ôter ce harpon ? Appliquer de l'alcool et faire chauffer une lame, comme hier ?

Fébrile, ne sachant par quoi commencer, Cymbeline regretta amèrement de ne s’être jamais intéressée à la façon de traiter les plaies… surtout de cette envergure. Et ce n’est pas sa courte leçon d’hier qui allait vraiment l’aider.

Son élan fut cependant très vite coupé par une réalité peu aimable : elle n’y voyait rien. Pestant contre les limites humaines, elle remonta en courant, attrapa deux lampes à huiles, une torche et les amena à Nedru dans la cabine du capitaine. Sa politesse habituelle totalement mise de côté, elle demanda d’un ton vif, mais sans agression :

- J’ai besoin que tu allumes tout ça. Tu avances, de ton côté ?
- Non. Tu peux ouvrir ce tiroir ? répondit-il en échangeant sa position avec la sienne.

Sans s’émouvoir de la demande, Elindine s’accroupit en face du bureau, inspectant la serrure tout en sortant ses outils. Si elle pouvait rendre service et fouiner librement dans les affaires privées du capitaine, elle n’allait pas se faire prier. Habilement, sans un bruit, même pas un grincement, fit jouer la serrure sous son délicat doigté. Si la serrure céder, elle ferait coulisser le tiroir en laissant la place à son époux, autrement elle le laisserait faire mieux qu'elle. Puis elle partit s’emparer de quelques draps propres, avant de se saisir des trois flammes, sans politesse, toute en efficacité. Avant de quitter la pièce, elle se contenta juste d’un :

- Quand tu auras fini, va aider Cymbeline.

Puis elle s'en alla remettre une lampe à Gerald, puis la torche, les draps, plus une de ses dagues à l'halfeline afin qu’elle puisse faire des bandages et chauffer la lame, comme la veille. Avant de repartir elle tenta, sans un regard pour le Bosco, préférant ne pas être ralentie par la vision de la plaie :

- Je vais chercher de quoi désinfecter en bas, je reviens vite.

Puis elle s’échappa d’un pas rapide. Retrouver le reste de ses affaires serait vite fait : elle s’avait où elle les avait mises. De même, les alcools et la longue vue devaient être là où ils les avaient laissés la veille. Vite !

[HRP] Escamotage [/HRP]

Pendant que le reste du groupe s'égaillait en tous sens, Cymbeline resta au côté du bosco. Autour d'elle, les marins avaient étonnamment acquiescé à l'ordre magistral d'Elindine et commençaient à s'affairer pour remettre un peu de vent dans les voiles.

Monsieur Sands continuait de grimacer mais il avait réussi à caler son dos contre des cordages et pouvait désormais regarder ce qui se passait alentour.

- Je... Aïe... Nous étions en train d'appareiller pour prendre la direction du port quand la vigie nous a alerté... Mais on comprenait pas.... ce qu'elle... Aïe. Bref, on a juste compris que ça craignait. Et puis le capitaine a vu arriver la vague et il a crié de larguer la chaloupe et de descendre. Il avait... L'air fou. J'allais vous chercher en cale quand il a empoigné le harpon. J'ai dû rester inconscient quelques instants...

Il regarda son flanc avec une grimace peu engageante.

- J'ai connu pire... mais on est pas bien. Faut rejoindre le port... Je vais barrer.

Ses propos étaient assez incohérents. Il essaya encore de se mettre debout, ce qui lui arracha un petit cri rauque et le fit abandonner.

- Cymbeline, Brisez la hampe du harpon pour pas qu'elle remue trop. Après faudra bien serrer avec un tissu pour pas que ça bouge trop. Faut pas l'enlever tout de suite sinon je vais pisser le sang... Et je pourrai pas... aider... Allez ! Pétez moi ça !

Cymbeline, quoi que circonspecte, s'exécuta. Une première fois, elle tenta de briser le bois... ce qui eut pour simple effet de cabrer le harpon et de le remuer dans la plaie, envoyant Sands dans des aigus en tremolo ! La seconde fois, elle s'y prit plus adroitement, bloqua le baton avec ses mains et poussa avec son genou. Bientôt, le bois craqua sans violence, se tordit et finit par céder.

Mais que pouvait bien faire Elindine ? Et Nedru ? Ou était-il encore celui-là ?

- Faudra m'amener à la barre, reprit Sands; faut faire vite. Le truc qui a frappé le bateau doit pas être loin. C'est pas bon ça. Vous voyez les autres ? Ou sont les autres ? Où est la chaloupe ?

Enfin, Elindine revint avec les bras chargés et les déposa à côté d'eux. Comment Cymbeline allait-elle donc utiliser ce que lui amenait la jolie bourgeoise ? Sands semblait moins lucide que la veille. Il lui faudrait sans doute être plus autonome. Qu'avait-il dit déjà ? Coincer le harpon mais pas le sortir ?

Derrière elle, Gerald venait se s'emparer de la lampe à huile et s'élançait vers les profondeurs du navire pour aider Einarr. Mais d'ailleurs, que faisait ce brave nain ? Comment pensait-il limiter la voie d'eau ?

Et Nedru ? Ayant fini ses investigations, que ferait-il ?

En tout cas, Nagash n'avait toujours pas reparu. Il devait en avoir, des affaires, pour trainer autant !

Cymbeline se sentait navrée de voir le maître d’équipage dans cet état. En tout cas, ses explications décousues ne lui en apprenaient pas beaucoup plus… Elle savait maintenant que les manœuvres pour rejoindre le port avaient été entamées plus tôt, sous les ordres du Bosco (et par conséquent, du capitaine). Tout semblait avoir dégénéré lors de l’intervention de la bête qui rôdait sous la surface des flots. Cette créature possédait-elle quelque don magique rendant les gens fous ? Pour ce qu’elle en savait, ce n’était pas impossible… Et cette théorie pourrait expliquer comment le Salamander s’était fracassé contre les falaises.

Mais… comment faire pour se protéger de la folie ? Et surtout… Pourquoi descendre la chaloupe plutôt que de se hâter de rejoindre le port ? La coque était-elle déjà fendue ? Et ce coup de Harpon… Un acte dicté par la folie, sans doute ? Ah, je donnerais cher pour aller fouiller chez ce cher capitaine… Je suis certaine qu’il en savait plus qu’il ne le disait.

Suivant les indications de Sands, Cymbeline procéda – non sans mal – à la fracture du Harpon, permettant ainsi au Bosco de retrouver un peu de mobilité. Puis, le temps qu’Elindine revienne avec des tissus propres, elle l’éclaira sur la situation :

- Monsieur Sands… Vos hommes sont partis avec la chaloupe. Le capitaine est avec eux. Ils nous ont abandonné ici… Nous et une poignée de marins. Quelque créature sous-marine les suit de près. À vrai dire, leur sort n’a pas l’air beaucoup plus enviable que le nôtre !

Lorsqu’Elindine revint, elle demanda son assistance pour déchirer un bout de drap et le nouer proprement autour de la blessure et le reste de harpon fiché à l’intérieur.

- Eli, pensez-vous pouvoir soutenir et accompagner Monsieur Sands jusqu’à la barre ? Je… suis un peu trop petite pour être vraiment efficace. Que fait Nedru ? S’il vous plait, on a besoin d’aide ici ! S’exclama-t-elle à la ronde. Attendez, je reviens.

Les marins étant occupés, Cymbeline fila sous le château arrière, dans le quartier des officiers. Elle hésita une seconde, puis tambourina à la porte du "mystérieux passager" et ouvrit la porte sans attendre de réponse [si elle s'ouvre... Sinon elle crie derrière] :

- Ohé, on a besoin d'aide sur le pont !

Tandis qu'il déballait des cartes maritimes et d'autres objets sans intérêt immédiat sur le bureau, Nedru se rappela qu'il n'avait pas le temps de se pencher sur l'analyse des divers tracés, et replia prestement l'ensemble, avant de le fourrer dans sa chemise. Il était en train d'essayer de forcer le dernier tiroir à l'aide d'un coupe lettre quand sa femme arriva chargée d'une paire de lampe, manifestement agitée. Sur sa demande, elle ouvrit en quelques secondes la cache récalcitrante, tandis qu'un mot de pouvoir allumait les lampes qu'elle tenait. Elle s'empara de draps dans la cabine avant de le quitter, en lui demandant de rejoindre la musicienne au plus vite. Je n'avais pas l'intention de retourner me coucher... Une relation de couple joviale, en soit.

Tout en parcourant des yeux la première lettre, il se dirigea vers le coffre, l'ouvrant d'une main tandis qu'il notait la première information d'intérêt à ses yeux. Le capitaine faisait ce trajet depuis 5ans et ne transporte rien d'une très grande valeur...

Les yeux sur la deuxième lettre, il mit un instant avant de se rendre compte que les effets qu'il déballait étaient composé de bien plus de sous vêtements et autres objets de dentelle que de chemises pratiques et de pantalons usés. Il prit le temps de détailler la beauté d'un corset en dentelle, comme pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, avant de reposer ses yeux sur la lettre. Après l'avoir relue, il conclut pour lui même :des objets fragiles dans la cale et un invité de marque. Monseigneur aux bagages nombreux, vous nous faites des cachotteries ? Voilà qui était déjà bien plus intéressant ! Il avait eu raison de s'intéresser au sort de ce passager ! Devenir l'ami d'un jeune riche était une priorité que l'adversité rendait plus accessible.

Jetant un coup d'oeil au fond du coffre dont le contenu gisait éparpillé sur le sol, il rangea les deux courriers dans ses poches, avant de lire le dernier, chargé d'une écriture qu'on devinait soigneusement fleurie. Et qui était également mystérieusement décachetée. Les remords d'un amoureux... Nedru soupira, mais avec un sourire presque doux. La complexité d'un individu comme le capitaine Teels, voilà ce qui le poussait à titiller toujours plus ses comparses ! Un ours fou d'amour, donc, un ours aux abois. Et étrangement... Il n'avait pas eu peur du trajet per se. Il avait eu peur du trajet, compte tenu du paiement qu'il avait reçu. Elindine me l'aurait dit si elle avait trouvé quelque chose d'intéressant dans les cales...

Restait donc le passager qui lui avait claqué la porte sous le nez. La vieille dame qui traversait la mer aurait peut être plus de choses à lui apprendre maintenant !

Alors que les cris sur le pont achevaient de soulever l'urgence de la situation, le sorcier tapota ses poches désormais bien remplies, avant de quitter la pièce. Une fois sur le pont, l'assaut de Cymbeline sur la porte du fils Kepesh lui donna une bonne raison de se joindre à elle, et il frappa du tranchant de son poing contre la porte.

À peine revenue des entrailles du navire et déjà remise à contribution de la tâche "infirmerie". Elindine ne retint pas une légère grimace en constatant l'impressionnante plaie et les épanchements sanguins généreux qui s'en échappaient. Elle aida tout de même, déchirant et pliant délicatement les draps à l'aide de sa dague qu'elle rangea ensuite pour mieux aider le Bosco à se relever. Ce n'était pas une mince affaire, l'homme était plus grand et plus massif qu'elle et sans être une frêle et jeune bourgeoise avec de la gelée en guise de biceps, elle était plus taillée pour la voltige que pour les charges lourdes. Surtout celles qui glapissaient de douleur à chaque mouvement.

C'est donc d'un pas incertain qu'elle tenta d'assister leur nouveau capitaine pour le faire monter à la barre. Elle avait beau prendre toutes les précautions du monde pour ne pas le faire souffrir inutilement, le harpon avait trop endommagé son flanc pour que ses muscles ne hurlent pas au supplice à chaque fois qu'ils avançaient. Voyant Cymbeline et Nedru tambouriner à la même porte, elle n'hésita guère avant d'appostropher son époux d'un ton qui trahissait son manque de patience :

- Nedru ! De l'assistance, s'il te plait !

Dans les profondeurs du navire, Gerald avait allumé la lampe et descendait aussi vite que possible jusqu'en fond de cale, précédé par le nain qui, malgré l'obscurité, fonçait comme un beau diable.

Lorsqu'il arrivèrent dans la pièce qui avait accueilli la nuit délicate de Gerald et Cymbeline, l'eau leur arriva soudain au niveau de la cheville... Et ils avaient beau s'y attendre, la situation rendait l'épreuve particulièrement inquiétante. D'autant plus qu'ils étaient incapables de dire quelle charge supplémentaire le Lady Diana allait pouvoir supporter. Seul point positif, l'eau ne pénétrait pas vraiment pas le fond mais par une brisure des boiseries au niveau de leur genou. L'avarie ayant eu lieu au niveau d'une poutre de soutènement et celle-ci ayant tenu bon, l'eau ne s'infiltrait qu'à petit bouillon.

Au bout de la cale, Gerald montra du matériel de petite réparation : Des planches et des planchettes, des clous, du goudron etc... Et quelques outils : Marteaux, scie, serre-joints...

Avec un peu d'imagination et de force, ils pourraient sans doute limiter la casse... Et la fuite. Mais ils savaient déjà qu'ils ne pourraient pas stopper l'hémorragie d'eau qui commençait à emplir le navire.

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Sur le pont, Elindine fit son possible pour aider le bosco à traverser le tillac et l'amener jusqu'au gaillard arrière où se tenait la barre. Au début de son périple, elle avait lancé un regard instinctif sur la chaloupe et avait vu une grosse forme aux reflets irisés se diriger vers l'embarcation juste au dessous de la surface. Au milieu de l'escalier du gaillard arrière, lorsqu'elle avait demandé de l'aide, son regard avait de nouveau croisé la chaloupe... Mais la forme n'y était plus... Et rien ne s'était produit si ce n'est que les fuyants se rapprochaient vraiment du sloop.

Au même moment, juste au dessous d'elle, Cymbeline et Nedru enfonçaient la porte de Nagash.

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Lorsqu'ils pénétrèrent dans la cabine, les deux voyageurs restèrent interdit. Pendant une fraction de seconde qui sembla fort longue, ils se figèrent sur le regard de Nagash. Celui-ci était assis au milieu de la cabine en tailleur et tenait dans les mains une sorte de boussole. Ses lèvres remuèrent encore une fois ou deux, la boussole se brisa...

Puis ils comprirent encore moins ce qu'il se passait. Avait-il disparu ? Avait-il été déchiqueté ? En tout cas ils entendirent un brut mat derrière Nagash et la fenêtre vola en éclats dans leur direction. Et ils ne virent plus la silhouette du jeune homme inquiétant, celle-ci étant remplacé par une énorme tentacule qui se projetait vers eux.

D'instinct, Cymbeline se jeta en arrière et roula-boula sur le côté, atterrissant sur le sol comme une crêpe... mais indemne. Nedru n'eut pas cette rapidité et le tentacule le balaya, l'envoyant valdinguer au dehors de la cabine en même temps qu'elle en broyait la porte.

Au même moment, les deux matelots qui accouraient vers Elindine pour aider le bosco s'interrompirent, complètement sidérés par la projection des deux passagers et l'explosion en éclats de la porte de la cabine.

Qu'est-ce qu'il se passait encore ? Une chose était sûre : il faudrait réagir rapidement et dans un contexte de très forte incertitude : rien, à l'instant présent, ne pouvait leur donner une indication précise de ce qui se passait sous l'eau, autour du bateau, ni même ce qu'était devenu le tentacule.... et ce qui s'y rattachait !

Tout se passa si vite que Cymbeline n’eut pas le temps de réfléchir au spectacle qui l’attendait derrière la porte. Le voyageur louche en tailleur au milieu de la pièce, une boussole dans les mains. Et puis ce fracas de verre, et cet horrible tentacule qu’elle parvint à éviter de justesse.
La musicienne, encore sous le choc, se releva précipitamment, puis se saisit de sa dague.

- La.. la bête… elle nous attaque ! Parvint-elle à articuler. Elle a des… des tentacules monstrueux ! L'un d'eux a brisé la fenêtre de la cabine…

Puis, effectuant quelques pas chassés sur le côté, elle se décala prudemment (vers le bastingage) pour tenter d’avoir un meilleur aperçu du monstre.

La porte s'ouvrit sur un spectacle qui n'avait rien pour rassurer l'antiquaire. Mais pourquoi ?

Putain d'enfoi..

Dans un fracas aussi soudain que brutal, une chose vola dans la direction des deux démarcheurs improvisés. Le brun s'en trouva soufflé en arrière, le choc dans son ventre bientôt remplacé par son atterrissage brutal sur le dos. Roulant en arrière juste à temps pour entendre les cris de Cymbeline, Nedru s'assura qu'il ne saignait pas, une main posé sur son ventre, puis tituba en direction de l'intérieur de la cabine qui venait de se faire saccager. Où était passé Nagash ? Et qu'avait-il fait ?!

Ses yeux cherchaient encore l’ombre irisée sous les vagues quand un gigantesque fracas la força à s’accroupir dans l’escalier. Sans égard pour la plaie du Bosco, elle fila jusqu’en haut des marches, désespérée d’atteindre la barre et un lieu en hauteur pour observer la scène en contrebas. Précipitamment, elle referma les deux poings du blessé autour du gouvernail, le regardant droit dans les yeux avant de filer jusqu’au bastingage.

- M. Sands, je reviens, je dois voir ce qu’il se passe !

En panique, elle laissa l’homme s’appuyer comme il le pouvait et chercha du regard son mari, Cymbeline, ou l’origine du tonnerre qui avait fait trembler le pont.

- Nedru ! Cymbeline ! Vous allez bien ?

Seule la voix de la barde lui parvint. Un monstre ? Des tentacules ? Elle jeta un coup d’œil anxieux par-dessus son épaule, puis en bas. Elle ne pouvait pas laisser le Bosco seul, mais pouvait-elle aussi laisser les autres passagers et des marins pétrifiés de terreur affronter une créature marine assez forte pour couler un navire ?

Cymbeline se pencha rapidement par dessus le bastingage pour regarder en dessous, mais l'inquiétude la tenaillait. Elle ne put se maintenir dans une position lui permettant de détailler les flots autour d'eux mais à première vue, elle ne vit pas de trace d'une forme massive aux abords du navire.

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Au sommet de la dunette, Sands s'agrippa comme il pouvait à la barre et cria aussi fort qu'il le pouvait :

- MATELOTS ! NE RESTEZ PAS LA BÊTEMENT ! DONNEZ UN MAXIMUM DE VOILE .... MAINTENANT !

Elindine hésitait entre retourner auprès de Cymbeline ou au rester au côté du Bosco. Elle avait le pied sur la première marche de l'escalier quand son intuition l'arrêta. Comme si elle sentait quelque chose derrière elle. Elle se retourna prestement au moment où un tentacule émergeait vigoureusement derrière le navire en s'agitant frénétiquement en l'air à quelques mètres seulement du dos de Robert Sands. Malgré la rapidité de l'action, une chose l'étonna : Il ne s'agissait pas d'un gros tentacule épais. Il ressemblait plutôt à une sorte de liane dense et longue se terminant par un ersatz de main sans dogit muni de ventouses.

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A l'entrée de la cabine, Nedru tenta d'approcher pour voir ce qu'il se passait. Son flanc ne saignait pas mais une douleur élançait son côté... Et une sensation étrange.

A l'intérieur de la cabine, le tentacule continuait de s'agiter dans tous les sens, détruisant tout le mobilier, rendant impossible d'y pénétrer de nouveau sans risque et difficile toute appréciation de la situation. Toutefois, Nedru aurait cru jurer qu'il n'y avait plus aucune trace de Nagash !

Instinctiment, il se massa la flanc et la substance gluante qu'il sentit l'étonna au point de jeter un oeil sur la zone d'impact du tentacule. Sa peau... Sa peau était en train de baver un liquide gluant et la couleur changeait rapidement pour une teinte vert d'eau. Paradoxalement, il avait l'impression que cette zone était desséchée... Mais il n'avait pas le temps de rêvasser ! Un tentacule s'agitait face à lui et son propriétaire, visiblement d'une monstruosité sans nom, n'allait pas rester inactif !

Qu'est ce que c'est que ça ?

Si le fait qu'un mucus sordide dégoulinait lentement de son ventre avait un côté assez épouvantable, Nedru n'en resta pas moins focalisé sur l'hideuse apparition qui saccageait la pièce qu'avait occupé l'intriguant aux cheveux longs. Faut-il attaquer un tel monstre ?

Reculant prudemment hors de portée de l'ouverture de la porte -puisqu'il avait pu déterminer avec une douloureuse précision que la bête était capable de frapper jusque là- le sorcier traça finalement un symbole simple qu'il envoya voler en direction du tentacule, manifestant son sort en prononçant avec une colère sourde :

- AGHMKOT !

Einarr arrivant dans la cale un peu avant Gerald pris les devants et commença à rassembler les divers outils et matériaux destinés à la réparation tout en essayant d'estimer à quel point ils pourraient colmater les fuites. “Ça me rappelle la bâtisse de Kris que le vieux bougre avait fait construire bien trop près d'une rivière souterraine. Je me demande ce qu'il devient…” Il se saisi d'un marteau —“Probablement comme tous les autres.” pensa t-il avec un rictus — et le tendis à Gerald qui venait d'arriver.

“T'es b’en plus agile qu’moi. C’l’age. J’t’laisse manier les choses. J’m’a t’dire quoi faire.” et commença à essayer de guider et d'instruire Gerald tout en participant autant que possible, tant bien que mal, pour calmer le liquide grimpant dans la cale.

C'est après plusieurs minutes de labeur qu'il entendit les bruits venant de plus haut. En sa langue natale, il marmonnât, “Mais qu'est ce qu'il font aftur. Descendre des voiles ça n'a pas l'air bien compliqué…” Puis vint le cri d'Elindine et l'expression du nain changeât. “P’tit, j’te laisse gérer. ’s’passe que’qu’chose d’pas net là haut. Fait ce qu’ tu peux et r’monte avec nous autres.”

Le nain tourna ensuite les talons et se mis a courir dans les escaliers en direction des cris. Il grommela dans sa barbe “Je sais pas ce qu'il se passe mais il y en a qui vont regretter de pas être resté à terre. Je peux peut-être plus tenir de marteau mais des baffes, ça je sais toujours faire.”

Une fois sur le pont il vit le tentacule étrange s'agiter sur le gaillard arrière. Son sang ne fit qu'un tour et il s'élança à l'assaut de la chose en hurlant “C’est pas bientôt fini ?”

HRP: Pour plus de clarté et de simplicité, si le texte est en italique, c'est du nain.

Un son, un souffle, quelque chose qu’elle pressentit plus qu’elle ne le sentit véritablement, l’alerta. Elle se retourna vivement pour assister au tentaculaire spectacle qui s’agitait devant ses yeux, à la fois surpris, dégoutés et quelque peu apeurés. Si elle avait hésité l’instant d’avant, toute forme d’atermoiement avait déserté ses gestes et les traits de son visage lorsqu’elle tira sa rapière pour défendre le Bosco. Elle fendit l’air, bondissant de l’escalier pour trancher l’appendice monstrueux et le pousser, au moins, à se rétracter, quitte à ne pas être coupé net dans l’assaut. Même blessé, M. Sands était probablement la personne la plus à même de les sauver sur ce maudit navire et si elle n’irait certainement pas jusqu’à utiliser son corps comme rempart, elle était prête à se battre.

Depuis le pont principal, la voix de Nedru jetant un sort lui parvint. Loin de la déconcentrer, elle se sentit rassurée quant à sa décision. Si son époux avait l’énergie pour la magie, alors c’est qu’il allait suffisamment bien. Entre la barre et le bastingage, elle prit une garde stable, défensive, concentrer tous ses sens sur cette chose.

L’intrépide halfeline ne se laisserait pas impressionner. Ce vulgaire mollusque finirait comme les autres : grillé au feu de bois pour le dîner ! Cet objectif louable en tête, Cy s’approchait gracieusement du bastingage pour repérer sa proie… Dans sa main serrée, Trinquamelle étincelait au soleil, riant de son prochain forfait. De sa courte vie de dague, jamais encore elle n’avait tranché de tentacule… Malepeste ! On ne voit rien par ici…

Scrutant les eaux à bâbord, Cymbeline ne parvint à distinguer le monstre. Pinçant ses lèvres de dépit, elle décida de prendre les escaliers, pensant avoir plus de chances de le repérer en hauteur. Elle avala donc les marches, reprenant son récit intérieur pour rendre sa montée plus palpitante.

S’élevant toujours plus haut dans les airs,
notre chasseuse songeait à la sauce qui garnirait son plat…
quand elle déboucha enfin sur le château arrière,
et se figea d’effroi devant ce qu’elle voyait là.

Serrant les dents, serrant les fesses,
Elle rangea Trinquamelle en vitesse,
Pour s’emparer de Pernicieuse l’arbalète,
qu’elle braqua ni une ni deux sur la bête.

Avisant Elindine qui tirait sa rapière, Cymbeline plaça un carreau dans son arme, et visa l’espèce de main munie de ventouses qui s’agitait dans les airs. Elle ne croyait pas vraiment faire mouche, mais voulait tout de même tenter sa chance, et se mettre en position pour protéger les arrières de sa consoeur. Juste au cas où. Après tout, Eli pourrait rater son coup, et cette chose pourrait la saisir et tenter de l'entraîner sous l'eau !

- N’ayez crainte, Monsieur Sands ! On vous protège ! Clama-t-elle au maître d’équipage. Concentrez-vous sur la barre !

Nedru sentit l'énergie se concentrer dans sa main, se structurer en une fraction de seconde puis jaillir à l'intérieur de la cabine en direction du tentacule. Impossible de dire si son attaque avait touché à son but car rien ne semble vraiment changer dans le comportement erratique du membre. Mais après quelques brèves secondes, ce dernier se figea avant de battre en retraite, laissant une pièce vide et dévastée.

Derrière lui, Nedru entendit maugréer. Aucun doute à avoir, Einar venait de revenir sur le pont et était désormais juste en bas de l'escalier de gauche conduisant au sommet du gaillard arrière.

Au dessus, les choses étaient bien compliquées. Après avoir tenté de pourfendre la créature sans succès, Elindine s'était figée dans une position défensive, prête à défendre sa position au moindre danger. Ses sens étaient tout entier en alerte, comme décuplés. Elle scrutait l'étrange forme mouvante qui s'agitait lentement sans attaquer. Un instant, il lui sembla que, bien qu'elle n'ait pas d'yeux, la forme tentaculaire les observait, les analysait et étudiait son environnement. Elle avait entendu arriver la barde sans vraiment s'y intéresser mais son chant avait pénétré son esprit.

Un sifflement à son oreille gauche. Comme un tout petit air sur sa joue. Un carreau d'arbalète venait de la frôler pour se loger en plein milieu du tentacule qui se mit à frétiller.

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Pendant quelques secondes à la suite de ces évènements, les voyageurs furent pris d'un bourdonnement et d'une sensation étrange, comme si des griffes enserraient leur crâne et même se glissaient à l'intérieur. Puis ils sentirent se relâcher l'étreinte sur leur esprit.

C'est alors que le nain entendit du mouvement derrière lui et se retourna. Pailletif ? Oui, le marin semblait venir les aider armé d'un bâton... Ah non ! En fait, Pailletif, le regard fou, était en train de lever son arme pour tenter de l'écraser sur le crâne du nain ! Mais celui-ci échoua lamentablement en manqua même de s'écrouler au sol, laissant à Einar le loisir d'une attaque réflexe. L'énorme paluche du nain vint décrocher la machoire du chétif marin qui recula d'un pas sous l'impact !

De l'autre côté du pont, un autre marin était en train de courir en direction de la dunette arrière mais seuls Nedru et Cymbeline ne comprirent la situation, Elindine étant trop concentré sur l'horrible forme... Qui venait à l'instant de se dédoubler ! Un second tentacule avait en effet émergé de sous la coque par le flanc du navire.