Fort Ardraco (Scénario d'Ed Greenwood)

Le barde commença à échaffauder un plan pour sécuriser leur entrée dans la pièce tant convoitée si cette option était retenue. Il avait une idée d'où positionner les tireurs et avait un petit tour de passe-passe qui permettrait d'ouvrir la porte à distance pour éviter les mauvaises surprises... Oui, tout était prêt à ...

- Heu... Tylooka, attendez j'ai une... idée...

Les mots moururent dans la bouche du barde et il s'apprêta déjà à voir leur inconscient compagnon débité comme un jambon dessalé, mais rien ne se produisit. Seule la lumière fantomatique des flambeaux qui traversait l'encadrement et dorait la silhouette draconienne.

Après un regard circonspect à Sam, et une moue de circonstance, Nizam emboita le pas du guerrier, mu par son inextinguible curiosité. Les dimensions de la pièce et sa forme faisaient résonner leurs pas et les aléas des flambeaux faisaient tourbillonner des ombres inquiétantes, mais tout restait calme.

S'approchant de Tylooka, le barde se laissa aller à discourir sur les lieux :

- Étonnant ! Les aménagements actuels de cette pièce en font le nœud défensif du fort. Tout est prévu pour soutenir un assaut. en fouillant un peu, je suis sûr qu'on va trouver des dépendances... lieux d'aisances etc... Mais quelque chose me dit que la défense n'est pas sa fonction initiale. Tout cela a été ajouté récemment.

Il eut du mal à savoir si ses propos intéressaient le drakéide, son langage corporel restant souvent énigmatique. Il attendit donc de voir si d'autres compagnons les rejoignait pour leur faire part de la suite de ses réflexions.

Une fois de plus Tylooka avait tranché. Il fallait continuer à leurs risques et périls. Heureusement, pour une fois, il ne s'était rien passé. Plusieurs options s'offraient à Sam maintenant :
- fouiller les corps
- fouiller les tas d'affaires
- fouiller le reste de la pièce
- se frayer un chemin vers la liberté

Cette dernière idée fit balancer son cœur et sortant de sa cachette d'encoignure de porte, il passa devant tout le monde, bien décidé à aller déverrouiller une trappe leur permettant de s'ouvrir une porte de sortie en cas de pépin. La montée fut éprouvante car 10 mètre avec son paquetage était bien physique comme ascension.

Il plaqua son oreille contre la plaque de bois afin de savoir si un comité d'accueil pouvait les attendre [Perception + Chanceux] . N'entendant rien il s'activa à ouvrir le verrou et passa une tête pour voir si la voix était réellement libre. Une fois cela fait il se mit en position pour être discret depuis son promontoire au cas où du grabuge pointerait bientôt [Discrétion critique].

Sam put ouvrir facilement le loquet qui fermait la trappe. Il dût prendre appui sur le garde corps, mais il put ainsi déboucher sur la grande salle d'entrée. Le système était ingénieux et il comprit qu'ils avaient eut de la chance de s'en sortir lors de leur arrivée.

Il se fit discret, inquiet de tomber sur d'autres bandits qu'ils n'auraient pas vu... pourtant, aucun bruit ou mouvement suspect ne l'averti d'une visite inopportune.
Ils étaient seuls... du moins pour le moment.

En bas, ses compagnons s'activaient. Nora avait rejoint les caisses empilées au fond de la pièce et fouillait avec empressement. Tylooka l'avait d'ailleurs rejoint et s'était joint à son activité.
Enfin, le prêtre s'était approché des corps et semblait observer leurs blessures.

- J'ai trouvé ! s'écria soudain Nora en ouvrant une énième caisse et en faisant sursauter tous le monde.
" Mais affaires, là ! Fit-elle triomphante, en ignorant visiblement l'importance d'être discrète.

Au même moment Elëwin, qui s'était agenouillé pour mieux étudier leurs victimes, tomba en arrière avec un cri de surprise.
Un rat venait de sauter de sous la tunique d'un bandit et se mit à courir en tout sens, jamais trop éloigné des corps... comme s'il rechignait à les abandonner.

Nizam était resté planté un bon moment au milieu de cette pièce étonnante. Elle évoquait en lui un passé sinueux où alternait l'austérité d'une pitié puissante et les nécessités défensives des temps difficiles... Une pièce qui pouvait suffire pour composer un sonnet haletant... ou inquiétant... ou simplement grave.

Le cri de Nora le tira de ses pensées. Rien de grave visiblement. Elle avait retrouvé son cartable. De nouveau aux aguets, Nizam reprit ses déplacement à travers la salle pour rejoindre Sam sur la plateforme. Une partie de son esprit avait laissé sa vision périphérique suivre les mouvement du petit homme agile pour ne pas le perdre de vue.

- On ne devrait pas trainer ici, souffla-t-il au prêtre et à Bran lorsqu'il passa à leur portée.

Arrivé en haut des marches, il se signala discrètement à Sam pour ne pas risquer de faux mouvement. Lorsqu'il fut sûr que Sam l'avait repéré, il se colla à lui pour avoir la même perspective sur la salle du dessus et chuchota à son oreille :

- Tout est désert. Tous ces cadavres... comme si on avait massacré leur armée, qu'ils l'aient gentiment rangée en ligne avant de partir. C'est très inquiétant. Le danger viendra sans doute de sous nos pieds.

Nizam fit un petit mouvement pour regarder en dessous sans s'écarter de son ami :

- Il faut qu'on se replie pour reprendre des forces dans un endroit bien caché. Je vais faire signe aux autres de nous rejoindre. Vois si tu peux dégonder la trappe pour réutiliser cette issue à notre retour.

Et, se coulant un peu plus bas sur la passerelle, le barde fit signe à ses amis de le rejoindre.

Heureux d'avoir dégagé une sortie pour tout son groupe, Sam n'était pas peu fier malgré l'appréhension de ce qui pouvait se découvrir en ouvrant la trappe. Aucun danger cependant c'était donc encore mieux !

Il est vrai que le groupe n'était pas en bonne posture et outre les affaires de Nora, l'exploration n'était plus utile vu qu'il était dur de pouvoir dire que les disparus du village étaient encore en vie.. L'halfelin acquiesça donc aux propos de Nizam sur le fait de prendre du temps pour se remettre et encore plus si c'était ailleurs qu'ici. Il se permit de répondre :

- "Et pourquoi ne pas retourner au village ?"

Mais l'homme d'art était déjà en train de dire aux autres de revenir. Le petit être espérait vivement que le barde serait entendu et convaincant. Le temps que tous réfléchissent et montent pour rejoindre la surface, Sam en profita pour s'exécuter et éviter que l'on puisse refermer cette issue. Vu que sa qualité première n'était pas la force, il demanda de l'aide à son camarade.

Bran avait suivi docilement ses compagnons, tout en se tenant dans une configuration ou il risquait le moins d'être surpris ou prit au dépourvu.
Il suivait attentivement du regard les allées et venues des un et des autres, restant sur le qui-vive. Malgré tout, par trois fois il fut surpris par les cris soudains de Nora et Ellewin ainsi que les paroles de Nizam qui passa près de lui sans pour autant chercher à se faire discret.

*Je dois vraiment commencer à fatiguer, je manque clairement de vigilance.... *

Observant le demi homme et le barde, il fronça légèrement les sourcils quand ce dernier lui fit signe de le rejoindre. Il se glissa doucement vers ce dernier, le rejoignant sous la passerelle.

Au moins trois membres du groupe semblaient d'accord pour quitter les lieux et retourner au village... D'ailleurs, Tylooka, si prompt à engager le combat, ne se fit pas prier pour les rejoindre. Malgré les soins qu'il avait reçu, il sentait qu'il n'était pas au meilleur de sa forme.

- Attendez, j'arrive ! fit-il en montant les échelons quatre à quatre.

Le prêtre quand à lui, alors qu'il se relevait, observa avec intérêt l'animal à ses pieds. Un peu plus calme, le rat s'était perché sur le corps d'un homme et fixait l'elfe en retour. Elëwin interpela ses compagnons, reculant pas à pas.

- Il est bizarre ce rat vous ne trouvez pas ? C'est comme s'il avait été apprivoisé et qu'il ne voulait pas abandonner son maître !

Nora, qui avait finalement récupéré son équipement et ajustait son sac à dos, se tourna vers le spectacle, curieuse de la déclaration du prêtre. S'agenouillant à quelques mètres, elle arracha un bout de viande séchée et le tendit du bout des doigts vers l'animal. Elle attira son attention avec un léger bruit des lèvres...

Le rat hésita quelques secondes, puis fit mine de s'approcher... très lentement.

Les autres auraient-ils la patience d'assister à cet étrange scène, ou allaient-ils les enjoindre à se dépêcher de quitter les lieux ?

Mais on va jamais partir !

Le barde semblait revivre son enfant quand, dans le palais de son père, se préparait un départ pour une autre ville. Tout prenait un temps infini et il y avait toujours quelqu'un pour signaler qu'on avait oublié ceci ou cela... épuisant. Voilà au moins une chose qui ne lui manquait pas... et qu'il retrouvait en plein milieux d'une ruine maudite ! L'ironie du sort.

- Elëwin et Nora ont décidé de faire des tours de magie avec des animaux maintenant ! Chuchota-t-il à ses compagnons les plus proches d'un air dépité.

En même temps, il se dit que si l'attitude de ce rat était si étonnante, il devait peut-être y avoir de la magie derrière.

- Vous pouvez monter la garde ? fit-il à ses trois acolytes. Je vais vérifier un truc et rameuter nos derniers compères.

Discrètement, mais en pressant un peu le pas, il redescendit jusqu'au rat en question et, utilisant les ressources de la voix, il essaya de passer en revue le cadavre, puis le rat qui semblait le garder, pour savoir si quelque procédé magique était à l’œuvre. Etait-ce une sorte de familier ? Le cadavre était-il celui d'un magicien ? Il en profita aussi pour étudier les traits de l'inconnu allongé.

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HRP tests :
Arcane sur Cadavre = 1+4 = 5 (!!!)
Arcane sur Rat = 8+4 = 12
Investigation sur cadavre = 13+4 = 17

Nizam eut beau scruter et analyser les tours et contours du rat et de son ancien maître, il ne décela aucune magie ou magicien... Cet homme n'avait pas la magie inscrite sur le visage en tout cas. Peut-être avait-il tout simplement apprivoisé la petite bête et elle ne voulait plus le quitter ? Ou il avait des morceaux de fromage caché dans ses poches ? Allez savoir !

Prenant la présence du barde comme un assentiment à son étude attentive, Elëwin s'adressa à lui sur le ton de la conversation :

- Surprenant n'est-ce pas ? fit-il en désignant le rongeur.
" Croyez-vous qu'il nous faille l'adopter à notre tour ?

Et sur ces mots, il farfouilla dans sa sacoche pour en sortir un bout de viande séché, le posant devant lui. Il accompagna le geste d'un petit bruit de la bouche, pour l'encourager.
Après quelques hésitations, l'animal attrapa la nourriture proposée et retourna sur son maître pour la grignoter.

Sam voyait que pendant que lui s'affairait à éviter les soucis, d'autres semblaient se jeter dedans... Tout le monde avait l'air d'être obnubilé par un rat, était-ce sa petite taille ? Et dans ce cas là l'halfelin pouvait être vexé de se voir détrôné. Son pelage ? Le goût que cela avait dans un plat mijoté ? En tous les cas il n'en avait que faire de cet animal.

Bon, encore une fois quelque chose venait perturber l'idée initiale... Mais que faire maintenant ? Attendre... Jusqu'à ce qu'enfin tout le monde se dirige vers la charette. En attendant, il regardait la scène avec impatience.

Le rat, qui avait terminé son repas, choisit alors ce moment pour avancer vers Elëwin, hésitant, comme pour vérifier qu'il n'avait rien d'autre pour lui. Il se dressa sur ses pattes arrières et renifla l'air, curieux... Un échange entre le prêtre et Nizam plus tard et voilà que l'aldaron détachait son sac à dos qu'il posa à terre devant lui, présentant le reste de la viande séchée au rat, qui montra aussitôt son intérêt. Le prêtre le laissa tomber dans le sac à dos, par l'ouverture.
Sans hésiter, l'animal se précipita et après une courte escalade le long du cuir du sac, il suivit la nourriture... pour ne plus réapparaître.

C'est à ce moment là qu'une idée de recette vint à l'esprit de Sam qu'il appellerait "Art, des rats & co". Cependant sa rêverie fut courte car il remarqua que tout le monde venait vers lui ! Comme si le dernier verrou avait disparu ! Quelle joie ! Il fut donc le premier à sortir par la trappe voulant insuffler un nouvel élan pour revenir vers leur moyen de locomotion.

Décidé à vider les lieux, le groupe utilisa la trappe ouverte par Sam.
Ils débouchèrent bien dans la grande salle, face à la statue mi-humaine, mi-dragon qui les avait accueilli à leur arrivée... ainsi que quelques fanatiques !

Ils passèrent à côté des corps des victimes des bandits, puis sur l’impressionnant pont sans parapet, taillé à même la roche. Là, devant eux, après la barbacane, ils devinaient la clairière où ils étaient arrivés en charriot. Les chevaux s'y trouvaient-ils encore ? Devraient-ils rentrer à pied ?
Sur leurs gardes, ils avancèrent aussi vite qu'ils osèrent, cherchant à repérer la plateforme de surveillance, ou les cages qui avaient retenu les gardiens monstrueux jusqu'à leur arrivée...

Enfin, après ce qui leur paru une éternité, ils parvinrent à destination. Là, les vaches paissaient tranquillement, profitant des dernières lueurs du soleil, en cette fin d'après-midi. Mais... et les... Oui ! Les chevaux de traits aussi étaient là, sous l'ombre des frondaisons, pour mieux lutter contre les assauts des insectes, certainement.
Bien ! Ils allaient pouvoir les atteler et prendre le chemin du village.
Si les dieux étaient cléments, ils serraient arrivés pas trop tard dans la nuit... Pourtant, cela voudrait dire avancer sur un chemin mal entretenu, dans l'obscurité ?

Apparemment, Elëwin avait anticipé. Lorsqu'ils attelaient les chevaux, il demanda de l'aide pour attacher une branche à l'avant du charriot. Après une courte prière, une douce lueur nimba une pomme de pin, disposée en haut du bâton. Les ombres naissantes se dissipèrent sur une dizaine de mètre autour du chariot.

- Au moins les chevaux pourront progresser sans danger... Même si cela veut dire, être visible comme un phare dans la nuit !
" Qu'en pensez-vous ?

[Repos court possible - Distribution des points d'expérience]

Bran était vraiment dubitatif en observant le prêtre qui semblait en pleine discussion avec.... Un rat ?
Secouant la tête avec amusement, il reporta son attention sur les autres afin d'observer tour à tour leurs réactions.

Finalement, le groupe entreprit de quitter les lieux. Bran les suivit tout en couvrant leurs arrières. Tandis qu'ils repassaient dans les pièces qu'ils avaient explorés quelques heures auparavant, il ne pouvait s'empêcher de repenser à ce qui s'était passé en observant les corps sans vie qui gisaient à terre.
Ils quittèrent le fort en ruine et Bran pût respirer un air moins chargé de l'odeur de mort et de pourriture.
Il éprouva un grand soulagement intérieur quand il retrouvèrent leurs montures près de la clairière où elles étaient harnachées.
Sur le chemin du retour, même s'il était soulagé de quitter les lieux, il ne pouvait se séparer d'une certaine angoisse. La route était encore longue avant de rentrer au village et qui savait ce que pouvait leur réserver encore le chemin....

Nizam poussa un soupir lorsqu'ils émergèrent de la barbacane. Il régnait dans cet endroit une tension impalpable qui le mettait la mal à l'aise. Le barde aida le prêtre à atteler les chevaux et s'installa à côté de lui lorsque tout fut paré... même la lanterne.

Les chevaux lancés, il demanda à Tilooka de sortir de ses affaires l'armure noire qu'il lui avait demandé de ranger afin de pouvoir l'observer de plus près, au calme. Il tira aussi sa bourse pour en tirer le doigt dégouttant encore de sang qu'emprisonnait l'anneau où il avait lu les runes. Le soir tombait mais il espérait pouvoir profiter des derniers rayons et de sa vision de demi-elfe pour percer les secrets.

- Dites-moi Elëwin, vous devez vous y entendre aussi bien que moi sur les arcanes. Regardez cette bague. J'y ai repéré la rune "Arrêter" et "pensées" mais je ne comprends pas tout et je m'interroge sur l'interprétation. D'après-vous, est-ce un outil qui permet de protéger le porteur d'attaques sur son esprit ? Ou bien penchez-vous pour quelque chose de plus malsain et d'un objet qui emprisonnerait l'esprit de son porteur, le mettant à la merci d'une force supérieure ?

Il sourit en voyant son compagnon encombré :

- Evidemment, je peux tenir les rennes... s'il n'y a rien de compliqué à faire.

Une fois que Tilooka aurait sorti l'armure, il aurait tout le temps de l'étudier elle aussi avec l'aide du serviteur du Façonneur. L'anneau lui semblait plus important pour le moment.

Elëwin, qui s'était placé à l'avant pour guider les chevaux, se retourna pour voir son interlocuteur. Faisant des aller-retours entre le chemin et l'objet qu'on lui montrait, il essaya de réfléchir à la question... Finalement, il acquiesça à la proposition de prendre sa place et rejoignit les autres à l'arrière, pour mieux étudier l'anneau.
Après quelques instant, il rendit l'objet au barde, un peu précipitamment.

- J'ai bien peur que ce soit la deuxième option ! expliqua-t-il.

Puis, modulant sa conclusion, il ajouta :

- Bien sûr, je suis loin d'être un expert dans le domaine... et l'étude d'un pratiquant de l'Art serait plus à même d'en juger.

Pendant ce temps, le drakéïde avait sortit l'armure de la défunte cheffe, la confiant un peu à contrecœur à l'étude du prêtre. A la lumière de son sort, il la retourna en tout sens pour y chercher des inscriptions ou tout autre indice d'un quelconque pouvoir caché. Finalement, il la reposa devant lui...

- Une armure de cuir, tout simplement ! fit-il, une pointe de déception dans la voix.
" Bien entretenue et de bonne qualité, certes. Mais cela reste une armure de cuir...

Sur le qui-vive, les aventuriers eurent l'impression que ce voyage de retour prenait une éternité. La forêt alentour les assaillait d'infinis hurlements et craquements effrayants, mettant leurs nerfs à rude épreuve. Le voyage aller ne les avait pas préparés à celui-ci où la fatigue accumulée de leurs combats et l'oppression de la nuit se mêlaient.
Se faisant, Elëwin eut fort à faire pour maîtriser les chevaux, tout aussi nerveux qu'eux.

Ainsi, lorsqu'ils furent en vue du village, la nuit cédait doucement la place aux lueurs mordorées des premières heures du matin. Ils étaient épuisés, les muscles endoloris par la tension accumulée. Le silence régnait dans les rues, où seules les fumées paresseuses de quelques cheminées témoignaient de la présence humaine.

Où allaient-ils aller ? Devaient-ils faire leur rapport au temple auprès du grand prêtre ? Un repos à l'auberge de Georges s'imposait-il ? A moins qu'ils préfèrent chercher la bâtisse des autorités locales ?

Sam avait été la vigie arrière de leur carrosse. Il est vrai que c'était l'endroit le moins bien éclairé de leur attelage mais il fallait protéger tous les côtés et une écoute attentive était déjà un gage de sécurité.
Plusieurs fois l'halfelin sorti son arme croyant que quelque chose allait sortir de la pénombre mais il s'avérait que c'était toujours une erreur. Il s'en voulait de ne pas être meilleur dans ce domaine de sécurisation.
Ce trajet très éprouvant psychologiquement trouva cependant un dénouement heureux. C'est pas très frais qu'il descendit du charriot et son cœur balança entre retrouver l'auberge et dormir ou faire son rapport à Elimith.

"Chers compagnons, je suis tiraillé sur la suite à donner à notre voyage. Allons-nous nous reposer dans notre hôtel, je pense qu'il y aura de la place pour nous tous, ou bien aller voir Elimith afin de lui dire que malheureusement nous n'avons pas retrouvé ses hommes ? De sûr ce dernier saura quoi faire pour améliorer la situation au fort pendant que nous dormirions afin de reprendre des forces".

Sur ces derniers mots le petit homme fit craquer son coup afin de mêler les paroles aux gestes et montrer que son corps était sens dessus dessous.

Assis à l'arrière de la cariole, Bran surveillait leurs arrières. Arc en main et flèche encochée, même s'il n'avait pas bandé l'arc, il avait la sensation que la corde lui rentrait dans les chairs. La fatigue était là et chaque muscle de son corps meurtri semblait lui rappeler les épreuves qu'ils venaient de traverser mais il luttait comme il le pouvait contre le sommeil.
Il écoutait d'une oreille distraite les conversations autour de lui, son attention concentrée majoritairement sur ce qui se passait au dehors. Chaque bruit, chaque mouvement que le vent causait semblait suspect et mobilisait ses sens ce qui ajoutait à la fatigue physique, la fatigue mentale.
A l'annonce de l'arrivée au village, ce fut comme si on lui avait retiré un sac chargé de pierres de ses épaules. Il se permit même de pousser un large soupir avant de s'affaler dans le chariot en baissant la tête. Il l'a releva à l'écoute des Paroles du semi-homme, contemplant le visage fatigué de ses compagnons.

- Si vous voulez mon avis, nous devrions aller nous reposer avant d'aller voir qui que ce soit. Il ne devrait rien se passer pour cette nuit et un peu de repos nous permettra de récupérer physiquement et mentalement, nous aurions ainsi les idées claires avant d'aller discuter avec les autorités.

Les autres membres du groupe, Nora, Elëwin et Tylooka, n'étaient pas bien plus frais que les autres. Ils avaient eux aussi fait la route sur le qui-vive et la proposition de Bran fit écho à leur fatigue.

Au-delà de la tension accumulée lors de leur exploration, ils semblaient préoccupés par d'autres choses. Pour le moins, pour l'une d'entre eux.
En effet, la rôdeuse attira l'attention des autres par un raclement de gorge et un regard pour le moins solennelle.

- Après ce moment de repos, je vais devoir vous laisser... J'ai à faire à la Cité Franche et je n'ai que trop retardé mon arrivée.
" Je vous serais éternellement reconnaissante de m'avoir sauvée des griffes de ces cultistes fous et si nos chemins se croisent à nouveau, sachez que je saurez trouver le moyen de payer ma dette !

Contrit, Nora n'en dirait apparemment pas plus et n'abandonnait ses compagnons qu'à contre coeur. Elle laissa quelques secondes pour encaisser avant d'enchaîner.

- Vous me trouverez au quartier des Nuées si vous me cherchez...

Le drakeide fut le premier à briser le silence qui suivit. Il poussa un soupir qui tenait plus du grognement, et qui fit sursauter Elëwin.

- Moi aussi, je vais vous quitter ! Ces histoires de culte, j'aime pas...
" Si je continue, je vais y laisser mes écailles...
" Et contrairement à ce que vous pensez, j'y tiens !

Un nouveau grognement semblait marquer la fin de son discours et couper court à toute protestation.

L'ambiance, déjà pas très joyeuse, était plutôt glaciale. Les regards se croisaient, se demandant si c'était déjà là la fin de leur groupe de fortune, construit par la nécessité et dans la douleur...

Elëwin, prenant la parole à son tour, le regard déterminé, mis fin à la série de défections.

- Cette histoire n'est pas terminée ! Les villageois enlevés n'ont pas été retrouvé et cette affaire de cultiste pue à plein nez...
" Que ce soit avec vous ou avec les autorités locales, je démêlerait ce mystère ! Qui me suit ?

Contrairement à ses compagnons, Nizam s'était mis à somnoler sous cape au cours du voyage. Il espérait qu'aucun geignement n'avait trahi son secret car il s'en sentait un peu honteux. Pour autant, il était tout sauf reposé. Il se languissait d'une chose : un bain chaud où s'endormir avant de se laisser vaguement flotter jusqu'à des édredons moelleux et épais.

N'empêche que Sam avait raison d'hésiter : S'ils prévenaient l'homme d'Eglise dès maintenant, celui-ci aurait le temps de réfléchir. Il ne savait pas pourquoi mais il avait l'impression que le danger continuait de les guetter. Il se sentait épié et ne serait pas tranquille, où qu'il aille, tant que les démons qu'il avait discernés dans les profondeurs ne s'en seraient pas retournés dans leur plan foireux.

- Moi, j'ai sommeil... fit-il d'une petite voix pâteuse, mais je serais d'avis de retarder un peu cette étapepour prévenir le grand prêtre... quitte à se lancer ensuite dans une grasse journée ! Et puis, il n'est peut-être pas la peine de nous y rendre ensemble. Disons qu'on pourrait y aller à deux... ou trois ?

Et en attendant la réponse définitive, il se laissa aller à quelques vagues arpèges pour se tenir éveillé. Et ce faisant, il chantonnait :

Ses écailles... il y tient,
Et pourtant, on voit bien
Que sa fougue furieuse
Que sa fougue vengeuse
Le conduira au trou
Le conduira ... au clou