Le festival de Blum

Miran ne demanda pas son reste une fois les réponses obtenues et les consignes données. Il y avait un temps pour tout et pour l'heure c'était l'action, plus aux questions. Il se hâta d'aller dans la soute pour commencer à déplacer les caisses en dégageant les plus petites présentes devant les plus grosses. Pendant qu'il faisait cela il repensa que pour certaines c'était lui qui les avaient portées. S'il avait su...

Mais une autre question lui vint rapidement, combien fallait-il en passer par dessus bord ? Toutes étaient peu être utopique et surtout un peu frustrant pour Diégo qui semblait beaucoup y perdre. Incapable de choisir Le guerrier posa la question à voix haute pour maximiser les personnes capables d'y répondre et surtout pour surpasser le bruit ambiant.

- On en jette combien ?

Apparemment, leur intervention avait fait pencher la balance... mais Grenat ne comprenait toujours pas de quoi il s'agissait en fin de compte. Ils parlaient de la cargaison, de son importance... D'une arme qui pouvait se réveiller ? On parlait de quoi là ? De puissantes créatures endormies par magie ?

La drakeïde secoua la tête, chassant ses noires pensées alors que les autres prenaient déjà la direction de la cale.
Elle suivit leur exemple et se retrouva devant les fameuses caisses avec une certaine appréhension. Instinctivement, elle repérait celles qu'elle avait transporté, essayant de se souvenir de signes qui auraient pu lui mettre la puce à l'oreille... une répartition du poids inhabituel, un son ou une odeur ?

Le cri de Miran la tira de ses réflexions et elle se rendit compte qu'elle n'aidait pas vraiment les autres.
Attrappant la première à sa portée, elle suivit le mouvement, inquiète malgré tout et guettant le moindre signe en provenance de sa charge.

Kerri rentra dans la cale, et balaya la pièce du regard. Grenat et Miran étaient déjà là, ainsi que quelques membres d'équipage. Jetant un oeil aux caisses, elle estima qu'elle serait plus utile à déblayer les petites caisses qu'à porter les plus lourdes. Annonçant à vois haute qu'elle s'occuperait des petites caisses pendant que d'autres plus costauds se chargeraient des chargements plus délicats, elle ne pouvait s'empêcher de se demander quelle menace dormait là sous leur yeux.

Cacahuète mit plus de temps que les autres à réagir. Elle se mordit la lèvre inférieure pour cette nouvelle marque de faiblesse. Lorsque la situation lui échappait, il lui arrivait fréquemment de rester les bras ballants à réfléchir plutôt que de passer à l'action. Le court échange d'informations résonnait encore à ses oreilles.

« J'ai tout sacrifié pour cette mission ! », « Il ne faut ABSOLUMENT pas réveiller ce qui y sommeille. », « Si Le Théâtre sombre », « Le plus important, c'est ce que tu sais  », « Et si l'une des armes se réveille... Ne l'affrontez pas. », « Il ne faut ABSOLUMENT pas réveiller ce qui y sommeille. »

Tana était maintenant seule avec Diégo. Fronçant les sourcils, elle s'adressa à celui-ci, non sans avoir jeté un œil dans le couloir au préalable pour s'assurer qu'il était vide.

- L'Organisation fait dans le trafic d'armes vivantes à présent ? C'est une première ou je suis tristement mal renseignée...

Une atmosphère lourde flotta dans l'air quelques secondes. Malgré tout, Diégo n'avait pas l'air droit dans ses bottes. Il ne ressemblait pas à un sale type. A voir son air dépité, la gnomide avait juste envie de le serrer dans ses bras pour le consoler. Elle se reprit vite, jugeant qu'il serait mieux rassuré par des actions plus utiles.

- Je fais confiance à Le Directeur, alors je te ferai confiance à toi aussi. De toute façon, quelque-chose me dit que j'apprendrai le fin mot de cette histoire avant d'arriver dans les îles éoliennes.

Tana tourna le dos à son interlocuteur et se dirigea vers les cales. Juste avant de sortir de la pièce, elle lui jeta quelques excuses tardives.

- Pardon pour l'interruption impromptue. On ne m'a pas vraiment laissé le choix.

Sur ce, la magicienne se lança au pas de course apporter son aide avec le déchargement. Ses petits bras ne serviraient pas à grand-chose, mais elle comptait bien compenser par la gestion de la logistique. Elle haussa le ton juste assez pour se faire entendre de tous dans la cale.

- Si vous permettez, je vais vous indiquer les caisses dont on devra se débarrasser d'après moi. Commençons déjà par les dégager. Le Directeur confirmera la sélection.

Cacahuète avait confiance en ses déductions précédentes et avait une excellente mémoire. Elle savait exactement quelles caisses déplacer. Elle en fit une description sommaire aux personnes présentes en les pointant du doigt.

- Il faudrait regrouper ces petites caisses dans ce coin là. Elle ne nous gênerons plus et on pourra les attacher avant de s'attaquer au gros morceau.

Tana balaya la salle du regard, réfléchissant à toute vitesse aux moyens qui s'offraient à eux pour optimiser le procédé.

- Et faites gaffe à éviter les cris et chocs en tout genre. Vu le discours du capitaine, m'est avis que c'est dans notre intérêt à tous.

« Il ne faut ABSOLUMENT pas réveiller ce qui y sommeille. »

Dans la cale, Glatus ne tarda pas à arriver comme il lui avait été ordonné plus tôt par Le Directeur. Miran l'entendit répondre dans son dos, passant devant lui en relevant les manches d'une fine chemise. Sa brigandine enlevée, on se rendait mieux compte d'à quel point sa carrure était solide.

- Il faut se séparer de tout ce que Diégo a ramené, répondit-il de son accent beaucoup plus flûté que son physique ne le laissait penser.

Comme il se rendait compte que les manutentionnaires improvisés n'avait pas encore totalement compris ce qu'ils devaient décharger, il désigna certaines cargaisons de bois, de celles qui ne portaient absolument ni emblèmes, ni marquages particulier. Pas de dates non plus tracées à la craie, rien. Seul le rescapé de Lautaunac comprit ce que cette unanime virginité signifiait : ces caisses avaient toutes été conçues récemment au lieu de naviguer d'un commerce à un autre, par des gens préférant rester discrets. Fait contradictoire amusant : cela sautait aux yeux une fois qu'on s'en était rendu compte.

Comme Kerri et Grenat faisaient de la place pour libérer le passage pour les plus lourdes caisses, une évidence leur sauta aux yeux : il fallait malheureusement être -au moins- deux pour porter leurs funestes colis. Puisqu'ils étaient quatre sans compter le demi-orc, ils avaient le choix d'en prendre un maximum afin de les livrer au vide le plus tôt possible, ou bien de faciliter le transport caisse après caisse en les portant à plus que deux. Plus contrariant encore : la cale était sans dessus dessous. Les méduses volantes avaient sans doute décidé de fouiller le contenu de quelques valises et autres réserves de navet car le sol était jonché d'objets roulant au gré des cahots de leur véhicule. L'un d'entre eux pouvait se charger d'assister les porteurs en chassant ce qui se trouverait devant leurs pieds ou même simplement les aider à garder leur équilibre dans ce joyeux chaos.

Tandis que Tana désignait les objets à transporter, Glatus fit coulisser la porte du fond, ouvrant sur un vide béant et froid, ciel nocturne autrement plus inquiétant que lorsqu'ils avaient observé les étoiles un instant plus tôt.

La sueur perlait déjà aux tempes de Kerri quand Glatus fit son entrée. Elle-même et Grenat venaient pourtant de déplacer les petites caisses, mais déjà sa respiration se faisait haletante. Elle pesta intérieurement, et songea aux multiples fois où elle avait été sermonnée sur son manque de condition physique. Ses yeux se posèrent sur la caisse énigmatique la plus proche, bien trop lourde. Elle se promit de reprendre sérieusement son entraînement dès le lendemain.

- Quelqu'un pour porter celle-ci avec moi ? Le plus vite on balance ce truc, le mieux.

Même si on ne sait pas ce que c'est.
Une petite voix dans sa tête rêvait de prendre un pied de biche et de connaître le fin mot de cette histoire, mais la prudence était de mise. Pas de pied de biche, pas de réponse, pas de problème, on balance tout dans le trou.

- Hé, toi, là, au lieu de nous dire ce qu'on sait déjà, tu pourrais pas déplacer ce qui traîne par terre ? Qu'on se prenne pas les pieds dedans ?

La gnomide l'avait énervée avec son air suffisant et ses ordres à deux balles. Kerri avait un naturel à fleur de peau, et elle n'aimait pas les gens bruyants. Elle soupira. Quand ces caisses seraient loin derrière eux, elle se détendrait. Et alors, qui sait, peut-être profiterait-elle d'un voyage paisible jusqu'aux îles éoliennes. Si Le Théâtre tenait bon.

Toute à son organisation, Cacahuète en oubliait d'employer ses propres ressources physiques pour aider au déchargement. Elle se le fit vertement rappeler par une jeune demoiselle, en nage, occupée à porter des caisses visiblement trop lourdes pour elle. Peu rancunière, la gnomide se ressaisit et remercia l'inconnue.

- Bonne idée ! Je vois que vous avez l’œil pour repérer ceux capables d'accomplir plusieurs tâches à la fois. Et bien soit, je m'attelle à vous dégager le passage tout en vous adressant mes conseils avisés.

Se disant, Tana laissait vagabonder son regard acéré à travers la cale afin de détecter les objets les plus susceptibles de rouler ou de glisser dans les pattes des plus grands déménageurs. Déjà, elle isolait les plus pernicieux, les empilant dans ses petits bras et les déposant dans une grande caisse vide et bien harnachée qu'elle avait repérée au préalable. Comme promis, cela ne l’empêchait pas de discuter.

- Au fait, mon nom est Tana Castamyr. Je suis enchantée de faire votre connaissance à tous. Je suis certaine qu'ensemble nous accomplirons un excellent travail.

Toujours plus multi-tâche, la magicienne trouva même le temps de s'autocongratuler.

Directives pertinentes, présentations, encouragements... triple check, cacahuète ! Tu fais une meneuse hors pair.

Tana trottinait à qui mieux mieux, évacuant la place de quiconque déplaçait les caisses compromettantes. Appréciées ou pas, les recommandations continuaient à pleuvoir sur leur chemin et la petite personne qu'elle était faisait l'effort qu'elles demeurent les plus utiles possible. Elle se permit d'apporter une attention particulière à Kerri, ne souhaitant pas la décevoir après qu'elle lui ait réclamé son aide.

...Si le Théâtre tenait bon... et si la gnomide se décidait à se taire, au moins juste un tout petit peu.

Grenat s'était mêlée à l'agitation de la cale encombrée de monde à contre-coeur. Elle ne se considérait pas comme un gros-bras, mais vu qu'elle avait réussi à amener les caisses jusqu'ici, les jeter ne devrait pas poser trop de problèmes.
Évitant de se concentrer sur le babillage de certaines, elle tenait bon sa caisse avec l'aide de Miran, et se dirigeait d'un pas prudent jusqu'au... vide !
Une goutte de sueur perla sur son front alors qu'elle réalisait le danger de l'exercice.

- Que quelqu'un nous tienne par la ceinture quand on va jeter ça s'il vous plaît... lança-t-elle à la cantonade.

Bon, calme toi ! Tout va bien...

Tout le monde avait l'air de tenir à la vie car la cale s'était rapidement peuplée et personne ne flemmardait. Miran ne pouvait qu'en faire autant. Ayant aidé à mettre ses caisses ici, il se sentait la force de s'en occuper, mais le problème résidait du fait qu'il fallait quand même être à deux et dans les différents obstacles... Il avait le désagréable souvenir de sa chute pendant l'attaque des cloaquants et se disait qu'un drame pouvait vite arriver.

Le guerrier revint cependant rapidement au problème et compris que Grenat en était à réfléchir au sujet du binôme, c'est pourquoi il s'avança et l'aida à récupérer le lourd colis qu'elle avait dans le collimateur. Ce conteneur était des plus passe-partout comme l'avait mentionné Glatus. Il arrivèrent ensemble jusqu'à l'ouverture par laquelle il fallait tout balancer. La remarque de sa camarade était bien à propos, d'ailleurs une idée lui vint.

- "Et si, nous, les porteurs étions attachés par une corde pour les prochains voyages près de cette porte afin de ne pas tomber dans le vide ? Là c'est un peu tard mais après..."

Cette phrase se termina par la tentative désespérée de balancer sa caisse la plus loin possible dans le vide, risquant d'y sombrer en cas d'échec vu qu'il n'avait pas encore d'attaches.

Le quator s'en tira à merveille. Le Théâtre pouvait se féliciter d'avoir embauché des manouvriers capables de décharger une si lourde cargaison au milieu d'un tel bazar. Ni les légères embardées de l'aéronef ni les obstacles qui menaçaient de rouler sous leurs pieds ne furent un problème et même si l'assistance de Tana et Kerri ne devaient pas être sous-estimée, elles constatèrent toutes deux l'efficacité du binôme.

A peine sourcillèrent-ils au moment d'approcher le vide et de pencher dangereusement la masse dans l'obscurité silencieuse mais il fut fait ce qu'ils demandaient ; une main ferme accrocha leur ceinture et ils ne firent aucun faux pas.

Quelques secondes après avoir lâché leur colis, Miran et Grenat virent soudain les arbres au sol dans des teintes rouges et jaunes en même temps qu'un choc terrible se faisait entendre. Après cette vive lumière, ils commencèrent à s'embraser.

Bonne nouvelle : les dégâts à bord de leur embarcation auraient été considérables sans leur habile manœuvre. Mauvaise nouvelle : il fallait maintenant répéter l'opération.


HRP : jolis jets !

Rubis était contente de son travail... jusqu'à assister à l'explosion et aux flammes en contrebas...
La puissante déflagration résonna comme un souvenir à la fille du volcan qui fixa le feu, comme hypnotisée. Pourtant, l'image du Théâtre transformée en torche géante la tira aussitôt de sa rêverie.
Elle jeta un regard affolée aux caisses restantes et souffla pour se redonner du courage.

- La suite ! Fit-elle en regardant Miran.
" Continuez à assurer nos arrières... ajouta-t-elle à la cantonade à l'attention des autres.

Kerri s'approcha prudemment du bord juste à temps pour observer le brasier s'étendre aux alentours. Ses yeux s'écarquillèrent et elle recula d'instinct d'un petit bond.

- C'est quoi ce machin ? Laissa-t-elle échapper, sans s'adresser à quelqu'un en particulier.
Elle secoua sa tête pour s'éclaircir les idées.
- Balançons-les avant qu'un des soubresauts du vaisseau nous fasse subir le même sort.
En se tournant vers Glatus, elle ajouta :
- Je ne suis pas bien épaisse, mais j'ai le pied sûr. Venez m'aider à lancer une des caisses restantes. Le plus rapide le mieux.

En prononçant ces derniers mots, et ne put s'empêcher d'imaginer les planches du vaisseaux s'embraser comme les arbres qu'ils survolaient un peu plus tôt.

Cacahuète s'était placée aux premières loges pour observer la chute de la troublante cargaison. Ses yeux s'étrécirent au moment de l'impact et la concentration put se lire sur son visage enfantin. Elle ne parvenait toujours pas à déterminer avec exactitude la cause de l'explosion. L'humaine à ses côtés sursauta et s'enquit une fois de plus de la nature de l'alarmant contenu. Tana dut relever la tête pour lui répondre, mais moins haut que d'habitude face aux membres de cette race.

- Ma foi, j'ai bien du mal à savoir et c'est pas faute de chercher. Tout ce que je peux dire, c'est que ce n'est pas purement alchimique.

La gnomide repensa aux paroles du capitaine et garda la suite de ses réflexions pour elle-même.

Pas alchimique et endormi... des armes... vivantes...

Elle jeta un nouveau regard sur les caisses en partance pour le vide. Elle n'aimait pas ce que les circonstances l'obligeaient à accomplir.

Le Directeur, tu nous as fourrés dans une sale embrouille.

Se ressaisissant une fois de plus, Tana reparti assister les bras plus musclés que les siens. Avisant une corde encore disponible, elle proposa d'attacher au mat ceux qui devraient le plus s'approcher du vide et poursuivi ses petites activités avec pour but de facilité la tâche des autres.

Miran ne vit pas d'un bon œil le résultat de son acte de délestage... Certes il valait mieux ne pas faire flamber leur moyen de locomotion pour leur propre survie mais qu'en était il sur le plancher des vaches ? C'est sur cette réflexion qu'il interpella le monde autour de lui.

- "Non mais c'est quoi ça ? On ne peut pas détruire une forêt et ses habitants comme ça ! Il n'y a pas un lieux sans risque comme une plaine ouverte aux 4 vents permettant de s'assurer que nous ne tuons personne là dessous ?"

Ces phrases furent rapidement ponctuée par la demande de grenat et ni une ni deux le guerrier se remit au boulot pour récupérer, en se synchronisant avec sa camarade, une nouvelle caisse. Le duo exécuta le même manège mais avec plus de réticence du côté de l'homme d'armes pour jeter le contenu si en bas il n'y avait aucune visibilité.

A l'entrée de la cale, des passagers commençaient à pointer le bout du nez, ne sachant exactement quoi faire au milieu de ce chaos. Caisses, cordages, outils, tout se mêlait aux odeurs d'huile renversée et au bruit inquiétant des machines non loin. Le tout baigné dans une malsaine pénombre balayée par le vent qui s'engouffrait dans le ventre béant de leur bête volante.

Les compagnons d'infortune, eux, tournaient à plein régime. Tandis que Grenat se ruait vers d'autres caisses à évacuer en compagnie de Miran, Kerri se porta aux côtés du large merosis. Tana dût faire un choix et après avoir sécurisé une extrémité de corde sur le squelette de bois du bateau, elle choisit d'encorder celle dont la carrure semblait la moins propice aux opérations de manutention : la brune Kerri.

- Soyez sans crainte, cette forêt n'abrite que la perdition, à ce qu'on dit. Si nous blessons quelque chose, tant mieux.

Glatus n'avait sans doute pas choisi les mots les plus rassurants pour répondre à Miran. Toujours est-il qu'il se mit à la tache sans montrer la moindre arrière pensée pour les arbres qu'ils allaient calciner.

Le malheur qu'ils redoutaient n'intervint cependant pas du côté du duo étrangement mal assorti : la fine humaine de taille modeste et l'imposant demi-orc parvenant sans mal à saisir leur fardeau et à se déplacer dans la cale, jusqu'au fond. Après avoir lâché leur colis, la même détonation se fit entendre, baignant le sol d'une lueur cramoisie et laissant sur son sillage un début d'incendie.

Kerri plissa les yeux. Avait-elle rêvé ? Contrairement à ce que Glatus venait d'annoncer, il lui avait semblé apercevoir des silhouettes étrangement humanoïdes s'affairer autour du feu, comme pour l'éteindre avec empressement. Bientôt cette vision s'évanouit, chassée par le souffle de la nuit.

Rassuré ou pas, Miran fit son travail à merveille. Grenat, en revanche, faiblit. Avait-elle senti remuer dans la boîte qu'elle tenait ? Est-ce que … Karisimbi ? Il lui avait semblé sentir une chose semblable à l'énergie du volcan, à l'intérieur du large paquet. Sans crier gare, elle lâcha prise, ne trouvant plus ni équilibre ni ressource pour tenir le coup. Le survivant de Lautenac ne parvint pas à compenser cette subite défaillance et la caisse tomba lourdement au sol.

Un étrange remue-ménage se fit entendre alors que l'un et l'autre se penchaient pour finir leur travail. Comme un grattement, un bouillonnement... Un crépitement ? Pour Miran, il semblait qu'un feu commençait à prendre à l'intérieur. Grenat, elle, reconnut autre chose.

Surprise et excitée par ce qu'elle venait d'entendre, la fille du Volcan n'en était pas moins consciente du danger imminent.
Se penchant au plus proche de la caisse, elle entreprit de calmer le feu par quelques mots qu'elle espérait bien choisis.

- [Originel] Je suis Grenat, fille du Volcan Karisimbi, pas de feu, vous allez nous tuer...

Grenat avait les oreilles presque collées à la caisse maintenant. Elle devait écouter et sentir, la chaleur, l'odeur... Elle saurait ainsi si sa tentative avait fonctionné, au moins partiellement !

Le temps resta suspendu un instant, tandis que Grenat retenait son geste. Aux oreilles de tous, ce qu'elle venait de faire était étrange... Mais bien peu avaient déjà vu des drakéides et encore moins pouvaient se vanter de parler leur langue ! Tous comprirent qu'elle n'entamait pas une conversation avec la caisse en bois : son expression trahissait sa détermination et une forme d'angoisse.

- [Originel] Nous... ETOUFFER !! Feu vivre ! Brûler, vite, vite, VITE !!

Aux oreilles de Miran, juste le crépitement de plus en plus ardent du feu, et des coups, comme de griffes, sur les bords de la caisse.

Prudemment, Diégo s'était approché dans la cale et assistait à la scène, incrédule.

Grenat était saisie d'un étrange mélange de sentiments. La voix familière qu'elle entendait lui donnait l'impression d'être de retour à la maison. C'était un peu comme si elle parlait à un frère, à un fils du feu... et il agonisait !
Alors la vision des flammes dans la forêt, un instant plus tôt, prit une toute autre signification.

La drakeïde releva la tête et fit signe à son vis à vis de saisir doucement la caisse, comme elle...
Se faisant, elle continua à parler au fil du feu, d'un ton ferme et déterminé.

- [Originel] Calme ! Je vais te libérer mon frère ! Calme !

Pourvu qu'il comprenne et veuille bien m'aider... pensait-elle en croisant le regard de Miran.

Kerri n'était pas du genre à s'apitoyer sur le sort d’autrui, mais l'idée d'avoir envoyé de tels explosifs sur des gens ne la laissait pas de marbre non plus. Sa culpabilité se muait en colère, qu'elle s'empressa de cracher à la figure du Mérosis :

- Vous vous moquez de nous, il y a des gens la-dessous.

Les poings serrés, elle jugea qu'elle n'aurait probablement pas agit autrement même si elle avait su que la forêt était habitée. Cette amère conclusion la mis en rogne contre elle-même. Elle inspira profondément pour retrouver son calme, ou se qui s'en rapprochait le plus. Se tournant vers le Mérosis pour le gratifier d'une dernière réflexion désagréable, elle fut soudain interrompue par des sons gutturaux qui lui glacèrent le sang. La drakéïde semblait s'entretenir avec une des caisses. Et la caisse lui répondait, du moins, c'est ce que semblait laisser entendre l'attitude de Grenat.

Ses mains glissèrent par réflexe sur ses dagues. Kerri était dépassée par la situation. Les doigts refermés sur les poignées familières, l'esprit vide, elle observait la scène.