Umberlie
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Les huit apprentis professeurs n’eurent pas à attendre bien longtemps. Entre les nouveaux arrivants et ceux qui patientaient depuis quelques temps déjà, une certaine nervosité s’était installée. Regards fuyants, curieux, inquiets ou bien ouvertement défiants. Ces échanges silencieux prirent fin lorsque le domestique reparut, et leur fit signe à tous de se lever et de le suivre.
Ils enfilèrent quelques couloirs, tous dans la même veine que le reste du bâtiment : propres, mais abimés, fissurés par endroits. Quelques mosaïques décoraient les murs, mais certains bouts manquaient, et la couleur de certaines dalles avait noircie sous la fumée.
La salle où ils furent introduits ressemblait à une salle d’audience privée. Un petit espace confortable, un genre de petit salon destiné à accueillir les invités de marque. Sans doute la pièce la plus faste qu’ils aient vu jusqu’à maintenant dans cette villa – mais qui n’avait rien de comparable avec celle des Braque-Croiset.
- Bienvenue, étrangers ! Salua la femme qui se tenait près du Duc. Prenez place où vous le souhaitez.
Le Duc, lui, ne sembla même pas les voir. Il esquissa vaguement un mouvement de la tête, puis roula des yeux avant de les fermer pour de bon. Ecroulé dans un fauteuil, les mains reposant sur son embonpoint, il avait l’air parti pour une bonne sieste post-déjeuner.
Maintenant que les professeurs se trouvaient face à lui, ils purent constater à quel point l’homme semblait âgé. Les rides creusaient son visage, et il semblait épuisé par la vie.
Sa femme, elle, semblait avoir vingt ans de moins. Malgré les années, elle restait belle, et ses manières trahissaient ses origines manifestement nobles. Hélas, à l’image de sa demeure, son visage était lui aussi creusé par la fatigue, ou les soucis.
- Je vous en prie, excusez l’attitude de mon mari, leur dit-elle d’un air désolé. Il est malade depuis longtemps, et l’âge n’arrange rien à ses troubles. Mais vous pouvez vous adresser à moi pour toutes les affaires relatives au Duché.
Une fois qu’on leur eut apporté du vin (rouge) et quelques raisins frais (pour changer), la dame poursuivit :
- Vous le savez sans doute déjà, mais je m’appelle Menodora, et mon époux Antipatros. Et ma foi, votre visite, comme celle de tous les autres avant vous, me rend assez perplexe. Je ne sais ce qui vous fait penser que nous avons besoin de professeurs. Et ma réponse risque de vous décevoir autant qu’elle a déçu vos prédécesseurs :
« Il est vrai que nous avons un fils, Agapios, qui se prépare à reprendre les rênes du Duché. Je m’efforce de l’éduquer aussi bien que nos moyens nous le permettent, mais… pour tout vous avouer, nous n’avons certainement pas les mêmes ressources que notre voisine du Nord. Aussi, si vous vous attendiez à trouver une position confortable ici, vous pouvez passer votre chemin. Nous n’avons pas de quoi payer des professeurs.
Elle laissa un instant planer sa dernière remarque, mais l’effet désiré se trouva bientôt gâché par un début de ronflement d’Antipatros.
Menodora ne se laissa pas démonter pour autant, et les observa un à un, d’un air à la fois ferme et désolé.
Au bout d’un moment, Lùdvik se leva, salua profondément, exprima quelques regrets et laissa les domestiques le reconduire à l’extérieur. Peu de temps après, Lian et Cheveux Hirsutes le suivirent.
Il ne resta bientôt que les cinq récalcitrants. Menodora les observa avec surprise et curiosité.
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