Nizam Al-Hafez ibn-Ramavi
|
Ainsi donc, Nizam descendit les marches en tête et passa la porte comme pour emplir tout l'espace de la salle commune. Tout, dans sa démarche, le mouvement de ses mains, son port de tête, annonçait un carnavalesque personnage qui se veut sûr de lui et de son talent.
Il avait ajouté quelques rubans à son justaucorps, ciré ses bottes, passé du Khôl autour de ses yeux. Bref, tout ce qu'il fallait pour avoir une petite touche de ridicule, mais sans pousser l'exagération, ce qui entretenait une part de sérieux et de crédible dans ce personnage.
- Veuillez nous excuser, Messire. Après ces péripéties, nous avions bien besoin d'un peu de confort et d'hygiène. Vous savez ce que c'est. Nous pouvons vivre comme des brutes le temps de l'action, mais le retour à la société nous ramène aussi les bouffées agréables des mondanités.
Il s'installa à table et déposa son instrument, à côté de lui, comme pour expliquer qu'il n'était pas encore temps, mais que l'heure viendrait de s'en servir.
Alors que Georges les interrogeait sur la boisson, il demanda la même chose que le baron et se servit généreusement en chapon.
- Hé bien, quelles heures délirantes ! finit-il par lâcher alors qu'il finissait une bouchée juteuse et aromatique de la volaille pour laquelle il avait félicité le cuisinier. Je crois, baron, que vous n'avez pas très bien saisi ce qui se passe dans les ruines de ce fort. Nous avons croisé beaucoup de monde, pour une citadelle abandonnée. Des gens fort étranges qui en voulaient à notre peau. Mais heureusement, nous savons nous défendre.
Et après une petite pausse...
- Ils portaient d'étranges tatouages, comme des écailles de dragon. Avez-vous déjà vu ça sur vos autres bandits que vous voulez nous envoyer chasser ?
il lança au baron et à son grand garde du corps un regard interrogateur, un peu candide. Comme s'il s'attendait à ce que ses interlocuteurs lui donnent des réponses à cette question qui, vraisemblablement, n'en avait pas.
- Ah, et il y a eu cette prêtresse aussi ! Coriace. Il me semble, Elewin, qu'elle vous avait bien ankylosée avec sa masse, non ? Mais bon, elle a fini par rendre gorge elle aussi. Elle n'était pas belle à voir, à la fin... Vous voyez, ce n'est pas une mince affaire. Quand je vous dis qu'il faudrait y regarder de plus près.
Pour mettre un terme à son verbiage, il se resservit en viande et sourit aimablement au baron. Il ne faisait aucun mouvement pour tenter de discerner des réactions des deux autres tristes sires. Il comptait pour cela sur ses compagnons. Il ne s'intéressait qu'au nobliau, comme tout courtisan cherchant à se faire bien voir et gagner des faveurs.
|