Equinoxe de printemps

 
Nedru
Nedru

J'ouvre ce sujet pour officialiser l'écriture thématique sur l'équinoxe de printemps.


Vous pouvez y mettre en scène votre personnage ou tout autre, dans la région de votre choix d'Eana, afin de présenter une façon de célébrer cet heureux évènement !

Vous pouvez vous inspirer de la description donnée sur le blog du jdr Dragons:
https://dragons-jdr.blogspot.com/2019/11/une-annee-dans-la-cite-franche-et-les.html

En attendant vos écrit pour le 21 mars !

Edition 16/02/2021 18h19 par Nedru
16/02/2021 18h18
Nedru
Nedru

En bas des collines de Dagor, l'enfant leva les yeux pour admirer la procession qui serpentait vers le sommet. L'éclat des torches qui s'étiraient sur le chemin ne parvenant pas tout à fait à rivaliser avec les étoiles qui dominaient l'île. Les autres enfants à ses côté observaient également, avec une nervosité inégale. Les plus jeunes tenaient les mains des plus vieux, parfois des grandes sœurs ou frères. Peut être que quelques uns pleureraient pendant l'ascension mais pour le moment, tout le monde faisait de son mieux pour ne pas s'attirer les foudres des fées et ils étaient pratiquement serrés les uns contre les autres, dans un petit halo de lumière.

Plemal plissa les yeux, puis saisit le flambeau planté à côté de lui.

-« Ils sont assez loin ! En avant. »

Sallavïn alluma sa torche au flambeau de son aîné en déglutissant, aveuglé un instant par le crépitement du feu. Les cinq autres enfants firent de même, dans l'ordre décroissant de leur âge. Personne n'osait prononcer un son, tendant l'oreille. Et s'ils entendaient ricaner ? Et s'ils croisaient la cour d'automne en gravissant les collines ? Est-ce qu'ils ne seraient pas emportés par des créatures à la mine vieillissante, ces sorcières qui mangeaient les enfants égarés ou trop curieux ? C'était la nuit où elles seraient de sortie, la nuit où, peut être agacée de rendre leur pouvoir, elles commettraient une atrocité !

La tentation avait beau être forte de presser le pas pour s'assurer de retrouver au plus vite la sécurité des adultes, chacun fit de son mieux pour rester à l'allure de leur aîné. Exemplaire, la petit silhouette du brun, dix ans, se détachait mal dans l'obscurité mais il était certain qu'il se contrôlait parfaitement. Celui là en était à sa septième et dernière cérémonie : Plemal avait déjà vaincu la peur des premières fois et c'était là l'occasion rêvée de montrer à tous les autres enfants sa valeur. Les adultes aussi verraient à quel point il était capable d'assurer les responsabilités sacrées de cette partie de la cérémonie et considéreraient qu'il n'était peut être plus tout à fait un enfant.

Le petit sang mêlé n'en menait pas si large. Il tenait de source sûre que la plupart des contes de sorcières mangeuses d'enfants étaient vrais. Son œil gauche était brûlé par l'éclat vif de la flamme qu'il portait et son œil habitué à percer l'obscurité ne lui servait presque à rien. Ne restait que l'ouïe. Et combien il entendait ! Les crissements de leurs pas, le bruissement du vent dans les arbres. Les pierres qui roulaient, dérangées par des créatures invisibles. Le pire, c'était les sortes de cris, ou de rires, les éclats de voix déformés qui venaient des adultes, plus haut dans la montée.

Les doigts serrés, son allure était mécanique. Il faillit crier quand le pied Auréa frôla son talon persuadé qu'il s'agissait du début de l'inévitable attaque de sorcières qu'ils devraient repousser. Poussant un profond soupir, il tenta de calmer son cœur aussi excité qu'un banc de poisson dans un filet.

- « Le plus dur est passé. »

Plemal les rassura d'une voix bien trop assurée pour un enfant de son âge. Sallavïn ne pouvait s'empêcher de l'admirer. Il était... plutôt chétif, comment pouvait-il être si courageux ? Pourtant, leur aîné disait vrai : la végétation dense et obscure du bas de Dagor s'espaçait peu à peu, les arbres étaient ici plus grand, plus solides. Ils avaient éprouvé le vent et résisté aux glissements de terrain des fortes pluies et ne laissaient sous eux que des buissons chétifs ou l'herbe épaisse que les troupeaux de l'île viendraient bientôt déguster.

Sallavïn retrouva son courage, honteux d'avoir imaginé tant de mirages. C'était déjà sa deuxième participation et il ne s'était jamais rien passé de grave. C'est le regard de son père, surtout, qui lui avait inspiré tant de craintes. Difficile de savoir s'il lui avait joué un tour, feintant de craindre pour la vie de son fils, lui qui était aussi prudent que brave... Bien plus énigmatique que sa mère, il était tout à fait capable de telles plaisanteries. Il se justifierait en riant quelque chose du genre « tu as besoin d'avoir peur de temps en temps ».

Une exclamation de joie fut étouffée derrière lui et Sallavïn comprit vite pourquoi : des silhouettes d'adultes se dessinaient nettement dans l'éclat auréolé des lumières magiques. La brise déjà moins froide avait soufflé le brouhaha discret de leurs conversations, mais ils étaient bien là, conversant paisiblement dans la clairière des fée (une terre sacrée efficacement protégée).

Comme chaque année, l'endroit avait été décoré avec un soin mystique particulier : des peintures aux motifs ésotériques, des pierres brillantes, mais également des ossements épars et divers objets sans lien apparent : un filet de pêche, une toupie, un bol en bois laqué, une flûte de plume, etc... Il n'y avait là aucun arbre, seulement une étrange roche de laquelle s'écoulait un mince filet d'eau. Des druides avaient estimé que c'était là l'oeuvre d'une fée et depuis, l'équinoxe de printemps était célébrée à cet endroit, par l'île entière. L'ensemble était baigné dans la lumière des flammes et des lucioles magiques bleutées ou vertes qui virevoltaient entre les spectateurs.

En plus d'une grande partie du village, adultes et enfants qui n'avaient pas été choisis pour la cérémonie (les moins sages, en général), les plus croyant de Pittpab s'étaient même déplacés jusqu'ici pour honorer le renouveau de la vie. Mis à part la shamane et ses deux apprentis, la plupart ne portaient là que leur tenue de tous les jours. Les druides en revanche étaient affublés de leurs bures d'office neutre, mais étaient bariolés de bijoux et coiffes bicolores, destinées à n'offenser aucune cour des fées.

Les conversations s'arrêtèrent tandis que les enfants pénétraient dans la clairière et le trio shamanique entonna un chant guttural, ponctué des claquements du bois sec. Sous cette lumière étrange, l'effet était saisissant, presque effrayant.... Mais ce n'était pas le moment de se dégonfler ! Le plus important pour les enfants, c'était les sept petits monticules, similaires à de hautes fourmilières surmontée d'un trou, disposés en cercle. Chacun alla se placer devant le sien, attendant le signal, la mine grave. C'était l'instant de vérité. D'une certaine manière, beaucoup pensaient jouer leur vie. Sallavïn fixa la terre avec intensité, comme pour y discerner un mouvement fugace.

Puis le chant s'arrêta et chacun planta le bout enflammé de sa torche dans l'orifice prévu. Que les fées de l'hiver emportent cette flamme dans la terre et aillent s'emparer de leur trône à l'autre bout du monde ! Ils enfoncèrent leurs torches profondément, avec une sorte de satisfaction rageuse. Car c'était aussi le moment que les mauvaises fées pourraient choisir pour saisir le bras d'un enfant au passage et l'emporter avec elles, s'il n'avait pas été assez sage.

Rien de tel ne se produisit. Unanimement, les jeunes porteurs de feu poussèrent un soupir de soulagement tandis que les druides entonnaient des chants bien plus joyeux, dans une saccade qui allait crescendo. Ceux qui connaissaient l'air reprirent en choeur, fêtant ensemble l'arrivée des jeunes fées dans les collines.

Les lumières dans la clairière devinrent plus vives, comme excitées par le chant, et une multitude rejoignit bientôt les autres, virevoltantes, clignotantes, se déplaçant d'une manière qui ne pouvait que symboliser joie et vie. Le cœur battant des enfants, unanimement, s'emballa pour une nouvelle raison, la peur transformée en espoir, en joie. Les parents vinrent recueillir leurs bambins, sous le regard bienveillant d'une shaman vieillissantes dont le sourire était figé, comme taillé dans la vieille écorce de son visage. Elle posa la main sur le manche de chaque torche, s'assurant de leur solidité. Dans six lunes, les plus vieux de l'île viendraient chercher le feu à nouveau, pour le ramener dans les foyers cette fois.

Pour le moment et bien ! C'était le moment pour chacun de se retrouver pour discuter de l'évolution du climat, du meilleur moment pour pour s'occuper des semis, éventuellement de la façon dont chacun grandissait et vieillissait.

Des bancs et tables furent dressés en un claquement de doigt, accompagnés des victuailles autorisée sur cette terre. La boisson en revanche, devrait attende le prochain miracle... Sallavïn retrouva la silhouette familière de son père, plus petite que celles des gens d'ici, mais dont l'allure étrangement féline était sans égale. Un clignement d'oeil discret accompagna le geste paternel : un tendre froissement de sa tignasse qui se termina par un doux geste pour ramener ses cheveux derrière ses longues oreilles.


- «  Où est maman ?
- Elle est en chasse...
- Quoi ?!
- Des guenaudes... Mais non andouille ! Elle raccompagne un ancien qui s'est senti mal. Elle sera de retour avant la fin de la cérémonie. »

Voilà le genre de bêtises que son père pouvait lui déclarer avec le flegme elfique d'un chasseur éprouvé. Sallavïn secoua la tête en haussant les yeux au ciel.

- « Tu es rassuré d'être un enfant assez sage pour les fées ?
- Tu dis que les fées ne sont pas sages.
- Non ! Mais certaines aiment garder ce privilège pour elles... Oh ? Ça commence. »

Leurs oreilles frétillèrent en unisson. L'un des miracles de la soirée commençait. L'eau qui gouttait de la roche centrale se mit à bouillonner en un liquide plus épais, jaillissant faiblement comme sous l'effet d'une pression invisible. Des exclamations jaillirent de la foule et chacun se massa sagement autour de la roche pour recueillir « l'eau de la fonte de l'hiver ». Glaciale, minérale, elle n'avait d'autre propriétés que d'être parfaitement pure. Ce soir, l'ivresse de la fête devrait se suffire car l'alcool n'était pas admis pour cette cérémonie.

Entre chants, danses, concours de devinettes et récits druidiques, ils devraient rester éveillé pour toute la nuit. Les enfants et vieillards hochaient la tête avec la même somnolence résignée, les adultes discutaient entre eux de leurs projets futurs et les amants en profitaient pour former leurs alliances secrètes et parfois disparaître un temps...

Ce n'est qu'à l'aube que chacun constaterait s'ils avaient convenablement honoré Flore et les fées du printemps. Cette année comme les autres, tout s'était vraisemblablement déroulé comme il fallait. Car tandis que les fêtards accueillaient l'aube, la prairie fleurit lentement aux couleurs des saisons à venir : le rouge, le rose, l'orange et le jaune furent à l'honneur, s'étendant en mousses, lierres et fleurs de saison sous les exclamations des veilleurs. On prit soin de ne pas cueillir les végétaux ou de marcher dessus, rangeant soigneusement les restes de la fête pour les emporter plus loin où une mule se chargerait de les descendre.

En saluant la shamane qui resterait là pour le reste de la journée, le petit Sallavïn nota le respect mutuel avec lequel la vieille femme et ses parents se saluaient, comme s'ils partageaient une sorte de secret commun. Tout intrigué qu'il fut, le melësse préféra ne rien demander. Les serviteurs des dieux se reconnaissaient peut être entre eux, respectant l'office bien accompli.

26/02/2021 17h23
Elindine
Elindine

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- Kayla… Kayla, réveille-toi, c’est l’heure.

Un léger couinement plaintif répondit à l’appel. Enfouie sous plusieurs couches de couvertures, le bout d’un nez blanc émergea, hésitant à s’avancer davantage dans l’air froid de la nuit.

- Allons, debout.

Dans un froissement de drap, Ilanlar replia avec adresse la couette au pied du lit. Sa fille se recroquevilla instantanément, tentant de couvrir sa petite silhouette sous son oreiller. Les gémissements se transformèrent en grommellement plus hargneux.

- Eh bien, j’ai vu des ours de meilleure humeur au sortir de l’hiver.
- Grumpf…
- Debout, petite ourse mal léchée, ne m’oblige pas à te trainer hors du lit.

Avec un regard torve, l’adolescente observa sa mère se levait et disparaître derrière une cloison. Une bougie brulait lentement sur la petite table près de sa couche, illuminant l’obscurité d’un halo doré. Dans un profond soupir, elle se redressa sur son matelas, dégageant de ses doigts une longue mèche de cheveux blonds pour la rabattre derrière une oreille légèrement pointue. Malgré les tapis au sol, le froid cueillit ses pieds avant qu’elle ne les abrite au fond de ses deux petits chaussons.

Enveloppée dans un châle, Kayla éteignit d’un souffle sa bougie, plongeant la pièce dans un camaïeux de gris. Elle sortit finalement dans la coursive qui bordait la cour du temple de Coirë. Tout était encore silencieux et sombre, mais la melessë entendait le chuchotement discret des pétales qui bruissaient dans le vent et le parfum enivrant du magnolia gigantesque qui, aujourd’hui, ferait l’objet de toutes les attentions des elfes de Varnaïrello.

Ses pas la guidèrent vers le couloir qui menait à une grande salle munit de longues tables en bois, dans laquelle s’agitaient déjà quelques prêtres et prêtresses. Autour d’eux orbitaient une nuée d’acolytes fébriles, plus pressés encore que leurs ainés. Parmi eux se dressait la droite silhouette d’Ilanlar, occupée à consulter un long parchemin en compagnie d’un jeune garçon de son âge. Haussant les épaules, Kayla partit chercher quelques fruits et du pain, mis à disposition des plus matinaux et s’installa à une table, en compagnie d’une vieille partition écornée.

Elle connaissait ces lignes par cœur, mais comme sa mère était occupée, elle n’avait rien de mieux à faire que de graver encore un peu plus les notes et les paroles dans ses orbites. Elle soupira, manquant de couvrir de postillon le précieux papier. Elle n’avait pas envie d’être là. Elle n’était plus une enfant, à présent, et elle avait imaginé, naïvement, qu’Ilanlar lui laisserait le choix de son programme durant les festivités de l’équinoxe. Mais non, bien-sûr que non. Et Elandor qui en avait rajouté une couche : *« Ta mère a besoin de toi »* et puis *« Il faut bien qu’il y ait une voix digne d’être entendue dans ces chants religieux »* avait-il ajouté pour flatter l’égo de sa petite-fille. Mouais. La melessë se rappelait très bien que c’était le même homme qui lui reprochait encore dernièrement un *« timbre inégale dans les graves »*. Ils se moquaient bien, l’un et l’autre, de ce qu’elle aurait voulu faire. Frustrée, elle mordit rageusement dans sa tranche de pain, juste au moment ou un sourire, surmonté d’un regard vert, vint s’attabler en face d’elle :

« Bien dormi ? demanda la voix éraillée du garçon auquel parlait sa mère quelques minutes plus tôt.
- Pas assez, répondit la melessë, laconique, tout en posant sa joue dans le creux de sa paume.
- Hm… Ilanlar m’a demandé de t’aider, tu sais, pour… »

Kayla releva la tête et fronça les sourcils. Les yeux de l’adolescent fuirent les siens aussitôt, gêné. Innocemment, un large sourire aux lèvres, la melessë répondit :

« Non, je ne sais pas. Pour quoi tu dois m’aider ?
- Heu… Eh bien, heu… Je dois-si tu veux…
- Abrège, Farran.
- Te coiffer. »

Les yeux de l’adolescente s’écarquillèrent, avant de s’effiler en deux fentes méfiantes, brulant d’une sourde colère.

« Je le fais depuis deux ans déjà, avec les prêtres et les prêtresses ! » protesta-t-il, redressant son torse frêle, avec une fierté qu’elle trouva aussitôt profondément déplacée.

Kayla n’attendit pas une seconde de plus, elle se leva, débarrassa la table et se dirigea d’un pas déterminé vers sa mère. L’elfe discutait, assise avec deux autres prêtres, mais la sang-mêlé n’hésita pas à tapoter l’épaule maternelle avec insistance pour obtenir son attention :

« Oui ? » finit-elle par répondre, levant les yeux pour croiser l’ai courroucé de sa fille.

Elle inspira un grand coup, maitrisant son souffle d’une manière très caractéristique qui avait le don de rendre plus furieuse encore son enfant : longue prise d’air, expiration brève en deux parties. Kayla crut qu’elle allait hurler avant même que sa mère ne lui réponde :

« Cette année je n’ai vraiment pas le temps. Et Farran fera un bien meilleur travail que moi, en plus. Il est très doué et très doux, n’est-ce pas ? finit-elle en regardant ses comparses qui hochèrent la tête en souriant. Et puis, vous vous connaissez bien. »

Mais l’adolescente ne fléchissait pas, au contraire. Les lèvres pincées, le regard dur, elle contemplait sa mère dans une fureur à peine contenue. Et Ilanlar connaissait assez sa progéniture pour savoir ce qu’elle risquait si elle la laissait exploser. D’un geste, elle s’excusa, se leva et prit à part la jeune fille :

« Ça va bien se passer, ma douce. Si vraiment c’est trop dur, j’essaierai de venir vous aider. Fais cet effort, s’il te plait.
- Mais c’est toi qui m’as demandé de venir ! répliqua la melessë, assez fort pour que quelques têtes se retournent, elle sentit sa mère se crisper. Je n’aime pas être là et je n’ai pas envie… »

Elle s’interrompit, les poings serrés le long du corps, le visage baissé, incliné sur le côté. En face, la prêtresse hésitait, visiblement embarrassée et incertaine. Elle n’eut pas le temps de réagir, Kayla se détournait déjà et quittait la salle d’un pas vif, interpelant le pauvre garçon qui avait contemplé la scène, en retrait. Il lança un regard inquiet à Ilanlar, aussi gêné qu’elle, s’inclina, puis fila à la suite de la jeune fille.

Kayla repoussa le rideau de la cellule d’un théâtral mouvement du poignet et s’assit sur un tabouret. Bras et jambe croisés. Son pied en l’air s’agitait nerveusement à un rythme régulier. Farran entra à son tour, quelques secondes plus tard :

« Mes affaires sont dans le sac, là. » indiqua-t-elle en levant le menton vers un baluchon posé dans un coin de la pièce exiguë, mais le jeune elfe ne bougea pas.

La melessë s’immobilisa, le silence qu’il lui imposait soudainement la dérangeait. Est-ce qu’il essayait de la faire se sentir coupable ? Coupable de quoi ? Elle n’avait rien demandé, elle. Elle aurait pu passer la soirée avec Mornorin et son grand-père, à l’auberge. Elle n’avait pas besoin d’être ici, pas besoin de cette stupide célébration de l’équinoxe. Tout ça ne la concernait pas.

« Calmée ? »

La voix, soudainement grave, de l’acolyte lui arracha un sursaut. Elle se retourna lentement, les épaules raidies par la surprise. Farran affichait un air sévère qui tranchait curieusement avec son visage d’enfant qui n’avait pas encore toute la finesse de ceux de son peuple. Au milieu de la constellation de taches de rousseur le vert vif de ses yeux brillait d’une colère calme qui mit mal à l’aise la petite melessë, mais pas assez pour paralyser sa langue :

« Si tu ne t’y mets pas, on va être en retard. »

Un silence lui répondit. Long et s’étirant encore, alors que les adolescents se dévisageaient avec hargne, le vert affrontant le bleu sans qu’aucun n’accepte de céder. Ce fut le garçon qui, finalement, ferma les yeux en secouant la tête, avant de se diriger vers les bagages désignés par Kayla. Il entendit son soupir, mais ne fit aucun commentaire. A la place il sortit peignes, brosses, pinces, épingles et rubans, étalant son butin sur la table, avant d’allumer la bougie laissée sur la table. Quand il se redressa, armé de son premier outil en poils de sanglier, il constata que le visage de la jeune fille était livide, malgré la chaude lumière de la flamme. Il haussa un sourcil, mais ne dit rien, allant simplement se placer dans le dos de l’adolescente pour commencer son travail.

Patiemment, dans un enchainement de geste aussi doux que précis, il démêla chaque mèche dorée, les écartant de part et d’autre de la nuque exposée. La melessë avait des cheveux plus épais et ondoyant que la raide toison fine des elenions dont il avait l’habitude et cela ne l’aidait pas vraiment, mais il avait à cœur de ne pas lui faire mal, ni de montrer sa frustration. C’était une journée importante et il avait son rôle à jouer, Kayla aussi, même si elle y mettait toute la mauvaise volonté d’une enfant capricieuse.

Pourtant, alors qu’il peignait et tressait les longues mèches blondes, la petite silhouette en contrebas perdait discrètement de son arrogante posture. Distraitement, elle mâchonnait sa lèvre inférieure, les deux poings crispés sur sa jupe, tripotant furieusement le tissu avec angoisse. Il pouvait la sentir tressaillir aux sons, à un mouvement pas assez lent de sa part. Elle suivait des yeux ses outils, avec anxiété et, surtout, elle ne disait plus rien.

A chaque seconde qui passait, le silence entre eux s’épaississait, devenant, à chaque minute plus, dur à briser. Bien des mots auraient pu ramener un peu de sérénité dans la pièce, mais à la place, les adolescents préféraient se taire, chacun concentré sur sa tâche. Farran voulait en finir rapidement, il n’avait tout simplement pas le temps des bavardages et si la petite jeune fille ne disait rien, c’était qu’elle n’avait rien à dire. Kayla, de son côté, fixait ses genoux avec obstination, figée. L’obscurité à l’extérieur ne les aidait pas tellement à estimer le temps qui passait, mais tout deux avaient l’impression que des heures s’écoulaient sans que le ciel ne s’éclaircissent un peu.

« Aïe ! »

Le cri plaintif de la melessë rompit soudain le silence. Dans sa précipitation, il avait coincé une mèche, tirant un peu brusquement dessus dans un faux-mouvement.

« Ah… Pardon… » répondit-il, en dégageant ses doigts.

Il perçut l’éclat lourd de reproche dans le coin d’un regard, ce qui ne l’aida pas du tout à reprendre son calme. Il était à présent très clair qu’ils avaient autant envie l’un que l’autre que la torture s’arrête et chacun songeait à la façon de s’y prendre, tout en sachant très bien que leur échec ne passerait pas bien auprès des adultes.

Finalement, ce fut Kayla qui se leva, arrachant au garçon un discret soupir de soulagement. Si elle retournait dans le hall faire une crise à sa mère, au moins personne ne le tiendrait pour responsable des frasques de la demi-elfe. A sa surprise, la petite blonde ne sortit pas de la pièce elle partit juste récupérer une lyre qui reposait au pied d’un lit et revint docilement s’asseoir devant lui. Elle cala l’instrument dans le creux de son coude, puis leva vers lui un sourcil interrogateur :

« Ça ne t’embête pas si je joue ? Ça me fera gagner du temps, pour tout à l’heure. »

C’était un prétexte, elle le savait, il le savait. Cette musique, Kayla la connaissait déjà par cœur, mais elle avait désespérément besoin de s’occuper la tête et les doigts pour survivre à cet instant, sans hurler. Farran la contempla un instant, incrédule, avant de hocher la tête. Elle lui sourit, puis se détourna. Distraitement, ses doigts commencèrent à jouer l’accompagnement du chant rituel. Elle le fredonnait sans parole, doucement, agitant une jambe dans le vide au rythme de la mélodie. Ses mouvements n’aidaient pas les affaires de son jeune coiffeur, mais ils comblaient au moins efficacement l’atmosphère entre eux.

Le son de la lyre était relaxant et la voix de la jeune fille accompagnait les notes à merveille. Si l’instant d’avant, elle lui avait paru tendue, voire angoissée, plus rien ne le laissait paraître, désormais. Les yeux clos, ses doigts dansaient sur les cordes, sans effort, et le fredonnement pris de l’ampleur, au fur et à mesure qu’elle osait donner de la voix. La mélodie joyeuse servait parfaitement le timbre doux et flutée de l’adolescente. Farran aussi se sentait emporté par la musique, le cœur transporté par un bonheur tendre et chaleureux. Bien que Kayla ne soit pas une acolyte du temple et qu’elle esquive les enseignements de la déesse du mieux qu’elle le pouvait, elle chantait ses prières comme peu d’enfant savait le faire, à Varnaïrello.

Au rythme de la lyre et de la voix, le jeune elfe tressait mèches et rubans, ramenant les cheveux en arrière pour en faire une couronne blonde, piquée de fleurs fraiches du printemps. Rien de trop extravagant : le bleu des myosotis, pour rappeler celui des yeux de la melessë, alternait avec le blanc des pâquerettes, pour reprendre la teinte immaculée des tenues traditionnelles du temple. Avec satisfaction, le garçon laissa la jeune fille contempler le résultat de son travail, sa complexité et l’adresse avec laquelle il était parvenu à discipliner ses boucles de demi-sang. Les bras croisés, il savoura la surprise dans le regard de la petite chanteuse, alors qu’elle observait d’un air critique l’enchevêtrement complexe de sa chevelure. Elle hocha la tête et il crut voir un fin sourire un peu gêné, lorsqu’elle le remercia, alors qu’il quittait la chambre.

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Au loin, la ligne de l’horizon blanchissait enfin devant les premiers rayons du soleil. Au creux des racines de l’immense magnolia, alignés par âge et qualités de voix, attendaient les enfants de Varnaïrello. Dans la fraicheur de la nuit encore épaisse, leurs longues oreilles frémissaient, mais leurs traits poupins reflétaient le sérieux de l’instant. Tous étaient parés de longues robes blanches, tissées de soie fine et brodées d’entrelacs à motif floral. Les longs cheveux avaient été relevés en couronnes tressées de fleurs fraiches, aux couleurs variées. Les plus jeunes, en haut, juste à la base du tronc, ne devaient pas avoir plus de trois ans, quand les plus vieux, tout en bas de l’arbre massif, étaient de jeunes homme et femmes approchant plutôt le temps de l’indépendance, même chez les peuples elfiques. Seuls manquaient les elenions et aldarons de 6 et 7 ans, cruels absents de ce chœur hétéroclite.

En contrebas de leur scène végétale, entraient les habitants de la ville et quelques visiteurs, curieux d’assister à l’un des rares rituels sacrés d’Ellerìna qui accueillait tout le monde, y compris ceux qui ne partageaient pas le sang des fées. Autour de la foule, prêtres et prêtresses adultes veillaient à ce que chacun trouve sa place, guidant les anciens et les races aveugles sans la lumière du jour et sans torche. Car tout le temple baignait encore dans l’obscurité d’une nuit qui se mourait lentement. Le temps pressait avec le ciel pâlissant, déjà, les premiers bourgeons à la cime de l’arbre brillait dans l’éclat neuf d’un printemps nouveau.

A ce signal, lentement, avec gravité, les voix les plus basses s’élevèrent dans un bourdonnement sourd. Sans parole, le murmure prit de l’ampleur, rapidement joint par le timbre plus clair des filles les plus âgées. Le jour descendait le long du tronc, éclairant les larges pétales des fleurs roses et les rameux gigantesques du grand magnolia. Peu à peu, alors que l’astre solaire chassait lunes et étoiles du ciel, sa lumière dévalait le long d l’écorce, jusqu’à atteindre les premières têtes blondes. A cet instant, le chant éclata dans le lent fredonnement. Les voix fluette et jeunes des adolescents, où dominaient les accents féminins, par-dessus les rauques tentatives des garçons, entonnaient un chant clair, scintillant de l’espoir de voir enfin le jour vaincre la nuit et la lumière l’obscurité.

Le chant sacré des elfes vibrait d’émotion, d’impatience et de solennité. Désormais, mêmes les races à demi-aveugle discernaient les visages aux yeux clos et les mains serrées contre les ventres des jeunes chanteurs, en un geste discret de fervente prière. Quand la lumière atteignit le pied des dernières racines les enfants ayant passé l’âge de raison se joignirent aux chants de leurs ainés, complétant les voix incertaines des adolescents d’une pureté juvénile et douce. La prière gagnait en ampleur, désormais, plus belle et plus sûre, l’espoir faisait place à une joie neuve.

Enfin, la cour entière baigna dans le premier jour du printemps, et les lèvres des plus jeunes s’ouvrirent pour joindre leur voix à celles de leurs ainés. Un bonheur exultant, contagieux, résonnait entre les pierres blanches de Varnaïrello, fort et puissant, inaltérable dans la fragile jeunesse de cette chanson d’enfant.

Une à une, chaque rangée cessa sa prière, du bas vers le haut. Pendant un instant, le chant maladroit des plus jeunes domina le silence révérencieux de la foule des adultes, avant de s’éteindre à son tour. Quelques secondes de silence saluèrent la fin du long rituel, avant que les enfants ne sautent des racines pour rejoindre leurs parents. D’abord les plus jeunes, puis de haut en bas, docilement.

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Kayla trottina vers un homme svelte et élégant, un elenion d’un âge assez avancé pour que quelques rides griffent le coin de ses yeux rieurs. Affectueusement, il accueillit la jeune fille d’un rire chaleureux, suivit d’un bâillement sonore.

« Tu as dormi, cette nuit ? demanda la petite melessë avec un sourire en coin.
- Hmmm… Un peu ?
- Pas assez ! Mummui ne va pas être contente si tu t’endors pendant la fête…
- Ah ! Tu m’insultes, jeune fille ! Un barde ne s’endort ja-mais, pendant les fêtes ! »

Elle pouffa en laissant son grand-père prélever une pâquerette de ses cheveux pour la glisser derrière sa propre oreille.

« Allez, petit rossignol, guide-moi vers les festivités avant que je ne m’endorme pour de bon. »

Edition 14/03/2021 23h48 par Elindine
14/03/2021 23h48
Clem
Clem

L'atmosphère était lourde et parfumée de senteurs de viande et d'alcool, les volets de l'auberge étaient fermées mais c'était assurément la nuit, bien que l'on était probablement parti pour tenir jusqu'au matin. « On » c'étaient en fait moi, une érudite qui me tenait la jambe et des voyageurs ne parvenant pas à trouver le sommeil et qui avaient décidé de profiter de la compagnie en bas.

-Le... potlatch ? Me demande l'érudite.

C'était une petite femme encore plus jeune que moi, elle avait de longs bras fins et des yeux curieux qui s'allumaient à chacune de mes paroles. Pour elle c'était rare de tomber sur une nordique qui parlait couramment le Cyfandir et qui acceptait -moyennement rétribution- de lui parler de son peuple. Vaste sujet qui ne pourrait être entièrement parcouru en une seule nuit et je comptais repartir dès le lendemain mais tant qu'elle alignait les pièces et me payait mes boissons je répondrais à ses questions. Parler du Septentrion calmait et ravivait à la fois mon mal du pays mais nous autres, pauvres humains, étions souvent attirés par ce qui promettait de nous faire mal, pourvu que cela soit à la suite d'un plaisir.

-Oui enfin... répondis-je, ce n'est pas un mot nordique, j'ai cru comprendre qu'à l'origine ce fut des marins qui en ramenèrent l'usage après un de nos voyages vers Acoatl, quoi qu'il en soit ce n'est pas l'origine du mot qui importe mais la tradition qu'il représente.

Elle m'écoutait tout en écrivant frénétiquement sur son carnet auquel elle ne jetait même pas un coup d’œil. Notait-elle tout ce que je lui disait au mot près ? L'idée m'inquiétait sans que je ne puisse savoir pourquoi, tout ce qui touchait à l'écriture me rendait mal à l'aise, peut-être parce que je ne savais pas écrire.

-Au Septentrion la vie est rude, votre tribu c'est votre famille. Quand aux autres tribus... je fis un geste vague de la main. On les voit peu et quand on les voit, ça peut devenir sanglant. Les fêtes sont là pour calmer un peu le jeu : les bagarres sont interdites, à la place on danse, on boit, on chante. Tout en se chamboulant bien sûr, on organise ces activités en compétition pour remplacer nos habituelles affrontement à mort. On fait du troc aussi.

-Du troc ? Me demande l'érudite.

Je réajustai ma position sur ma chaise, les yeux de mes autres auditeurs avaient commencé à briller à l'évocation des luttes et des concours de boisson mais forcément, l'érudite indiquait par sa question quel sujet elle désirait que j’approfondissais. Du coin de l’œil je vis des mines déçues baisser les yeux vers leur chope quand ils comprirent que j'allais causer économie.

-Rien de très important, commençais-je, chaque tribu obtient comme elle le peut ce dont elle a besoin le plus présentement et aucune n'attend désespérément les fêtes pour se refaire en ressource première. Nous n'avons rien de comparable à vos villes forestières qui approvisionnent en bois le reste de vos empires et qui doivent acheter leur nourriture par exemple. Nous ne troquons que le superflu et généralement chaque tribu se spécialise dans une marchandise inutile et nous l'échangeons avec les marchandises inutiles des autres. Ce sont généralement nos artisans qui les produisent, et puis nos habitudes guerrières n'ont pas été abandonnées au moment de s'asseoir sur la table des négociations : on s'invective durant les échanges, on rabaisse les produits de l'autre et au final on s'arrache les marchandises des mains. C'est du chiqué et personne n'est dupe mais on préfère tous faire comme ça.

Pour en revenir au potlatch, dis-je en finissant ma chope et en en demandant une autre par un habile haussement de sourcil à destination de l'aubergiste, c'est une pratique un peu particulière que l'on fait à l'occasion de l'équinoxe du printemps. Bref comme d'habitude on se réunit au sein de la maison longue de la tribu la plus influente du moment et on y retrouve les amusements habituels : concours de boissons, luttes, joutes verbales ou alors une subtile combinaison des trois le plus généralement.

Les regards se réveillèrent à nouveau, à l'exception de celui de mon érudite, qui était toujours en éveil, et cette main qui passait son temps à écrire sur son carnet m'aurait tapé sur les nerfs si ces derniers n'avaient pas été assommés par toutes les boissons de la soirée. D'ailleurs ma nouvelle chope venait d'arriver et j'en profita un peu, faisant lanterner mon interlocutrice avant de passer au vif du sujet.

-Le potlatch, donc, c'est un don. C'est aussi un jeu auquel seul nos chefs ont le droit de participer. Ils offrent leurs marchandises aux autres tribus en fait. Pas de troc cette fois, l'idée est de jouer l’indifférence tandis qu'ils se séparent de la plus grande quantité possible de bimbeloterie. C'est une démonstration de puissance que de montrer que la tribu parvint à survivre avec tellement d'efficacité qu'elle peut se permettre de produire autant d'objets artisanaux inutiles au cours de l'année. Des dents taillés, des pierres travaillés, des bracelets en os ou en bois. Très apprécié le bois d'ailleurs, vu qu'à la fin on met les marchandises en commun dans un tas dehors et qu'on y fout le feu au tombé du soleil, s'il brûle encore au moment du lever alors c'est un bon présage, et on remercie le chef qui a le plus contribué cette année.

A la mention du feu et à l'idée de tous ces objets brûlés, j'en vis quelques uns accuser la surprise. J'entendis même un des curieux secouer la tête en maugréant que l'on était des barbares.

Je fus, je l'avoue, un peu piquée au vif :

-Des barbares ? Pourtant je vois ce genre de comportement partout, et surtout chez vous.

Pour le coup si j'avais pu en assommer quelques uns avec mes prises de parole précédentes, celle-ci eut le mérite de me faire gagner l'attention de toutes les personnes à portée d'oreille.

-Quand je vois toutes les fioritures et les ornements sur les armures de vos nantis, les poignées décorées en or des épées de vos seigneurs ou les distributions de nourriture en ville, à destination des indigents, avec ces crieurs qui répètent jusqu'à plus soif le nom du lord qui a sacrifié une fraction de sa fortune pour calmer leur fin seulement quelques heures, le temps de se faire mousser comme une bière et je me dis que l'habitude de brûler ses ressources pour une étincelle de gloire ou pour épater la galerie c'est une habitude que l'on ne retrouve pas qu'au Septentrion. Il est de la race des seigneurs de nous prouvez de temps en temps qu'ils ne sont pas comme nous, qu'ils peuvent se détacher des basses considérations matérielles car, eux qui ont tout, ils sont au delà de ces questions.

Je me levai, le pas aussi mal assuré qu'un malheureux prit à parti et tabasser dans une ruelle, sauf que moi mes agresseurs s'appelaient Ambre, Liqueur et Bière, et qu'ils allaient aussi probablement plomber mon sommeil, la question était de parvenir à commencer celui-ci dans ma chambre à l'étage et non pas en travers de l'escalier, la tête dans mon vomi.

« Nous au moins les barbares du nord avons la correction de limiter la blague une seule journée par an, et durant le processus nous buvons assez pour que lorsque nous pissons sur le feu, cela le ravive. »

Je leur souhaita ensuite le bonsoir, espérant que cette dernière sortie faisait suffisamment « barbare », il fallait bien entretenir sa réputation.

30/03/2021 17h15