Le festival de Blum

Malgré les réticences de la troupe, la crise de colère de Kerri prit Tana au dépourvu. Postée juste aux côtés de Glatus à ce moment, il lui fallut une fraction de seconde pour comprendre que les reproches ne lui étaient pas adressés. Les mains dressées, paumes ouvertes dans un signe d'apaisement, Cacahuète tentait vainement le calmer la jeune femme lorsque le drame se produisit à quelques pas de là.

La caisse était tombée et Grenat semblait communiquer avec son contenu. De là où elle se trouvait, Tana ne pouvait pas voir le côté sur lequel était penché la drakéide. Elle aurait juré que la caisse était entre-ouverte et que Grenat en avait vu l'intérieur.

La scène qui se déroulait aurait eu de quoi attirer l'attention de n'importe quel curieux. Cependant, Tana Castamyr n'était pas n'importe lequel. En effet, son esprit aiguisé l'emportait en curiosité sur beaucoup de ses contemporains. Il fallait à tout prix qu'elle change de position afin d'avoir une meilleure vue. L'accident n'avait en revanche pas empêché la gnomide de repérer la présence en arrière-plan d'une source d'informations particulièrement évasive. Pour finir, elle avait bien comprit que la drakeïde s'exprimait dans une langue qui lui était inconnue. La frustration de n'être pas la première informée s'intensifiait.

La magicienne établit un plan d'urgence en un rien de temps, se félicitant d'avoir préparé au matin un sort de compréhension des langues. Prélevant dans sa sacoche une pincée de suie et de sel, qu'elle lança en l'air, la gnomide entonna l'incantation qui lui permettrait de suivre la conversation comme s'il s'agissait de sa langue maternelle. Elle passa ensuite à la suite du programme.

Décrivant un large arc de cercle autour de l'épicentre du désastre, Tana trotta en direction de Diégo. Se faisant, elle prit bien soin de passer par un point qui lui permettrait d'observer l'hypothétique ouverture dans la caisse. Ses oreilles étaient tendues pour écouter les sons rocailleux à la base de la communication de la créature merveilleuse que la magicienne savait présente dans la caisse.

Miran était dans une mauvaise posture car sa conscience était mise à rude épreuve après les propos de Glatus. C'était se sauver eux et tuer autrui ou bien mourir par attentisme et laisser vivre d'autres formes de vie.

Peut être était-ce ces pensées qui firent que l'homme d'arme ne rattrapa pas la maladresse de Grenat. Toujours est-il que la suite fut encore plus curieuse car elle semblait discuter avec quelque chose à l'intérieur. D'ailleurs l’interaction se termina par une demande implicite de la drakéide de continuer la besogne.

Cela devenait vraiment compliqué à ce moment là. Le truc de la boite était-il d'accord avec ce projet de saut de l'ange ? Était-ce la bonne option ? Que de questions sans réponse... Faisant preuve de confiance il fit ce qu'on attendait de lui non sans une grande amertume.

Il demanda à sa camarade cependant des explications pour arrêter d'être dans l'ignorance.

- "C'est quoi ? Et que veut ce qu'il y a dedans ?"

Ouf, il a comprit ! pensa Grenat.

Miran n'était par contre pas dans son assiette. Même elle le voyait. D'ailleurs, il lui demanda des explications...
Elle s'empressa de lui répondre à voix basse, comme Si la créature dans la caisse pouvait l'entendre.

- C'est un fils du feu, l'essence élémentaire de mon père...
" Nous le libérons !

L'excitation dans sa voix et les mots sybillins qu'elle utilisait, devaient amener plus de questions au guerrier qu'ils n'apportaient de réponses...
Pourtant, elle n'en avait pas conscience.

“Un fils du feu”? Nous voilà bien avancés, songea Kerri.

Mais elle était soulagée. Et si ces fameux "fils du feu" étaient les formes qu’elle avait aperçues?
Afin d’en avoir le cœur net, elle s’approcha du trou béant pour assister au prochain lancer, que Grenat semblait vouloir effectuer tout le même. Les mains de Kerri palpèrent la corde robuste attachée autour de sa taille, comme pour s’assurer qu’elle tiendrait bon en cas de pépin.

Tana pouvait désormais comprendre que les craquements de plus en plus sonores qui s'échappaient de la caisse n'étaient pas seulement un feu en train de devenir furieux, mais une également une voix paniquée et en colère.

- [Originel] AIR FAIT FEU ! MAINTENANT !

Un choc à l'intérieur de la caisse en fissura le bois.

-Jetez ça tout de suite ! Il y en a d'autres ! Ils vont nous tuer !

Diégo cria depuis l'entrée de la cale tout en écartant les débris sur son passage, comme s'il marchait dans un profond marécage composé de cordages, de paquets ouverts et de plateaux roulants.
En effet. Comme si le cri du « fils du feu » en avait éveillé d'autres, la magicienne entendit un autre cri s'élever, plus loin, sur l'une des cargaisons étrangement laissée sans marquage.


- [Originel] Brûler, BRÛLER VITE !

Diégo sembla l'entendre aussi et changea de direction pour se jeter sur cette nouvelle caisse, poussant de toutes ses forces pour la diriger vers le trou béant au fond du Le Théâtre, d'où le vent continuait d'hurler et de fouetter vivement le visage des curieux.

**
*Edit suite et jets de dés:

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'opération de Grenat et Miran manqua à nouveau de tourner au désastre. Etait-ce la sueur qui perlait sur leurs fronts et rendait moites les mains ? La chaleur des machineries infernales à côté ? Ou juste la peur de mal faire, tandis que l'échos du cri de Diégo résonnait encore dans leur crâne ?
Toujours est-il que sans l'aide avisée de celles qui avaient choisi de ne rien porter, la charge aurait chuté une fois de plus. Pour Grenat c'était certain : ce qu'ils portaient étaient de plus en plus lourd.

Quand enfin ils parvinrent à jeter dans la nuit leur colis mortel, Grenat et Tana entendirent distinctement le cri à l'intérieur, avant que l'explosion au sol n'illumine brièvement la forêt.

- [ORIGINEL] - BRULER !

Diégo poussait toujours, seul, sa lourde charge, sans réel succès, de laquelle s'éleva un crépitement sonore, suivi d'un craquement de bois. Du bois fendu émergea une chose enflammée. Semblable à une main griffue, cela ressemblait à une branche laissée au feu trop longtemps : d'un rouge presque rose. Puis, une autre main jaillit et le bois de la cargaison se mit à noircir imperceptiblement tandis que la température dans la cale grimpait soudain.

S'il ne restait qu'une caisse dans la cale, l'urgence de la situation ne faisait que s'accentuer. Tana savait pertinemment les dégâts catastrophiques que pouvait causer un incendie sur un aéronef tel que Le Théatre. La magicienne jeta des coups d’œils désespérés aux alentours.

- Apyre !

Négligeant les regards incrédules environnants, elle s'entêta.

- Il nous faut des matériaux apyres !

La tension n'empêcha pas la gnomide de repérer ce qu'elle savait trouver dans la cale du navire : un tonneau d'eau et une couverture épaisse.

Plus qu'à agencer tout ça ensemble...

Tana se rua sur sa trouvaille. Selon ses estimations, le textile, bientôt détrempé, serait un outil indispensable à leur survie à tous.

La situation empirait grandement car les états d'âme de Miran commençaient à mettre à mal le transport des caisses. Il remercia pour le coup, d'un hochement de tête, l'aide de Kerri.

Ce n'est qu'après avoir vu que le contenu n'avait pas l'air du tout commode, qu'il se ravisa sur les possibles hésitations qu'il avait sur le sujet. Le guerrier se précipita donc pour aider Diégo dont des gouttes de sueur dues au stress ou à la chaleur perlaient sur son front. Il savait que la patte griffue pouvait le lacérer pendant qu'il s'occupait de la caisse, mais le moment n'était pas adapté pour s'embarrasser avec ça.

Son regard se porta aussi sur Grenat pour lui rendre implicitement la pareille quand à une demande d'aide car le voyageur de sa chambre n'avait pas la carrure utile à cette tâche.

Comme la situation dégénérait, Kerri voulut se précipiter pour aider Diégo à accélérer le mouvement. Son regard croisa celui de l’homme en armure, Miran, qui lui fit un hochement de tête assuré. Ce dernier la prit de vitesse et alla pousser la dernière caisse, celle dont l’occupant semblait plus que contrarié.

L’attention de Kerri fut soudain attirée par la gnomide qui gesticulait bruyamment un peu plus loin. La jeune femme comprit alors les intentions de cette dernière, dont elle apprécia la vivacité d’esprit.

- Si tu veux que les gens t’aident, il va falloir parler normalement, grommela Kerri.

Et joignant le geste à la parole, elle saisit la couverture épaisse et la plongea dans le tonneau que lui indiquait Tana.

Comme tous les enfants du feu, cette nouvelle créature était têtue et bornée... Et c'était peu dire selon les critères de la drakeïde.
D'ailleurs, Grenat mit quelques secondes à reprendre ses esprits après le nouveau largage.

Apparemment, les occupants des caisses étaient peu décidés à garder leur calme, quoi qu'elle puis se en dire. Toutefois, elle n'avait pas abbatu sa dernière carte et c'est en grondant de toute la puissance de sa gorge draconique, que Grenat s'adressa, au propriétaire du membre enflammé :

- Stop ! Ordre de la fille du Tout Puissant Karisimbi ! Un geste de plus et tu t'expose à la colère légendaire de mon père !

[Intimidation : 18 (Discord)]

L'ordre impérieux de Grenat tonna comme un souffle embrasé et la main griffue dépassant de la cargaison cessa de griffer et gémir, un temps. Comme si elle se recroquevillait dans le fond de sa minuscule prison.

Cela laissa le champ libre à Diégo et Miran pour pousser ensemble la masse, bientôt recouverte d'un drap dégoulinant. Un nouveau choc se fit bientôt entendre, comme si la créature pouvait sentir le vide se faire plus proche, à mesure que le vent s'engouffrait dans la fente dégagée par ses coups.
Et puis ce fut le grand saut.

[Originel] NOOOOOOOON !!!

Et la caisse n'explosa pas en touchant le sol. Elle vola en éclat bien plus haut, à quelques mètres à peine du Le Théâtre, secouant ce dernier comme s'il avait franchi une vague trop haute. Titubant en arrière, Diégo s'écroula sur les fesses, observant les débris ignés.

Chaque personne présente réalisé qu'ils avaient probablement, en une minute, sauvé la vie de chaque personne à bord. Et que ce serait-il passé si les créatures de feu s'étaient réveillées alors que tous dormaient ? Des questions qui resteraient sans réponses. Pour toutes les autres, la fine silhouette assise au bord de la cale, l'oeil vide, aurait sans doute beaucoup à répondre...

Grenat sentit ses jambes faiblir, jusqu'à refuser de supporter son propre poids. Alors elle se laissa tomber sur ses fesses, fermant les yeux et poussant un puissant soupir de soulagement. Elle se rendit compte qu'elle avait cessé de respirer depuis qu'elle avait hurlé sur la créature de feu...

Karisimbi, soit mille fois remercié !
" Cette leçon est apprise, je ne douterais plus jamais de ta puissance et de ta renommée parmi les fils et les filles du feu !

La drakeïde avait oublié le reste, prise dans ses souvenirs, semblant plus réels que jamais en cet instant.
Pourtant, après la puissante chaleur dégagée par le monstre, le vent glacial qui s'engouffrait dans la cale eut beau fait de la ramener à la réalité.

Le dernier cri de la créature sembla presque humain aux oreilles de Kerri. Celle-ci ignora son estomac qui trahissait son trouble. Détournant les yeux, elle se dirigea jusqu'au dénommé Diégo, qui tentait de se ramasser un peu plus loin.

- Et bien ?

Le jeune homme évasif leur devait des explications, et il semblait qu'ils avaient enfin le temps pour les écouter. Les yeux fixés sur le bougre, elle attendait impassible. Elle songeait que Diégo avait plutôt intérêt à être convaincant.

La tirade de la drakéide était parvenue à retenir la créature inconnue suffisamment longtemps pour pousser sa caisse hors de l'aeronef. La mention du Tout Puissant Karisimbi s'en alla rejoindre la longue liste des éléments pour lesquels Tana désirait des explications. Dans l'immédiat, cependant, la magicienne concentrait toute son attention sur Diégo, comme probablement toutes les personnes présentes dans la cale.

Reposant distraitement le couvercle du tonneau par dessus la couverture détrempée et désormais inutile, Tana suivi la jeune femme qui l'avait aidée jusqu'à hauteur du jeune homme assit au sol. Elle n'avait besoin de rien dire et elle le savait bien. Aussi attendit-elle patiemment la suite des événements.

Le jeune homme avait l'air vidé de toute force, de toute envie aussi. Il ne bougea pas d'un sourcil quand Kerri l'interrogea. Cette dernière aurait pu croire qu'il n'avait simplement pas entendu son évasive interrogation, mais finalement il demanda à son tour :

- Et bien quoi ? C'est fini... Tout ça pour ça...

Il sembla à la jeune femme que...Mais oui, ses yeux étaient plus étincelants, ils brillaient comme si des larmes venaient s'y accumuler lentement. Et puis, il poussa un profond soupir et se tourna vers Tana.

- Vous travaillez pour le Directeur, non ? A vous, je peux tout raconter. Les autres... Je suis désolé si vous avez été en danger et je vous remercie pour ce que vous avez fait...

Sans grande considération pour la portée que pourraient avoir ses propos, Diégo se releva difficilement, comme soudain accablé par une grande fatigue.

Tiens, tiens, la demoiselle autoritaire trempait aussi dans la combine.

Kerri savoura l'information et la nota soigneusement dans un coin de sa tête. Pour l'instant, elle allait plutôt se concentrer sur le malheureux Diégo. Elle décida de l'accabler dans les formes de l'art.

- C'est tout?

Le cri de la créature résonnait encore aux oreilles de Kerri, et le misérable jeune homme devant eux pensait pouvoir s'en tirer un peu trop facilement. Elle attrapa brusquement Diégo par le bras pour le forcer à se retourner.

- Je sais pas à qui tu destinais tes caisses, mais tes petites affaires ont bien faillit nous péter à la figure.

Elle fit une pause pour laisser le temps à son interlocuteur visiblement bouleversé de suivre.

- Et en vrai, je m'en fiche un peu, continua-t-elle. Mais je voudrais savoir comment on va s'arranger maintenant qu'on est au courant de vos petites magouilles. Tu vois, j'ai pas spécialement envie de me faire jeter par dessus bord dans mon sommeil, ni n'importe quand d'ailleurs.

Elle s'interrompit à nouveau, tentant de jauger le personnage.

- Mais on est des gens civilisés, enfin, surtout mes nouveaux amis... Je suis sûre qu'on peut terminer le voyage paisiblement, et que, moyennant compensation, on peut gentiment oublier ce qui se trame ici.

Elle relâcha sa manche. Ses yeux verts le dévisageaient d'un air écœuré et attendant sa réponse.

La déclaration de Diégo fut aussi brève que décevante. Tana fut abasourdie par la manière frustre dont il tenta de se débarrasser des questions de la jeune femme en colère. Certainement, il ne pouvait espérer s'en sortir de cette façon. L'Organisation engageait n'importe qui ces derniers temps. Même sonné par l'échec de sa mission, il aurait pu au moins inventer un mensonge crédible afin de satisfaire la curiosité des passagers.

Par tous les dieux, il aurait même dû l'avoir conçu bien à l'avance étant donné la probabilité non négligeable qu'un tel événement ne se produise !

La réaction qui s'ensuivrait était hautement prévisible. Mais ce n'était pas le seul reproche que la gnomide aurait voulu lui lancer sur le moment. Non content d'avoir mal géré les retombées du désastre, il se permettait de mettre à plat la relation supposée de Tana avec Le Directeur et sa mission. La jeunette jeta un regard incrédule vers ce dernier, ne serait-ce que pour connaître son point de vue sur la question.

Comble du comble, le malotru était mal renseigné. Si la magicienne connaissait bien le capitaine et avait travaillé de concert avec lui à l'occasion, elle n'était nullement sous ses ordres.

- Techniquement...

Le doigt scolairement levé et l'air guindé, la petite personne s'apprêtait à corriger le tir concernant sa place dans l'histoire lorsque Kerri explosa.

Et voilà...

Le discours qui s'ensuivit montrait que la jeune femme n'avait pas froid aux yeux. Bien que consternée, Tana apprécia ce tempérament explosif. La gnomide aimait que les choses bougent, cela mettait de l'ambiance.

Tristement, la chute fut elle aussi décevante. Oublier... Compensation... Tana en resta sans voix. Pendant un court instant, elle avait cru que Kerri était aussi éprise de connaissance qu'elle l'était elle même. Étrangement, l'idée de pouvoir s'en sortir avec un bakchich la frustrait. Elle se retourna en direction des autres passagers, pleine d'espoir coupable. Sans nul doute, leur conscience serait-elle plus à même de donner du fil à retordre et au capitaine à ce Diégo de malheur.

Lorsque le colis explosa l'onde de chaleur fit fermer les yeux à Miran qui ne s'attendait pas à un tel scénario. Il tourna la tête et pris conscience que le temps avait été précieux sur cette dernière action. Son regard revint une dernière fois sur le paysage visible depuis le trou béant afin de chercher si rien n'avait pris feu à l'extérieur sans manquer de se cramponner.

Le calme, si on pouvait l'appeler comme cela au vu du remue-ménage qui allait déferler sur son camarade de cabine, pouvait revenir. Les questions fusaient et on ne pouvait pas négliger la tension du moment. Il y avait matière à ne pas en rester là.

Le guerrier traversa tranquillement à travers les protagonistes de cette discussion houleuse comme si cela ne l'affectait pas. Il se positionna derrière Diégo barrant le passage pour monter à l'étage supérieure et se retourna pour faire face à l'assemblée. Voyant qu'il n'y avait aucune avancée pour l'obtention d'information, le combattant pris la parole [Persuasion] juste après l'intervention de l'humaine aux yeux verts.

- "Mon discours va être simple, les mensonges on s'en fout, seul la vérité compte. Tu as donc le choix entre rassurer tes sauveurs sur tes intentions, ou subir leur courroux qui pourrait se traduire par une envolée précipitée vu la tournure des évènements. Donc si tu tiens à la vie et pas reconnaissance pour ton accueil je te propose de tout déballer pour m'avoir comme alliée sinon cela ne sera pas LA justice qui te tombera dessus mais LEUR justice."

Miran ponctua ses propos par un air grave et bien appuyé car il souhaitait savoir où il avait mis les pieds, cependant, même si cela dégénérait, il ne permettrait pas qu'on jette par dessus bord un homme, même le pire des brigands car seul un procès équitable lui était promis pour ses actes.

D'abord, Diégo ne chercha pas se montrer beaucoup plus convaincant. Etait-ce par ce qu'il ne parvenait pas vraiment à trouver ses mots ? Avait-il pris peur lorsque les menaces s'étaient mises à pleuvoir sur lui ? Sans doute : tout son corps s'était crispé et ses yeux s'étaient mis à clignoter rapidement, comme s'il cherchait à empêcher des larmes de venir y briller.

Puis il s'était repris, légèrement détendu, alors que Glatus venait se poster à côté du petit groupe, imposant par sa taille et par le froncement de son sourcil droit qui semblait lui faire remonter jusqu'à la lèvre supérieure, dévoilant une canine peu amène.

- Y aurait-il un problème qu'il me soit nécessaire de régler ?

Sa voix était moins flûtée qu'à l'accoutumée. Sans doutes les derniers échanges lui étaient-ils parvenus et il était probable qu'il ne goûte au racket des passagers qu'il transportait, ou aux menaces de morts qu'ils pouvaient subir. Peut être avait-il une raison particulière de prendre la défense de Diégo, puisque tous s'accordaient à penser qu'il était responsable de ce qui aurait pu devenir leur mort. ? Pourtant, le chétif jeune homme secoua la main devant lui, pour rassurer le merosis.

- Je dois en parler au Directeur. Vous nous avez sauvé, c'est vrai. Mais pas de moi. Je... je ne peux pas tout vous dire sans son accord.

Kerri sentit la détermination de Diégo avec une acuité qui la surprit elle même. Il y avait plus, dans sa voix grelotante, qu'une simple promesse creuse : c'était comme si Diégo cherchait à les protéger, eux, de parler plus. Kerri eut l'impression qu'il craignait quelque chose ou quelqu'un, ici même, capable d'entendre ce qu'ils pourraient se dire.


jets d'intuition

Le choc était enfin passé et Grenat se fit violence pour laisser les souvenirs de son foyer de côté. Se sentir si proche de Karisimbi faisait remonter de douloureux souvenirs... qui étaient à un cheveu de faire perler les larmes de ses yeux. S'y refusant, elle secoua la tête et observa les alentours, prenant enfin conscience des échanges houleux prêt d'elle.

On s'en prenait au fameux Diégo apparemment. Ce qu'elle pouvait concevoir. Pourtant, elle ne lui en voulait pas elle-même. Non.
Mais des questions se pressaient dans sa tête et malgré la présence intimidante du Mérosis, elle s'avança.

- Pas de problème ! Répondit-elle. Mais j'ai des questions...

Et elle posa ses mains griffues sur les épaules de l'humain pour qu'il la regarde, ignorant la réaction de son garde du corps. Il n'y avait pas d'agressivité dans son geste de toute façon. Seulement de l'enthousiasme et un peu de précipitation.

- Dites-moi ! Comment vous êtes-vous retrouvé en possession de fils du feu ?
" Les faire voyager dans des caisses de bois n'était pas bien intelligent par contre...

Kerri n’était pas sûre d’elle-même. Il lui semblait qu’elle avait perçu quelque chose dans la voix de Diégo. Quelque chose qui lui disait que le plus tôt on mettrait un terme à la conversation, le mieux. Comme un avertissement. Elle ne savait pas trop ce qui était à craindre, mais elle choisit de faire confiance à son instinct. Ainsi décida-t-elle d’interrompre l’impressionnante drakéïde.

- Notre ami est chamboulé. Laissons-le se remettre, allons ensemble voir le Directeur.

Son prétexte n’était pas très crédible, mais peu importait. Personne ici présent n’avait de raison honnête de s’opposer à sa requête.

Adieu la compensation, songea-t-elle amèrement. Bah, des informations, c’est bon à prendre aussi.
Son mentor lui aurait dit que ça paierait tôt ou tard. Elle-même préférait l’argent sonnant et trébuchant plutôt que de vagues promesses.

Devant les regards plus ou moins sceptiques, elle décida de lancer le mouvement.

- Allons-y ! Qu’est-ce que vous attendez ?

Elle espérait que le Mérosis ne se joindrait pas à la compagnie. Peut-être était-ce lui que craignait Diégo ? Dans tous les cas, il la mettait mal à l’aise.